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Sylvain Kerspern Le jeune Philippe de Champaigne à lépreuve du temps - 2/4 Champaigne en Champagne : autour des peintures de Pont-sur-Seine. Mis en ligne le samedi 18 mai 2011 - PS juin 2019 |
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Le jeune Philippe de Champaigne à lépreuve du temps Autres épisodes : |
1/4 Sainte Geneviève |
3/4 Au Carmel |
4/4 Au Luxembourg |
5/4 Chronologie |
Létape suivante, dans la chronologie de Philippe de Champaigne, prend place lors du retour de Bruxelles, à lappel de Claude Maugis, pour succéder à Nicolas Duchesne comme peintre de Marie de Médicis. Nous sommes en 1628, et cest de cette année que les sources datent la commande des peintures destinées au Carmel du Faubourg Saint-Jacques : pour la nef de léglise, un cycle sur la vie de la Vierge (Adoration des bergers, Lyon, Musée des Beaux-Arts; Adoration des mages détruite en 1870; Purification de la Vierge au Temple, Dijon, Musée des Beaux-Arts; Assomption, Louvre, et une Pentecôte perdue); pour une chambre de retraite destinée à la reine Marie, des sujets sur le Christ et la mission des apôtres (Le Christ et la Cananéeenne, Lentrée du Christ à Jérusalem, La pentecôte, Lascension, tous au Val-de-Grâce); à quoi il faut apparemment ajouter La résurrection de Lazare (Grenoble, Musée des Beaux-Arts) pour léglise. Des contrats de 1630 découverts par Richard Beresford (1988) tendent à confirmer cet ancrage précoce des contributions du peintre au décor du Carmel. La tâche comprenait également la voûte de la nef ornée notamment dun Christ en croix entre la Vierge et saint Jean dont leffet perspectif, pour lequel la collaboration de Desargues est rapportée, était vanté. Dans cette entreprise, lintervention de Marie de Médicis, protectrice de lordre et destinataire dune des pièces, est essentielle. Trois ans après son début, la reine-mère fuit le royaume. Les peintures évoquées furent-elles pour autant réalisées dans cet intervalle, auquel cas le recours à un atelier peut avoir été nécessaire? Celui-ci est-il réellement perceptible ou doit-on considérer quaprès une dotation de la reine faite au monastère, elle aura pu payer les artistes par-delà lexil, à mesure de leur avancement? Avant de les étudier pour répondre à ces questions, il me paraît nécessaire de se servir de la première formulation qui sy voit dun langage cohérent pour évoquer un certain nombre dautres peintures qui leur seraient antérieures, et sans doute contemporaines ou postérieures à la Sainte Geneviève et lAdoration des Mages. Certaines dentre elles se trouvent dans léglise de Pont-sur-Seine. |
Mon article dans la Revue de lart en 1997, assez mal illustré et pour laquelle je navais pas eu le loisir de faire les recherches nécessaires, est avant tout le témoignage de leur découverte. De fait, il occulte un peu, malgré sa dernière note, le caractère disparate de lensemble. José Gonçalves a proposé un étalement dans le temps non dénué de pertinence. La demeure seigneuriale des Caves appartenant par héritage à Marie de Bragelonne, épouse très affirmée de Claude Bouthillier de Chavigny depuis 1606, était voisine et dépendait aussi de la paroisse de Pont, dont il devient seigneur en 1632. Cette dernière date, essentielle pour le château, nest donc pas incontournable pour léglise. La Remise du rosaire à saint Dominique et sainte Catherine de Sienne en présence de Marie de Bragelonne et de Claude de Bouthillier est un élément capital de ce point de vue. José Gonçalvès réfute à juste titre le fait de rattacher la date de 1636 visible dans la chapelle à la réalisation de cette peinture. La simple confrontation avec le portrait inséré dans La réception du duc de Longueville dans lordre du Saint-Esprit de