Sylvain Kerspern - dhistoire-et-dart.com | |
Simon Vouet : Les années italiennes Autre épisode : I. Effigies de Vouet Table de la rubrique Fortune critique - Table générale Contacts : sylvainkerspern@gmail.com - sylvainkerspern@hotmail.fr |
À propos du |
Anges tenant les instruments de la Passion, Besançon, Musée des Beaux-Arts et darchéologie |
Enjeux dune chronologie |
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La chronologie dun peintre, au même titre que les problèmes dattribution, peut passer pour un exercice dexpert sans réelle incidence, au fond, sur lappréciation des oeuvres. Il nen est rien : le travail de catalographe doit prendre en compte les différents paramètres qui président à la création artistique, quil sagisse du contexte politique, culturel, économique, sociologique, de la personnalité du créateur et de ses préoccupations, de sa volonté dinscription dans son époque et dans la tradition, de son avancée dans la vie, etc. Il suppose, lorsquon se place devant un témoignage susceptible dêtre inscrit à loeuvre dun artiste, de lui envisager une place précise dans son parcours, sinon de len exclure. Sachant que celui-ci est nécessairement devenu lacunaire, Saturne dévorant ses enfants... Létude préalable des portraits donne déjà des indices de ce que cela recouvre. Je dois insister ici sur le caractère simplement plausible de la reconstitution que jai proposée. Au fond, seules les effigies de Leoni et lautoportrait de Lyon ne soulèvent aucun doute. Pour autant, il ne sagissait pas pour moi dun jeu purement intellectuel mais de mettre en évidence les enjeux de lart de Vouet. À ce titre, les remarques concernant le tableau dAmiens me semblent essentielles, sans que je puisse prétendre quelles soient décisives. Il se trouve quelles rencontrent une évolution suggérée par Jacques Thuillier en 1990 et en filigrane du catalogue de cette exposition, sur laquelle il faut revenir. |
Quel sens à la présence de Vouet en Italie dans le premier quart du XVIIè siècle? |
De quoi sagit-il? Dune période toujours essentielle, celle de la formation et des premières armes en terre étrangère - et quelle terre! - sur une durée longue, quinze ans, jusquà un âge qui, en général, inaugure la maturité. En loccurence, nous sommes en présence dun peintre déjà protégé, pensionné par le roi et habitué des ambassades. Outre Gênes et Venise, il se trouve au contact dun milieu culturel bouillonnant et du centre artistique occidental majeur par les richesses quil recèle autant que par lactivité qui y règne toujours. Celle-ci vient dêtre profondément renouvelée par les apports de Caravage (mort en 1610) et des Carrache (Annibal, le plus important, ayant disparu en 1609). Manfredi, Saraceni et les caravagesques de toutes nations, Guido Reni, Domenichino, Lanfranco, Bernin ou Guercino, jen oublie, y témoignent alors de la vitalité exceptionnelle du foyer en apportant des contributions décisives à lélaboration dun langage pictural expressif et didactique par la gestuelle et les enchaînements formels, sappuyant toujours plus sur lanalyse psychologique. Cest dans ce contexte que Simon Vouet, peintre parisien, finit par simposer comme le premier dentre tous en tant que Prince de lAcadémie de Saint-Luc. Comme tout titre à caractère honorifique, les jeux du pouvoir y entrent certainement pour beaucoup, aussi ne faut-il pas nécessairement y voir une reconnaissance unanime par ses pairs. Néanmoins, il est extrêmement significatif des ambitions autant que de la réussite du principal intéressé. Cest un indice concordant avec le portrait psychologique dressé par Jacques Thuillier à partir du tableau de Lyon et avec ce que des témoins de son temps - pas toujours tendres - nous disent du personnage. Il est probable quune activité de peintre cantonnée à la manfrediana methodus ne lui aurait pas permis de gravir les échelons de ce qui devint sa gloire. Plus encore quil en était profondément conscient et quil a donc fait un certain nombre de choix comme autant de renoncements dans cette perspective. Jacques Thuillier, ce me semble, voyait dans léclaircissement de sa palette de la fin des années italiennes leffort conscient préparatoire à lactivité de peintre officiel à la cour de France. Lexposition actuelle confirme le lien à faire entre ce parti esthétique et des ambitions personnelles mais pourrait relativiser le rapprochement avec lappel de Louis XIII. Pour en juger, il nous faut faire le point sur les éléments dont on dispose et bâtir une chronologie. Le catalogue propose un certain nombre de documents utiles pour ce faire, entre les diverses contributions et la chronologie des faits de cette période. Il faut ensuite se tourner vers les oeuvres. |
