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Jacques Stella par Jacques Thuillier. Autres épisodes : II. Catalogue. Autour des camaïeux romains. - De Rome en France. - Autour du Mariage de la Vierge. - Minerve et les muses et Clélie. Table de la rubrique Fortune critique - Table généraleContacts : sylvainkerspern@gmail.com - sylvainkerspern@hotmail.fr |
Jacques Stella I. Biographie Mise en ligne le 3 août 2007. |
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I. Biographie |
Quelles sources? | |
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Je procède à la mise en ligne progressive dune chronologie commentée, combinant celles proposées par les deux ouvrages qui font maintenant référence sur la question, augmentées des informations inédites dont je peux disposer, en feuilleton. Ici, je reprend quelques problèmes soulevés par la monographie de Jacques Thuillier. |
La vie de Stella par Jacques Thuillier. |
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À propos de l'enfance lyonnaise (p. 17). |
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Il semble que François Stella ait eu le temps de veiller à la formation de ses enfants, en tout cas de Jacques. S'il disparaît en octobre 1605, il faut noter qu'il avait pris quelques mois plus tôt certaines dispositions qui laissent entendre qu'il redoutait une mort prochaine : le Testament et inventaire de Claudine Bouzonnet Stella mentionne encore la donation de sépulture pour lui, en date du 19 juillet 1605, de la part des Cordeliers de Lyon, dont il fut l'un des grands décorateurs. Il est vrai qu'il peut s'agir d'une libéralité de leur part en remerciement de ses travaux. Ceux de Provins en feront de même une cinquantaine d'années plus tard pour Pierre Blasset, sculpteur du retable et des boiseries de leur église accompagnant la commande des peintures ... à Jacques Stella. |
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À propos du séjour florentin (p. 17-18, 46). |
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À propos du séjour à Rome (p. 17-22). |
La lacune de 1628-1629. | Jacques Stella en Saint Luc? camaïeu, 1624-1625. |
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Je souscris à l'essentiel de ce qu'écrit Jacques Thuillier à propos du séjour romain, à la réserve principale de la lacune documentaire de 1628-1629, interprétée comme le laps de temps durant lequel a pris place la "fascheuse affaire" de l'emprisonnement. Les informations publiées par le catalogue d'exposition montrent que cette période n'est pas vierge de tout document romain. Le 6 août 1628, il assiste à une réunion de l'Académie de Saint-Luc, comptant parmi les "Maestri dello studio" au même titre que Sacchi, Lanfranco, Cortone, Tempesta ou Poussin; on l'y retrouve un an plus tard, le 2 septembre, et il est alors chargé d'organiser la prochaine fête Saint-Luc avec Sacchi; et le 21 octobre, la compagnie décide de remercier le "cavalier Stella" pour ses oeuvres de charité au nom de l'Académie en le gratifiant d'un petit paysage. Nulle infortune ou disgrâce ne se lit dans ces mentions. L'hypothèse selon laquelle il aurait déjà quitté la paroisse de Santa Maria del Popolo pour celle de San Lorenzo in Lucina (pour laquelle les stati d'anime sont manquants précisément pour 1628-1629) semble donc la plus vraisemblable. Certes, ce sont les clés de chef de quartier de Santa Maria del Popolo qui sont supposées lui avoir été confiées, lorsqu'il fut injustement accusé. Mais il y avait déjà approximation lorsqu'on dit de lui qu'il fut nommé chef de quartier, ce qui est impossible pour un étranger. S'il y a un fond de vérité, il faut supposer que ce soit le fruit non d'une situation liée à un titre, mais d'une occasion exceptionnelle s'appuyant sur une confiance née de la longue fréquentation; ce qui fait de ce quartier, quand bien même il l'aurait quitté depuis cinq ans, un candidat certain. Quoiqu'il en soit, il me semble qu'il faut reconstituer la transmission de l'épisode. |
Aux sources de la "fascheuse affaire" | Autoportrait dans l'Assomption gravée par J. David, 1625? Autoportrait en miniature, 1633 (Palacio Real de Madrid, Patrimonio Nacional) |
