Jean Fouquet, Le siège de Melun, miniature, Grandes Chroniques de France, Tours, vers 1455-1460; Paris BnF, département des Manuscrits, Français 6465, fol. 166v. (Livre de Robert le Pieux); détail.
Vers le même temps, Fouquet peint le dyptique de Melun, apparemment pour la collégiale Notre-Dame. La vue du site peut donner une idée assez juste de ce quil était au XVè siècle : on retrouve du moins la Seine, sur les rives respectives de laquelle il a installé les troupes normandes et royales, et un château sans doute inexistant au moment du siège, situé en bout dîle.
Cest là que Robert le Pieux le fera construire et où il demeurait au temps du peintre, remanié en dernier lieu, sans doute, par Charles V au siècle précédent. Toutefois, il ne ressemble guère aux constructions connues par les documents postérieurs de Chastillon (vers 1600) ou de Silvestre (vers 1660) et relève donc de la fantaisie de Fouquet, imaginant à la moderne lédifice que le roi Robert remplacera.
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Situer la prétendue spoliation du comte de Blois.
Quand la ville aurait-elle pu être distraite du domaine du comte de Blois et de Champagne pour être rattachée au roi ou attribuée à quelquautre personnage? Eudes (ou Odon), le chroniqueur de la vie de Bouchard (ou Bourchard) de Vendôme, situe son don par le roi à ce dernier à loccasion de son mariage avec Elisande (ou Élisabeth), veuve dAymon, comte de Corbeil, apparemment mort le 23 mai 973. Les données concernant les enfants du couple (notammment Renaud, chancelier de France dès 989) supposent que le mariage eut lieu très vite après cette date. Soit dit en passant, cela correspondrait à la récente datation des parties les plus anciennes du prieuré Saint-Sauveur sil sagit bien dune fondation comtale liée à linstallation de Bourchard à Melun.
Celui-ci, nommé en 987 par Hugues Capet comte de Paris, où il résidait, avait confié Melun à un certain Gauthier. Que penser dès lors de lanalyse par Jubainville des arguments dEudes de Blois pour convaincre celui-ci? Elle suppose quil fasse de la confiscation dont il se plaint un évènement récent, ce qui ne tient apparemment plus; du moins peut-on dire que ce ne peut être de Melun dont il est question.
Témoins directs et indirects : points de vue "rémois" et normands.
Il faut par ailleurs remarquer que Richer seul est contemporain des évènements quil rapporte. On ignore quand il meurt mais son ouvrage, vraisemblablement entrepris à la demande de Gerbert, achevêque de Reims, semble sinterrompre en 998, alors que celui-ci doit se démettre de son siège. Étant donnée lambition historique particulière, locale, de ses Histoires, on le voit mal les reprendre lorsque le prélat fut nommé pape en 999, fonction quil exerça sous le nom de Sylvestre II jusquà sa mort en 1003.
Au contraire, un évènement essentiel au regard de ces intentions et dont il fait état prend place en 991 : larchevêque de Sens dirige en juin le concile de Saint-Basle devant statuer sur le sort dArnoul, descendant carolingien et archevêque de Reims, titre quambitionnait Gerbert mais quil nobtiendra quensuite. Il serait tout aussi étonnant que le siège de Melun, jalon de laffirmation capétienne soit, par hasard ou par erreur, situé par Richer tout près dune étape aussi essentielle dans le parcours qui lie lÉglise de Reims au prélat, son patron, par ailleurs soutien dHugues et de Robert.
Orderic Vital, qui écrit plus dun siècle après les évènements situe le siège durant la même année 999 au cours de laquelle larchevêque Sewin aurait relevé labbaye de Saint-Père. Il pouvait sinspirer de louvrage de son prédécesseur Guillaume de Jumièges traitant également de lhistoire de la Normandie, antérieur de quelques décennies et auquel il a apporté des compléments. Cet auteur suppose, entre le siège et la campagne de Bourgogne au cours desquels le roi et le duc de Normandie agirent pareillement de conserve, un décalage de trois ans avec la mort de son duc, survenue en 1002. Mais cela nimplique pas nécessairement le recours à des dates absolues confirmées, et Hugues de Fleury, qui écrit au XIIè siècle, par exemple, situe cette campagne en 997 - voir le document publié à la suite de la vie de Bouchard...
En fait, 999, comme le confirme Odorannus, moine de labbaye de Saint-Pierre-le-Vif de Sens contemporain des évènements, est lannée de la mort de larchevêque ce qui rend improbable sinon impossible ce que dit Orderic. On peut penser quil se soit inspiré dun document comme celui du clerc sénon qui débute par la mort du personnage avant den détailler les actes remarquables; quitte à commettre lerreur de situer durant lannée même de sa disparition les faits quil évoque.
Reconstitution du contexte du siège.
En fonction de ce que lon sait par ailleurs, on peut donc reconstituer la séquence suivante:
- au début de 991, Eudes de Blois se rallie à Hugues Capet, trahissant le parti opposé au bénéfice de lobtention de la place de Dreux, autre site stratégique autour de Paris;
- ce ralliement de façade sintégrerait dans une stratégie daffaiblissement du nouveau roi par son encerclement; le gain par la ruse de Melun, spoliant Bourchard et soulignant les ambitions du comte de Blois, ne pouvait que provoquer la colère royale, sans doute après le concile de Basle en juin;
- laccord que reflète le document de septembre pourrait marquer la fin des hostilités : le siège apparemment destructeur (profitant des méthodes normandes?) doit donc avoir eu lieu durant lété.
Cest tout naturellement que lévêque de Sens et le roi, ainsi que son fils, auraient contribué conjointement, entre 991 et 999, au rétablissement de labbaye de Saint-Père, dans le souci de relever la ville autant que pour pacifier leurs relations politiques. Plus tard, vers 1015-1020, Robert le Pieux en continuera loeuvre en intervenant sur les statuts et les chantiers de Notre-Dame (érigée en collégiale) et de Saint-Sauveur (de collégiale, devenant prieurale).S. Kerspern, Melun, jeudi 6 août 2009 Retour vers la page Parcours historiques de Melun du site Dhistoire & d@rt
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