Quels points de repère? Interpréter les données positives |
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Ancrages caravagesques (1617-1618). | |
Diseuse de bonne aventure dal Pozzo, 1617 (détail) Une première phase semble placer Vouet dans lexpérimentation caravagesque. En témoignent la Gitane datée de 1617 et Les deux amants, ouvrage connu par la gravure de Vignon de 1618. Cette estampe lie deux artistes formés à Paris dans le contexte du maniérisme triomphant des Fréminet, Dubois, Bunel ou Baullery - ce dernier ne dédaignant pas les sujets populaires, à la Brueghel, sur un mode théatral (comme dans ces Noces de village passées en vente à Londres en 1999-2000). Le séjour durant lhiver 1612-1613 à Venise - univers célébrant les courtisanes - peut également avoir préparé ce genre douvrage, au contact des figures à mi-corps, portraits ou non, de Giorgione (comme la Vecchia de lAccademia de Venise) ou de Titien (telle la Femme au miroir du Louvre), notamment. La Gitane relève de cette ambition. Linscription en fait le portrait dune femme particulière en action, paraphrase dune anecdote rapportée au Caravage. On peut dire quil ny a pas là rupture véritable pour Vouet. Déjà réputé pour ses portraits, il se coule en quelque sorte dans un moule familier qui lui permet une approche méthodique du discours artistique par lanalyse des rapports simples entre quelques personnes liés par une histoire : la bonne aventure et la tromperie, dans le tableau de 1617; une promesse portant accord - les mains droites des deux amants en témoignent -, dans celui connu par la gravure de Vignon. La Gitane semble une commande de Cassiano del Pozzo, arrivé à Rome en 1612, et qui se trouve alors sous la protection du cardinal del Monte, naguère interlocuteur de Caravage. Ce nest pas encore la figure érudite, antiquaire déterminé, qui protégera Poussin. Vignon daprès Vouet, Les amants, gravure, 1618 |
Gênes, puis Milan, Bologne, Florence...(1621) | |
Le repère significatif suivant est constitué du séjour à Gênes, de mars à octobre 1621, complété dun retour à étapes studieuses, pour lesquelles lartiste avait demandé des recommandations, à Milan, doù il écrit le 9 novembre, Parme, Bologne et Florence, notamment. Le voilà sollicité pour un séjour hors la Ville Éternelle et confronté à un autre contexte - le portraitiste quil est peut y voir des ouvrages de van Dyck, par exemple. Les recommandations sollicitées pour le voyage du retour traduisent de hautes ambitions pour son art, quil veut nourrir de la contemplation des richesses de lItalie du nord. Il est vraisemblable que Vouet ait alors déjà eu loccasion de répondre à de grandes commandes religieuses, lamenant à un plus noble registre en peinture que la scène de genre, le portrait voire le tableau de dévotion. Ce séjour lui permit des contacts source de nouvelles demandes dans le genre, quil réalise dès son retour à Rome, comme la Crucifixion. De fait, il concrétise un virage important dans la carrière de Vouet, rapidement suivi deffets. David, Gênes, CP, 1621 |
Les plus hautes reconnaissances (1624-1626) |