Toulouse, datable de 1634 (alors que lexemplaire aujourdhui au musée de Troyes, destiné au château de Pont-sur-Seine, doit dater du chantier de sa transformation, quelques années plus tard) suffit à en démontrer limpossibilité. On ne peut que constater la différence dâge, dabord sensible dans lempâtement du visage. La restitution analytique, plus insistante sur les accidents du visage ou des mains, du portrait collectif de 1634, un des premiers témoignages dans le style qui fera le succès du peintre, peut laccuser mais signale aussi une évolution décisive : par lâge apparent des donateurs et le style, le Rosaire est sans doute antérieur au voyage de Bruxelles. Cest, il faut le dire, supposer de la part du couple Bouthillier, et singulièrement de Marie de Bragelonne, une protection personnelle, précédant celle, selon Félibien, de la reine-mère. On peut le croire en rappelant les lignes du même historiographe sur le désir du cardinal de Richelieu de faire venir Champaigne sur place travailler au décor de son château du Poitou, qui le conduit à solliciter lintercession de Bouthillier : manifestement, des liens particuliers sétaient tissés entre ce dernier, son épouse et le peintre. La disposition des angelots du Rosaire est proche de celle pour lAdoration des Mages du Mans. LEnfant aussi bien que les saints terrestres témoignent, dans leur installation, dune recherche malaisée de poses naturelles qui est un autre point de rapprochement avec ce tableau. Les mains de Dominique et Catherine sont plus dans la manière de Lallemant. En revanche, lharmonie générale, claire, tranche aussi bien avec lAdoration qu'avec lex-voto à Sainte Geneviève. José Gonçalves y voit limpact de litalianisme de Nicolas Duchesne. On connaît pour lheure trop mal ce que cet artiste était assurément capable de peindre pour pouvoir en faire une certitude. Jaimerais faire une proposition alternative dont lavenir dira si elle constitue une solution commode mais fautive, ou la seule à retenir : jy vois le regard sur loeuvre dOrazio Gentileschi, présent à Paris en 1624-1626 et qui marque profondément lart français (que lon songe, notamment, aux Le Nain ou à La Hyre, sans parler de Jean Mosnier). LItalien aime les lumières analytiques, détaillant les plis complexes des drapés, leur offrant volontiers la réflexion de plages claires sinon blanches, lissant des types physiques à la géométrie simplifiée. En témoignent, parmi les peintures immédiatement antérieures au séjour français ou qui en relèvent, lAnnonciation de Turin, le Repos de la sainte Famille du Kunsthistorisches Museum de Vienne, la Félicité du Louvre ou la Diane de Nantes. Cest précisément dans ce travail que se trouve lécart constatable entre le Rosaire et lAdoration ou la Sainte Geneviève; de même pour le traitement plus minutieux et souple du drapé et les types physiques rejetant les modèles flamands de naguère. Le rapprochement vaut peut-être encore plus pour la Résurrection placée au maître-autel, qui avait attirée mon attention et le souhait de vérifier lattribution à Champaigne en faisant la visite de léglise. Malgré une faible lumière suggérée par le sujet, les ombres y sont moins profondes que dans lAdoration des Mages. Lange insolite, pourtant élément le plus nettement annonciateur du style futur de Champaigne, ne me paraît pouvoir sexpliquer que par cette référence à Gentileschi, grand peintre des blancs et des gris, de même que la profonde transformation du drapé, beaucoup plus recherché, complexe, et dans un tout autre rapport au corps. Marie, quinterpelle lange et dont limportance renforce limpression dun mécénat plus personnellement entrepris par lépouse de Claude Bouthillier, évoque évidemment la mère du Christ dans lAdoration des bergers de Lyon ou dans la Purification