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Fut-ce en 1647, auprès de Poussin, que Félibien en prit connaissance? Personnellement, j'en doute, je crois plutôt aux Bouzonnet, plus à même d'honorer ainsi leur héros d'oncle. Et je pense que l'indication suivant laquelle existait encore "il n'y a pas longtemps" la Vierge qu'il fit au charbon "pour se désennnuyer" n'est pas un constat personnel, mais la vérification faite par Antoine Bouzonnet, à Rome de 1659 à 1663. Il faut donc, à mon avis, privilégier la chronologie relative aux éventuelles précisions factuelles, suivant le mode de la conversation. À mon sens, c'est entre le 15 août 1633 (date d'un paiement ... Barberini) et Pâques de l'année suivante, que s'est déroulé l'incident. Et de fait, lors du recensement pascal de 1634, il a changé d'adresse. Je l'avoue, j'ai un temps songé à pareille hypothèse, en relation avec une gravure exceptionnelle signée et daté du 10 août 1629, représentant une Vierge à l'Enfant dédiée à l'évêque d'Amelia Domenico Pico. Exceptionnelle parce qu'apparemment, l'artiste s'y adonnait à nouveau à la gravure; mais il suffit de lire la lettre pour remarquer qu'il s'agit de la traduction d'une image supposée miraculeuse d'une église de Foce, près d'Amelia, dont l'évêque aurait été le promoteur. Quelle peut en être l'intention? Y-a-t-il un lien avec l'incendie de la cathédrale d'Amelia cette même année, qui pouvait impliquer des commandes à venir? S'agissait-il d'une démarche en vue d'une entreprise éditoriale, dont tout évêque pouvait se charger? Je l'ignore, mais quoiqu'il en soit, le lien avec la "fascheuse affaire" n'est décidément pas possible, puisqu'il ne s'agit pas d'une de ses inventions et qu'elle montre encore Stella s'associant à de grands personnages de la Ville Éternelle ou de ses environs. Le contexte international, les manoeuvres entre Français et Espagnols, semblent donc plus à même d'expliquer cette dramatique histoire, comme je l'ai indiquée dans ma recension de l'exposition pour la Tribune de l'art. Elle explique bien les interventions des Barberini, Créquy, du cardinal Albornoz à Milan, puis de Richelieu, sans parler de la réapparition éphémère en Espagne de la petite miniature sur cuivre montrant son Autoportrait, signée et datée de 1633 au dos en français; témoignage de virtuosité pour le roi d'Espagne ou son représentant plutôt que d'amitié pour quelque compagnon quitté à Rome. On n'oubliera pas que Poussin a travaillé pour des villes espagnoles, notamment, en 1629 (La Vierge du Pilier, au Louvre, a été apparemment peinte pour Valenciennes), et encore pour le roi lui-même dans de grandes compositions aujourd'hui au Prado et au Musée de Sao Paulo, placées par Jacques Thuillier ... entre 1634 et 1638. |
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Le déménagement de 1627-1628 : une affaire de famille? |
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Suzanne et les vieillards Baptisé le 23 août 1603, il est auprès de son aîné à Rome en 1622 avant ses 19 ans. Leur mère s'était remariée avec le peintre Jacques Maury quelque temps plus tôt, vraisemblablement (après novembre 1619, date de la mort de la précédente épouse de son mari). On imagine bien qu'elle l'ait envoyé en Italie pour compléter sa formation auprès du plus sûr des soutiens. Tous deux semblent disparaître des archives en 1628-1629 - en l'occurence les recensements de Pâques, ce qui pourrait situer cette absence dès avril 1627. Peu avant était mort le second mari de Claudine de Masso, le 19 juin 1626. Le fait que François ne réapparaisse pas avant 1633 - au moment où Jacques est décidé à quitter Rome - m'a conduit à supposer son retour à Lyon entre-temps, pour assister sa mère. Cela peut expliquer le déménagement de Stella, puisqu'il n'avait plus besoin d'un logement aussi grand. D'autre part, s'il a pu y avoir traumatisme d'ordre psychologique (on rappellera que François, également emprisonné en 1633, mourra d'un malaise pour s'être échauffé dans le cadre d'une procédure en 1647), on ne voit guère qu'ils aient souffert dans leur réputation, à l'égard de leur clientèle et donc financièrement. C'est une des périodes les mieux documentées de Jacques, parce qu'il signe nombre de ses ouvrages. Beaucoup sont pour l'édition, mais il y aussi une part importante de peintures. Ces signatures qui prolifèrent à partir de 1631 sont certainement en partie dues à la volonté de leur auteur de quitter Rome, souhaitant ainsi s'assurer que son nom y soit conservé avec les fruits de son travail. Au demeurant, Jacques Thuillier apporte un ultime argument contre sa datation en signalant à propos de Lhonore (ci-contre) et de la Gloria di Viertu que ces dessins allégoriques, clairement datés (et portant monogramme en haut à gauche), pouvaient répondre aux calomnies subies (p. 78-79). Stella a pris soin au dos du premier de clairement expliquer les aspects iconographiques qui le composent, et le sens, spirituel, à lui donner. L'honneur , 1633, Louvre |
Un retour politique | Assomption, 1627, Nantes Musée Beaux-Arts Annonciation, 1631, Pavie, Castello Visconteo |