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Vêture de saint François, Rome, San Lorenzo in Lucina, 1623-1624 Toutefois cest encore par le portrait que sa notoriété grandit, avec celui du pape nouvellement élu, Urbain VIII, en 1623. En septembre de la même année, il contracte pour le décor de la chapelle Alaleone, terminé au plus tard en août de lannée suivante. En 1624, il est choisi pour le tableau dautel du choeur des chanoines de Saint-Pierre et, en octobre, est élu Prince de lAcadémie de Saint-Luc. Durant lhiver 1625-1626, il réalise le décor daccompagnement pour la Pietà de Michel-Ange finalement installée en lieu et place dudit autel du choeur des chanoines. Enfin, le 23 décembre 1626, Louis XIII le rappelle officiellement en France. Je pense que cest ce contexte artistique précis qui a amené Vouet à éclaircir sa palette et à envisager la pratique principale du grand décor. Le long séjour à Venise durant lété 1627 a complété son bagage technique devant les ouvrages de Titien et surtout Véronèse ou Palma Giovane. Mais cest confronté à Michel-Ange, comme le montrent les témoignages de sa plus prestigieuse entreprise italienne, quil met au point le coloris quil répandra dans les demeures et les églises françaises, sinspirant, tout simplement, des peintures de la Sixtine. Gloire pour Saint-Pierre de Rome, montage ici retouché, automne-hiver 1625-1626 |
Voici un autre indice de cette profonde mutation : en juillet 1623, lérudit Peiresc écrit à Rubens ladmiration que lui portent Vignon et Vouet; le 10 mars 1627, François-Auguste de Thou rapporte le mépris affiché par notre homme, y compris pour Rubens. Le contexte ly aidait peut-être : le Flamand se trouvait en difficulté à Paris, pour raisons diplomatiques, notamment sur le chantier du Luxembourg pour lequel Vouet va pouvoir travailler. Le Français avait la sensation de réaliser en 1627 les ambitions claires quexprimaient en 1623 cette référence en modèle, quil allait pouvoir dépasser. Difficile de préciser à quel moment Vouet sest orienté ainsi, refusant la facilité. Les rapports avec Vignon ont pu jouer. En 1617, le Tourangeau réalise le Martyre de saint Mathieu dArras, tableau destiné à faire croire sur le mode caravagesque à un supplice irréel, parce quimpossible dans lespace; manière pour lui de mettre en avant son pinceau, sa facture, et de rappeler lessence du plaisir de peindre quelque soit le motif - mais en particulier face à lhistoire. Et on voit quen 1623, alors quil a quitté Rome pour Paris depuis quelques mois après avoir triomphé dans le concours Ludovisi, les témoignages lassocient volontiers encore à Vouet. Lévolution que je suggère doit se vérifier devant les oeuvres. Après avoir posé ce cadre général, cest à cela que je vais mattacher maintenant, à laide de confrontations qui me semblent éclairantes. |
Lapport de lexposition : confronter pour une chronologie relative. |
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Dune Zingara à lautre. | |
Diseuse de bonne aventure dal Pozzo, 1617, détail 1617 est donc lannée de la Gitane du Palais Barberini, qui a fait partie de la collection de Cassiano dal Pozzo. Linscription au dos précise le sujet et renvoie clairement au prototype caravagesque : le maître italien avait, suivant lanecdote, peint une Gitane choisie dans la rue pour opposer la Nature au modèle antique tant vanté. Comme lui, Vouet célèbre donc dabord une belle zingara. Mais déjà, le thème se doublait de préoccupations morales, au détriment du pauvre paysan, et suivant les développements mis en évidence dans lessai inséré dans le catalogue dOlivier Bonfait. Cest loccasion dun contraste saisissant entre la délicatesse des traits, vaguement mélancolique, de la jeune femme, et ceux rudes, à la machoire envahissante, de lhomme, qui trahissent un point de vue plus nordique quitalien. On pourrait y voir encore le choc de deux mondes dans un troisième qui les marginalise ou les exclut : celui du voyage et de la campagne dans le cadre urbain. La deuxième version complique le thème par tout un jeu de sous-entendus et de passe-passe, sur le thème du voleur volé. Lévidence théâtrale correspond plus encore à lanalyse dOlivier Bonfait, et se manifeste particulièrement par le savant arrangement des mains, au centre de la toile. Le propos du Caravage est loin, et se trouve recouvert dune sophistication par le biais de lexemple de Manfredi et la référence littéraire à la Comedia dellArte, via les masques grimaçants. La confrontation des deux oeuvres côte à côte à Nantes accuse les différences. Sur le plan technique, le