de Dijon. Les visages des gardes du tombeau doivent encore beaucoup à lascendant de Pourbus, notamment de sa Cène (Louvre). Les autres aspects, comme la facture encore parfois relâchée, suggérent une situation antérieure aux oeuvres du Carmel : nous voici donc bien devant une autre peinture précédant le bref retour à Bruxelles. Champaigne franchit, dans cette Résurrection, un pas décisif dans la recherche du fini, des formes et volumes clairement sensibles et de la définition des espaces. Ce retable apparaît comme un jalon essentiel pour comprendre vers quel artiste et quel goût, italianisant, son auteur sest tourné pour saffirmer, notamment auprès de la reine mère. Il faut noter quen cela, il se rapprochait nécessairement de Jean Mosnier, de retour de Rome, et que les témoignages anciens nous disent particulièrement apprécié du peintre de Pise, au point que celui-ci aurait, au moment de quitter Paris pour Londres, recommandé le Blésois comme son successeur. Cest en tout cas la réaffirmation dun intérêt pour lItalie le détournant de Rubens. Dautres peintures mobiles de léglise montrent un style archaïsant apparemment en retrait, par la juxtaposition de saints comme autant déléments dun retable sculpté aussi bien que par un traitement des formes appliqué. Il sagissait sans doute dorner lautel de chapelles secondaires, dédiée à tel ou tel saint, ou renfermant quelque relique justifiant sa présence dans la peinture. Le tableau à trois personnages principaux réunit saint Roch, saint Loup, lun des patrons de lÉglise de Troyes dont relève Pont, et sainte Barbe; celui à deux montre saint Sébastien et un saint evêque à lépée qui a chance dêtre saint Martin, patron de léglise. La sainte Geneviève au pied de saint Loup trahit la main de Champaigne, son installation de profil, agenouillée, étant un poncif de sa première production (Purification de Dijon, Christ et la Cananéenne du Val-de-Grâce, et encore dans la Résurrection de Lazare de Grenoble). Il pourrait à nouveau dériver du regard sur Pourbus. Lattribution à Champaigne simpose donc. Comme à José Gonçalves, il me semble nécessaire de placer tôt ces deux tableaux dautel, encore très marqués par Georges Lallemand. Préciser plus demande un examen plus favorable de ces peintures, qui mériteraient, avec lensemble de celles de léglise, une restauration soignée. Quoiquil en soit, Claude Bouthillier et (surtout?) Marie de Bragelonne, proches de Marie de Médicis puis du cardinal de Richelieu, auront manifestement joué un rôle essentiel dans les débuts de la carrière de Champaigne car cest bien un jeune peintre qui agit là, peut-être désoeuvré sur le chantier du Luxembourg, au point de quitter Paris quelques temps après. Parmi les autres peintures de léglise, il faut dire ici un mot des rois et prophètes de lAncien Testament sur les parois de la nef. Leur forme ramassée, les attitudes familières ou affectées et le drapé rond assez peu travaillé, font songer à une dépendance encore forte par rapport aux maîtres des années de formation, en particulier Lallemand et ses peintures pour léglise parisienne de Saint-Nicolas-des-Champs. En conséquence, il me paraît assez difficile de suivre José Gonçalves dans lhypothèse douvrages de la maturité. Le titre obtenu de seigneur de Pont, en 1632, aurait pu amener Bouthillier à vouloir immédiatement imprimer sa marque sur la pierre de son église paroissiale. Cest sans doute même déjà un peu tard mais létat actuel appelle de toute façon la prudence; a fortiori pour la Trinité. Reste le cas des autres peintures. La qualité des Paysages et Natures mortes - le premier genre ayant fait la réputation initiale de Champaigne - requiert un examen approfondi mais ils nentrent vraisemblablement pas dans le champ du présent travail, parce que postérieurs aux premières armes du maître. Les sujets érémitiques se comprendraient dailleurs mieux après la disparition de Richelieu et la disgrâce de Bouthillier. Il en va de même à la voûte pour les grands anges manifestement marqués par lexemple de Vouet, peu probables avant la deuxième moitié des années 1630. Enfin les voûtains ornés dangelots, peut-être intermédiaires, sont tout de même difficiles à juger en létat. |