Tout ceci est cohérent avec la signification que j'ai donnée par ailleurs aux péripéties du retour en France, révélatrice des enjeux internationaux au milieu desquels l'artiste se trouve. L'escale milanaise, en territoire espagnol, donc, se justifie-t-elle par rapport à quelque mission diplomatique demandée par Créquy, comme le propose Jacques Thuillier? L'idée est séduisante mais est-elle compatible avec le fait que Stella ait songé à travailler pour le roi d'Espagne si peu de temps avant que le maréchal ne vienne à Rome pour convaincre la papauté de la justesse des intentions belliqueuses françaises à l'égard de l'Espagne? S'il s'agissait pour l'ambassadeur de s'assurer, dans le même temps, de la fidélité du peintre, cela implique que celui-ci ait été, d'ores et déjà, retenu au service du roi de France - ce que je crois. Mais de quelle nature pourrait être cette mission? Félibien nous dit qu'il abandonna le cortège pour rejoindre Milan, ce qui dut se produire après le séjour à Plaisance (Piacenza), l'ambassadeur regagnant de son côté Turin, puis Grenoble. Cela se passe en novembre, et dans les semaines qui suivent, Créquy regagne rapidement Paris. Jacques est à Lyon au plus tard début janvier, puisqu'il signe alors au contrat de mariage de sa soeur. Cette nouvelle "affaire de famille" doit avoir compté dans le fait que Stella n'envisage pas de suivre jusqu'à son terme le cortège diplomatique. À cela s'ajoutait, malgré le contexte, les liens professionnels que l'artiste avait apparemment noués avec Milan. Le retable de Nantes, de 1627, en témoigne, aussi bien que l'Annonciation de Pavie, de 1631 - laquelle, s'il s'agit bien de la peinture mentionnée dans les archives Barberini, prendrait à nouveau place dans le cadre des relations internationales entre France, Espagne et Vatican. Il paraît donc difficile de dénouer ce qu'il peut y avoir de politique ou de personnel dans le détour milanais de Stella. Au demeurant, il se peut que d'une démarche personnelle ait découlé - comme le suggère le texte de Félibien - une nouvelle manoeuvre pour détourner Jacques de sa fidélité à la France, en lui proposant de servir l'Espagne à travers sa possession italienne. En ce faisant, le cardinal Albornos s'adressait nécessairement à un artiste délié de tout engagement envers la nation qu'il représentait en Italie; le refus de Stella achève de confirmer l'intention qu'il avait de travailler pour Louis XIII, à Paris, où il finit par se rendre sans doute après avoir réglé les différentes affaires familiales liées aux épousailles de Madeleine avec Étienne Bouzonnet. |
En France : le recours aux Bouzonnet | |
Le reste de la biographie ne présente pas d'objet de discussion de quelque ampleur. À mon sens, Jacques Thuillier suit peut-être un peu trop scrupuleusement Félibien sur certains points. Par exemple, la date du retable de Provins, que celui-ci situe en 1656, doit être ramenée sur la seule année de1654 visible sans ambiguïté sur le tableau principal, sur le dessin de Worms, signature ou inscription antérieure à la Révolution ("aux Cordeliers de Provins", alors qu'il est depuis lors à Saint-Ayoul), et ce qui était vraisemblablement le marché passé à Paris en mars de cette année-là. L'examen critique du texte de l'historiographe oblige à constater qu'en dehors des gravures, qu'il pouvait connaître par leur rassemblement encore existant chez les Bouzonnet, la plupart des réalisations citées expressément par Félibien date de la Régence; non pas, selon moi, parce que le biographe les avait personnellement répertoriées (aurait-il fait le voyage à Provins, d'ailleurs?) mais parce que cela doit correspondre à ce que les neveux et nièces ont pu voir réaliser. À nouveau, c'est la mémoire relative du souvenir qui a pu être convoquée - pour ce qui aura été le dernier "grand ouvrage" qu'il ait peint. On peut d'ailleurs relever des défaillances à cette mémoire : une esquisse citée dans le testament et inventaire rédigé par Claudine (n°36, Vierge en gloire, saint Joseph et sainte Thérèse au bas) peut être identifiée par l'expertise de Bon Boullogne (n°35, Sainte Élisabeth en prière), dans l'inventaire notarié après décès de la même, comme préparatoire au retable de Bellecour. L'association des deux sources doit se rapporter à un premier projet, connu par le dessin de Nancy (p. 196-197 du catalogue de Jacques Thuillier), dans lequel la sainte est effectivement mains jointes pour prier. Cela rendrait d'autant moins plausible une datation de 1654 de cette peinture : l'ayant vu peindre, Claudine aurait-elle pu se tromper ainsi dans l'iconographie? Sylvain Kerspern, août 2007
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Signature du tableau principal de Provins en 1989 (avant la dernière restauration) Détail de la date : pas de confusion possible |
Courriels : sylvainkerspern@gmail.com. |
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