tableau de 1617 est dune facture très sèche refusant tout effet dans le dessin du drapé comme dans sa restitution, la seule exception étant le motif décoratif du châle de la gitane, écho matériel de sa grâce charnelle, et quelques empâtements sur le col de son vis-à-vis. Les effets de la lumière même sont mats. La matière de la peinture dOttawa est beaucoup plus fluide et sert la sophistication dans le dessin des vêtements - très manfredien - et le fuselage des chairs, volontiers dotées de rehauts luisants. Vouet semble avoir été placé par Cassiano dal Pozzo dans une situation démulation avec une peinture du Caravage diurne et élégante, celle aujourdhui dans la Pinacothèque des Musei capitolini, qui appartenait alors au Cardinal del Monte, plutôt que celle au Louvre. Comment expliquer la simplicité frustre de la mise en page et de la facture? Est-ce une question de moyens? Lartiste est pensionné, Cassiano dal Pozzo nest pas un mécène parmi dautres, quand bien même il nen serait quau début des faveurs quil accorde aux artistes. Il est plus vraisemblable den faire une surenchère sur la vérité en peinture, destinée à quelquun qui va devenir lun des passionnés dantiques les plus importants de Rome, fournissant à Poussin maints exemples démulation. Cest un indice de laccent quil souhaite donner à son interprétation de Caravage, au moins au début. La démonstration a peut-être quelque chose de forcé, dautant plus sensible par le contraste saisissant avec lopulence de linterprétation dOttawa. Cela peut également tenir à des moyens encore limités, notamment dans la science du drapé : si les arrangements des vêtements sont dune grande sobriété, il sattarde à des effets de matières ou dornements sur certains motifs, comme le col du paysan ou le châle de la gitane. De fait, sur tout ces points, la réapparition de la version dal Pozzo amène à sinterroger sur la date donnée à celle dOttawa, 1620, dun goût et aux moyens très différents. Diseuse de bonne aventure dal Pozzo, 1617, détail |
Il me faut faire ici une critique dordre méthodique. Comme dans le catalogue de lexposition Champaigne (2007), les titres des oeuvres sont pourvus de dates. La lecture de chaque notice conduit à se rendre compte quelles reflètent, la plupart du temps, les convictions de leurs auteurs alors que les données figurant en tête de notice devraient se limiter aux informations matérielles; au même titre quil faut recourir aux points dinterrogations lorsque le sujet nest pas assurément établi, ou aux mentions attribué à, entre autres. La date, lorsquelle nest pas connue par un élément sûr et confirmé, document ou inscription sur loeuvre incontestable, fait nécessairement lobjet dune discussion et doit donc être abordée dans le commentaire. Plusieurs mains ont contribué aux notices. Il y a chance pour que les chronologies des différents auteurs ne convergent pas - quand bien même, pour telle ou telle oeuvre, il y aurait accord. Ceci, sans doute, contribue à certains flottements perceptibles à la lecture progressive des textes. Les cas de catalogues monographiques mis en commun, ces dernières années, ont souvent nui à la perception claire de lévolution de lartiste, voire de la cohérence même de son oeuvre. À cela sajoute lordre chaotique des oeuvres dans le catalogue. On peut comprendre que des confrontations souhaitées sur place rompent avec un suivi linéaire dans le temps pour la muséographie, dautant que toute personne qui a monté une exposition sait que les lieux et les états différents ne le permettent généralement pas. Il nen reste pas moins que pour la compréhension du parcours de lartiste, il aurait fallu organiser louvrage daccompagnement selon la chronologie supposée. |
Confronter l Allégorie Sacchetti et le Saint Jérôme et lange. |
La date de 1620 est aussi attribuée au colloque peint de LIntellect, la Mémoire & la Volonté ou Les facultés de lâme pour Marcello Sacchetti, gravé en 1625 par Claude Mellan. À Nantes, il voisinait avec le Saint Jérôme et lange de Washington (ci-dessous), proposée pour la même année voire la suivante. Le rapprochement dans lexposition nétaie guère cette hypothèse. Allégorie Sacchetti (les facultés de lâme), Rome, Museo Capitolino |