Philippe de Champaigne, portrait de Claude Bouthillier dans La remise du rosaire ...La réception du duc de Longueville dans lordre du Saint-Esprit La remise du Rosaire Pont-sur-Seine, église Saint-Martin. Toile, 155 x 125 cm. Résurrection. Pont-sur-Seine, église (détails). Toile, 320 x 250 cm (environ). St Sébastien et St Martin - St Roch, St Loup et Ste Barbe Pont-sur-Seine, église (détails). Toiles, 166 x 123 cm (chacune). Philippe de Champaigne, rois et prophètes de la nef : David et Moïse. Pont-sur-Seine, église Saint-Martin. |
Il faut revenir maintenant sur le cas de deux peintures vraisemblablement liées par la commande : elles illustrent toutes deux lhistoire de Céphale et Procris, laquelle apparaît pareillement habillée dans les deux sujets. Elles furent présentées à Blois en 2004 sous le nom de Philippe de Champaigne, intuition incontestable des frères Pardo pour celui montrant les deux amants, que javais vu lors de leur exposition de 1989. Celui-ci est un brillant exercice de style dans le goût de Fouquières pour le paysage, très verdoyant et plutôt froid, réchauffé par le coloris des vêtements de deux protagonistes. Ceux-ci, en prenant presque toute la hauteur de la peinture, paraissent hors de proportions. Malgré la sûreté du pinceau et la qualité des effets, il paraît difficile de placer cette peinture après 1630, ou même auprès de celles du Carmel, notamment, qui offrent une intégration plus raisonnable de la figure humaine à son environnement par la plus grande respiration de la composition. Nous avons sans doute là un exemple de ce qui fit ladmiration du jeune Poussin au point que Champaigne lui fit présent dun témoignage dans ce genre. Le rapprochement déjà fait avec la sainte Geneviève du tableau aux trois saints de Pont conduit en effet à supposer une exécution dans la seconde moitié des années 1620. Lautre peinture est moins satisfaisante, surtout pour les personnages du second plan. Nicolas Sainte-Fare-Garnot (cat. expo. Blois 2003-2004, p. 206) évoque la possible intervention de latelier en le situant au début des années 1630 mais à vrai dire, le schématisme de leurs traits renvoie aux premiers ouvrages de Champaigne, lAdoration des mages ou les tableaux de Saints de Pont. Il faut donc limputer à la nonchalance du style encore dans le goût dun Lallemand, vers 1625-1627. Lhypothèse déléments de décor pour le château des Caves, à Marie de Bragelonne, pourrait être une piste. |
Philippe de Champaigne, Céphale et Procris, Toile, 103 x 170 cm Procris et Diane, coll. part. |
Deux détails importants, qui nous ramènent au Palais du Luxembourg, appellent un commentaire. Le premier concerne la déesse. Sa pose, son drapé, doivent être mis en rapport avec un certain nombre de témoignages de lart de Champaigne ou de son environnement proche : la gravure de Charles David daprès notre artiste (selon la lettre) pour une allégorie de la Science figurant parmi les illustrations de louvrage de Charles Vialart, Le temple de la Félicité, paru en juin 1630; la personnification de la Magnificence présentée dans le portrait allégorique du cardinal de Richelieu gravée par Michel Lasne pour la thèse dun autre membre de la famille Vialart, Félix; celle de la Victoire représentée dans lun des panneaux provenant du chantier du Luxembourg et remonté dans la Salle du Livre dor du Palais - qui nest pas la plus stylistiquement évidente parmi ce qui peut en être attribué à Philippe. Fait significatif, la représentation de la Science, qui figure également dans le décor du Luxembourg, en reprend les attributs mais pas la pose. On constate, comme pour Duchesne dans les panneaux dangelots, de subtiles réorganisations de la gestuelle, de lattitude ou des dessins de drapés par le biais dinversions ou de légères altérations dun nombre limité doptions. Mais partout se trouve le balancement du corps sous leffet de lavancée, lépaule dénudée prolongé par un bras plaqué contre le corps, lanatomie aux petits seins hauts, que révèle, avec le nombril, un vêtement qui se plaque contre le corps, la ceinture basse provoquant un pli triangulaire en retenant la robe. Tout cela souligne clairement linspiration de la Flore Farnese antique dont il existe un exemplaire au jardin du Luxembourg depuis au moins lan XI. La gravure de Charles David permet de dater au plus tard de 1629-1630 le poncif, dans la version qui suit le plus le dessin général du modèle antique. La peinture allégorique du Luxembourg peut lui être antérieure ou postérieure - mais sans doute peu après. Dans lun ou lautre cas, il faut prendre conscience quil sagit du produit de latelier de Duchesne (ou "du Luxembourg"), dont Champaigne a pris la direction à sa mort ne serait-ce que pour continuer le chantier du palais de Marie. Pour sa part, la gravure de Lasne en lhonneur du cardinal de Richelieu, dont lhabit et la pose générale, hors le port de tête et le surplis blanc, sont en liens très étroits avec le portrait assis de Chantilly, se place dans la suite du triomphe du cardinal sur la reine-mère, en 1631-1634. Les deux estampes donnant Champaigne pour inventeur doivent pourtant encore être confrontées à un autre modèle certainement médité, qui nous ramène au Luxembourg : lallégorie de la Générosité (ou Magnificence) telle que Rubens la peinte dans la Prise de Juliers, lun des épisodes de lhistoire de Marie pour la galerie. Voilà qui relativise plus encore laffirmation de la lettre : soit il sagit de souligner la part, même infime, darrangement du prototype antique, pour lestampe de David, et de composition à partir de la figure rubénienne pour celle, à plusieurs personnages, de Lasne; soit, ce qui est plus probable, cela ne signale rien de plus que lexistence de dessins préparatoires réalisés par Champaigne pour la gravure. Il faut en tout cas bien constater que notre peintre ne saurait être considéré comme leur inventeur au sens fort; elles ne suffisent donc pas pour lui attribuer formellement La victoire ovale du Luxembourg, malgré les rapprochements. Ce poncif et ses variantes serviront de nouveau au peintre dans une composition abordée dans ces colonnes : lune de celles, allégoriques, quil a conçue pour la petite galerie du Palais-Royal dans la deuxième moitié des années 1630, sans doute à la fin de la décennie. Fait remarquable, il sert non pas à la Magnificence, qui y reparaît, mais pour la figure centrale, évoquant la Vertu. |
Philippe de Champaigne, Diane et Procis, peinture détail - La science (gravé par Charles David en 1630). Atelier du Luxembourg, La victoire, Paris, Palais du Luxembourg. - P. de Champaigne (gravé par Michel Lasne), La magnificence, détail inversé du frontispice de la thèse de F. Vialart (1635) Philippe de Champaigne, Les vertus du cardinal, Diane et Procris, peinture détail. |
Or la Magnificence, elle, reprend un second détail du Diane et Procris : le drapé de la jeune suivante qui, venant de la gauche, sapproche de la déesse. Le sein droit dégagé, la robe, maintenue par une ceinture haute disposée en oblique, senvole pareillement du côté de la jambe en retrait tandis que de lautre, elle se plaque sur la cuisse. La feuille semble un dessin de présentation et émane donc directement du maître, quand bien même la mise au propre aurait été déléguée, ce qui ne semble dailleurs pas le cas. De même peut-on relever que les figures de Diane et de la suivante en question sont animées du même mouvement davancée en contrapposto. Autant dire quà la date du dessin (vers 1638?), le Champaigne classique sinon académique na pas (encore?) pris le dessus sur le chef datelier suivant la tradition héritée de Duchesne ou de Lallemant, jusque dans lart de composer, parfois, de façon expéditive. Du moins le rapprochement permet-il de percevoir le chemin parcouru par le peintre vers un style plus ferme et puissant, aux formes plus généreuses mais aussi plus denses, aux rythmes plus efficaces, ce que Champaigne doit sans doute à lémulation avec Simon Vouet et Jacques Stella, principalement. Cela passe aussi, ici, par le travail classique, voire archéologique à partir dun modèle antique, qui ne se fait apparemment guère avant : sil disposait déjà de cet exemple dix ans plus tôt, et encore pour la gravure de Lasne pour une thèse soutenue en 1635, ce nest qualors quil en restitue esprit et forme avec autant de rigueur. SK, Melun, mai 2011 (retouches formelles, juillet 2020). |
Petite chronologie des débuts parisiens de Philippe de Champaigne et de leur contexte. 1602 - 26 mai : naissance de Philippe de Champaigne à Bruxelles (Félibien 1725, p. 312-318); 1614 - Champaigne est mis en apprentissage chez le peintre Jean Bouillon, à Bruxelles; 1617 - Marie de Médicis, exilée à Blois, fait la connaissance du jeune Jean Mosnier et lui demande de faire la copie de la Vierge à loreiller de Solario des Capucins de la ville; par son entremise, et dans le contexte des négociations pour le retour à la cour de France de Marie, la reine-mère confie le peintre à Francesco Bonciani, archevêque de Pise, qui se rend à Florence; Nicolas Poussin, réputé avoir travaillé en Poitou vers ce temps, pourrait avoir été du voyage (cf. Thuillier et Bimbenet-Privat 1994); 1618 - Champaigne, toujours à Bruxelles, fréquente latelier du miniaturiste Michel de Bourdeaux, y rencontre Jacques Fouquières qui le conseille; - septembre, Poussin est de retour à Paris (Thuillier et Bimbenet-Privat 1994); 1618-1619 - Champaigne est envoyé par son père à Mons en Hainaut pour y travailler sous un peintre médiocre; - 10 juin : Poussin, qui loge dans le quartier du Louvre, signe une promesse de paiement de son entretien depuis septembre à un marchand orfèvre qui lhébergeait; il doit partir ensuite pour Lyon (Thuillier et Bimbenet-Privat 1994); 1619-1620 - de retour à Bruxelles, Champaigne travaille une année pleine comme collaborateur de Fouquières; à la fin de cette année, il objecte au désir du père de le placer à Anvers chez Rubens, ce qui requérait une pension substantielle, sa propre volonté de faire le voyage dItalie (avec Fouquières?); 1620 -10 août : traité dAngers scellant la réconciliation de Louis XIII avec sa mère, Marie de Médicis; - Mosnier quitte Florence pour Rome, peut-être après la mort de larchevêque de Pise, son protecteur, le 28 novembre; 1621 - 15 avril, Nicolas Duchesne, associé à Regnault de Lartigue et à de Hanssy, passe marché pour lornement dune salle de sept travées et de la future galerie Marie de Médicis, au Palais du Luxembourg (Foucart et Thuillier 1967); - sur la route de lItalie, Champaigne arrive à Paris (avec Fouquières?); il y fréquente latelier dun peintre où il intervient pour les portraits daprès nature, puis celui de Lallemant, quil doit quitter assez vite; il se loge au collège de Laon où il doit rencontrer Nicolas Poussin dans la seconde moitié de 1622; 1622 - janvier-février : séjour de Rubens à Paris débouchant sur la signature de