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Saint Jérôme et lange,Washington, National Gallery |
Certes, les deux peintures font grand usage du clair obscur, mais leffet en est fort différent. Dans lallégorie, il est éparpillé ce qui, associé à lencombrement de la composition et des motifs, nuit à la lecture immédiate de loeuvre, au contraire du tableau religieux, aux dispositions et aux attitudes beaucoup plus efficaces et respirant largement dans lespace, géométriquement structuré. Les personnages allégoriques, paradoxalement, sont beaucoup plus terriens que le saint Jérôme; leurs vêtements montrent un drapé plutôt mou comme plaqué sur le corps, alors que ceux du père de lÉglise et de lange sont complexes et consistants, voire durs et métalliques, selon un arrangement parfaitement pertinent. Le tableau Sacchetti semble dun artiste investi dans la veine caravagesque quil souhaite adapter au discours abstrait. Le motif des angelots claironnant dans des attitudes assez peu nobles participe dun décalage dont il nest pas certain quil ait été complètement voulu. De son côté, comme lavait perçu Longhi suivant les propos rapportés dans la notice, celui de Washington qui se prêtait à merveille à cette veine sen dégage vigoureusement, et ennoblit la rencontre sacrée par lémulation avec Lanfranco; jajouterais Guido Reni, ainsi que Saraceni. |
Comment apprécier le lien quimplique le fait que le Saint Jérôme et lange ait été peint par-dessus une autre version de lAllégorie? Suivant le constat scientifique publié à loccasion du colloque Vouet (1992), celle-ci fut laissé largement ébauchée. Je ne suis pas sûr que labsence de dépôt de poussière intermédiaire soit indicatif dun réemploi immédiat. Quoiquil en soit, le thème profane devait nécessairement être achevé, livré, payé et faire partie du passé du peintre lorsque le Saint Jérôme fut entrepris en recouvrant son alternative. Le lien qui semble naturel entre la peinture allégorique et la gravure quen a tirée Mellan en 1625 ne va pourtant pas de soi, car on constate un certain nombre de variantes significatives, telles la jambe de langelot de gauche, repliée dans lestampe, et une meilleure disposition de la tête de la figure centrale. Le changement de format nexplique pas tout : manifestement, Vouet a corrigé ce quil estimait une erreur et qui créait cette impression dencombrement remarquée plus haut. Cela suppose que le peintre ait eu le souci dactualiser sa composition pour la gravure, et donc un laps de temps certain entre elle et son modèle. Comme Jacques Thuillier lavait pensé en plaçant loeuvre très tôt, nous sommes devant une oeuvre de recherche, un des premiers essais - sinon le premier - dans le domaine de la composition allégorique, ambitieuse. Le drapé donne limpression dun premier travail pour les tissus simples et unis, servant un peu trop nettement à relier les personnages; puis dune reprise ultérieure, pour la manche et la tunique de la Mémoire (à notre droite) et le manteau ceignant le bassin de la Volonté (à notre gauche, au dessin plus fouillé. Leffet nest pas des plus heureux : le regard glisse sur les premiers, qui suggèrent lampleur, et saccroche sur les détails des ajouts minutieux, créant une rupture de ton néfaste à la cohérence des formes et de lespace. La conséquence est quun canon plus important semble donné à la Volonté pourtant en retrait. |
Radiographie du Saint Jérôme et lange, Washington, National Gallery, montrant une première pensée pour lAllégorie Sacchetti (les facultés de lâme) Gravure de Claude Mellan, corrigeant la peinture de Vouet |