marchés pour les peintures des galeries, le 26 février; - février : mort de Frans Pourbus; - 8 juillet, lettre de Peiresc à Rubens mentionnant lentretien entre Maugis et un peintre de Bourges, certainement Jean Boucher, qui séjourne à Paris, peut-être attiré par le chantier du Luxembourg (Thuillier 1988, p. 39-40); - 24 juillet-1er août, fêtes de canonisations de Jésuites donnant à Poussin loccasion de se faire remarquer à Paris, et pour lesquelles il semble y être revenu de Lyon, où il séjournait; - 23 août : le créancier de Poussin obtient copie de la promesse de 1619 : le peintre doit honorer sa dette; 1623 - mai : séjour de Rubens pour linstallation de 9 des 24 compositions prévues pour la Vie de Marie de Médicis; - Nicolas Poussin, qui est logé au Palais du Luxembourg, y réalise quelques petits ouvrages dans les lambris des appartements; Champaigne doit également commencer à y travailler, et à sy faire remarquer par labbé de Maugis, constatant les ornements quil faisait, plus convenables dans les endroits quil les plaçait que tous ceux que lon avait faits jusque là (Félibien 1725, qui parle dabord de plusieurs tableaux dans les chambres de la Reine; possible confusion avec ceux pour la chambre de la reine au Carmel); - Poussin peint La mort de la Vierge (Sterrebeek, Belgique); - séjour à Paris dHorace Le Blanc, qui travaille pour le duc dAngoulême à Grosbois; il se peut quà loccasion de lentrée du roi et de la reine à Lyon le 11 décembre1622, le peintre ait perçu quil y avait dintéressantes opportunités auprès de la couronne, notamment au Palais du Luxembourg; il doit y rester jusquà lannée suivante, portée sur le Saint Sébastien de Rouen (Chomer 1987, p. 21 et 28); 1624 - 24 février, lettre diplomatique précisant la destination des tableaux des Mariages Médicis commandées aux artistes toscans, pour le cabinet de laudience, ou grand cabinet (S. Galetti 2003, p. 133, n. 22) - Pâques : Nicolas Poussin est signalé à Rome; - octobre, installation des peintures de Baglione dans le Cabinet des Muses; - début du séjour dOrazio Gentileschi; - retour dItalie de Jean Mosnier et qui rejoint Paris, sans doute pour travailler pour Marie de Médicis; 1625 - février-mai : nouveau séjour de Rubens à Paris pour retoucher ses tableaux, et rendre lintégralité de ses peintures pour la galerie, en vue du mariage dHenriette de France avec Charles dAngleterre, qui a lieu en mai; - juillet, procession probablenement commémorée par la Sainte Geneviève de Montigny-Lencoup; 1626 - Gentileschi quitte Paris pour Londres, où il demeure de novembre 1626 à sa mort; - 23 décembre, lettre de Louis XIII rappelant Vouet de Rome; 1627 - Champaigne se rend à Bruxelles à la demande de son frère aîné; - arrivée des peintures toscanes sur la vie des Médicis, commandées en 1623 pour le cabinet doré; - retour de Simon Vouet, arrivé à Paris le 25 novembre; 1628 - 10 janvier : retour à Paris de Champaigne, pressé par Claude Maugis, suite à la mort de Nicolas Duchesne; il travaille aussitôt au Luxembourg, où il loge avec 1200 livres de gages; durant lannée, il commence à travailler à linstigation de Marie de Médicis au Carmel du Faubourg Saint-Jacques, selon Félibien; - septembre : Champaigne épouse Charlotte Duchesne 1629 - juin : Marie de Médicis sollicite le Guerchin, après le cavalier dArpin et Guido Reni dans les mois qui précèdent, et lui demande, pour juger de ses talents, une peinture; 1630 - publication de louvrage de Vialard, Le temple de la Félicité orné de gravures de Charles David daprès Champaigne (privilége du 10 avril, achevé d'imprimer, 22 juin); - 10 juillet : Champaigne passe marché pour la chapelle Saint-Denis de léglise du Carmel du faubourg Saint-Jacques (notamment pour le retable du maître-autel); - 10 novembre : Journée des Dupes, et disgrâce de la Reine-mère; 1631 - 23 février, Marie de Médicis se réfugie à Compiègne, qui devient sa prison; - 19 juillet, sétant évadée de Compiègne, la reine-mère arrive en Hollande, où elle mourra en 1642. |
BIBLIOGRAPHIE - La Tribune de lart : voir index des articles sur Philippe de Champaigne. - Claude Malingre, Les antiquitez de la ville de Paris, Paris 1640, p. 503. - Bernier (Jean), Histoire de Blois, Blois 1682 - Germain Brice, Description nouvelle de ce quil y a de plus remarquable dans la ville de Paris, Paris, t. II, 1685, p. 62-65. - Paillet (Christophe) vers 1686, inventaire publié par Hustin 1904. - Félibien (André), Entretiens sur les vies et ouvrages des plus excellents peintres anciens et modernes, Paris, 1666-1688 (éd. Trévoux,1725, p. 312-318 pour Champaigne; éd. Paris, 1688, II, p. 650-651 pour Mosnier) - Guillet de Saint-Georges, 1690 ca, Mémoire historique des principaux ouvrages de Philippe Champagne in Mémoires inédits sur la vie et les ouvrages de l'Académie royale de peinture et de sculpture, (L. Dussieux, E. Soulié, Ph. de Chennevières, P. Mantz, A. de Montaiglon publ., 1854, I, p. 240. - Bailly (Nicolas) 1709 (ca.), in Inventaire des tableaux du roi publiés par Fernand Engerand, Paris, 1899 (notamment p. 572 et suiv.). - Dézallier dArgenville, Antoine-Nicolas, Voyage pittoresque de Paris, Paris 1749 - Victor Cousin, Inventaire des objets dart qui étaient au grand couvent des Carmélites de la rue Saint-Jacques, avant la destruction de ce couvent en 1793, Archives de lart français, 1853-1855, t. 3, p. 88. - Hustin (A.), Le palais du Luxembourg. Ses transformations, son agrandissement, ses architectes, sa décoration, ses décorateurs, Paris, 1904. - Chomer (Gilles) 1987 : Horace Le Blanc. Essai de catalogue raisonné, Bulletin des amis des musées et monuments lyonnais, 1987, p. 20-52 - Thuillier (Jacques) 1988, cat. expo. Jean Boucher, Bourges - Thuillier (Jacques) 1990 in cat. expo. Simon Vouet, Paris, Grand-Palais - Cat. expo. Marie de Médicis et le Palais du Luxembourg, Paris, 1991. - Bimbenet-Privat (Michèle) et Thuillier (Jacques) 1994 : La jeunesse de Poussin : deux documents inconnus, Revue de lart, 105, 1994-3, p. 71-73 - Chomer (Gilles), La collection du Musée de Grenoble. Peintures françaises avant 1815, Grenoble, 2000, p. 54-59. - Pericolo (Lorenzo), Philippe de Champaigne, Tournai , 2002. - Sainte-Fare-Garnot (Nicolas), Une allégorie de Philippe de Champaigne au Musée des Beaux-Arts du château de Blois, Bulletin des amis du château et des musées de Blois, 33, décembre 2002, p. 24-31. - Cat. expo Blois 2003 : Marie de Médicis. Un gouvernement par les arts, Blois, 2003-2004. - Galletti (Sara) 2003, Lappartement de Marie de Médicis au Palais du Luxembourg in cat. expo. Blois 2003, p. 124-133 - Cat. expo. Philippe de Champaigne 1602-1674). Entre politique et dévotion, Lille, 2004 (Nicolas Sainte-Fare-Garnot et Alain Tapié, dir.). - Cat. expo. Évreux (Dominique Brême assisté de Frédérique Lanoë), À lécole de Champaigne, Évreux, 2007-2008. - Gonçalves (José) 2008 - Lebédel (Hélène), Catalogue des peintures du musé du château de Blois. XVIè-XVIIIè siècles, Blois, 2008. - Cat. expo. Port-Royal (Frédérique Lanoë et Pierre Rosenberg), Trois maîtres du dessin, Philippe de Champaigne, Jean-Baptiste de Champaigne, Nicolas de Plattemontagne, Port-Royal-des-Champs, 2009. - Kerspern (Sylvain) 2009, Le décor de Philippe de Champaigne au Palais Cardinal. Un important dessin inédit., Dhistoire & d@rt.com, avril 2009. - Bassani Pacht (Paola) et Kerspern (Sylvain) 2011, contributions au catalogue de lexposition Richelieu à Richelieu, Orléans-Richelieu-Tours, notamment p. 123, 126, 233-235, 306-307, 386-389, 395-396. |
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