Ainsi nous pourrions être devant une oeuvre à lélaboration lente et tâtonnante, ce que lexistence de la version sous-jacente au Saint Jérôme et les corrections postérieures de la gravure de Mellan confortent. Étant donné lenjeu, on comprend que Vouet ait tout de même voulu en publier le souvenir grâce à Mellan. Rappelons-le, le parti révélé par la radiographie du tableau de Washington instaurait une hiérarchie, la Volonté étant debout, lIntellect à peu près à la même place - mais ne nous regardant pas et la Mémoire calée dans langle inférieur droit. Le parcours était traditionnellement balisé, à linverse de la version qui nous est parvenue, laquelle souhaite que le sens soit perçu sous langle psychologique. Cette signification ne correspond dailleurs manifestement pas à la lettre de la gravure, suggérant lirrésolution de la Volonté. Tout se passe comme si nous venions dinterrompre la conversation des trois personnages : lIntellect, qui nous tourne le dos, nous aperçoit; la Mémoire est distraite par le tumulte des angelots alentour de la Volonté; celle-ci, qui les ignore, lève le bras pour lui indiquer quelque chose. Ce quelle montre étant dans le prolongement de ce que regardait à linstant la Mémoire, il sagit dévoquer ce que la volonté va accomplir. Ainsi, lalliance de la mémoire et de lintellect doit permettre à la volonté dagir efficacement en dissipant les tourments. |
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Or, le concours des trois facultés de lâme est quelque peu battu en brêche par le fait, précisément, que seule la Volonté semble encore nouer une relation avec lune des deux autres, linattentive Mémoire : plus encore que les putti, cest le spectateur qui les trouble. Dautre part, si linterprétation en est plus vivante, la mise à niveau des trois personnages et le recours persistant à lalternance des ombres et des lumières, on la vu, pose problème pour la lecture dans lespace de la composition, ce qui dilue le sens. Manifestement, donc, Vouet manque dassurance dans lemploi de ses moyens dexpression et peine à transcrire son discours. Affecter une date absolue à cette peinture et au Saint Jérôme est dautant plus difficile que Vouet est encore à un âge dexpérimentations consacrées pour certaines par la réussite italienne, à Rome comme à Gênes. Il faut revoir les oeuvres situées clairement, et suggérer des séquences par parentés pour dépasser la chronologie relative et en tenter une absolue pour les pièces assurées les plus importantes. |
Le style à loeuvre : la maturation du langage de Vouet en Italie |
Nous disposons dun certain nombre déléments pouvant donner un sens à lévolution de lartiste, en confrontant ses intentions aux références quil peut avoir prises pour les mettre en oeuvre. On peut les regrouper ainsi : 1° une peinture de 1617 (cat. n° 12), une gravure de 1618 (fig. 41 p. 65); 2° lensemble lié au séjour à Gênes et à ses conséquences (cat. n°26, 27, 28; fig. 56-58 p. 93-94) à quoi peut être ajoutée la Circoncision de Naples, de 1622 (cat. n°30); 3° une groupe témoignant de laffirmation romaine de lartiste sur une séquence qui part de lhiver 1623-1624 jusquà 1626 (cat. n°40-41, 47, 49; fig. 34 p. 55, 61-63 p. 95-96); 4° la dernière année, 1627, prélude au retour en France sur un ordre du roi officiel à la fin de 1626 (cat. n° 52, fig. 66 p. 98). Le premier groupe constitue pour lheure le point de départ assuré, le second, un tournant essentiel dans ses ambitions de peintre, le troisième, la première concrétisation de celles-ci amenant à lélaboration du style de la maturité, et la dernière, le temps préparant ce quil pressent comme la promesse dun accomplissement. |
Quelles cartes à Gênes? |
Portrait Doria, Louvre, 1621 Je ne reviens pas sur ce que révèlent peinture et gravure de 1617-1618, étudié plus haut. Le groupe suivant compte presque plus par ses suites, commandes postérieures et voyage du retour. Du séjour lui-même, le portrait de Giovan Carlo Doria, si différent de tout ce que Vouet a pu produire en Italie dans le genre, se ressent certainement de limpact, à vrai dire sans réel lendemain, de van Dyck. En le combinant à son interprétation de Caravage, il obtient ce mélange de matité et de naturalisme quil porte à un haut degré de monumentalité au bénéfice dun effacement de la facture. Quant au David (n°27), il fait la démonstration de la maîtrise de la méthode de Manfredi, dun savoir-faire éprouvé. La typologie lourde et pathétique, qui donne au héros un air inquiet, doit provenir de lintérêt pour Guido Reni. Devant la Circoncision datée de 1622, on songe à Saraceni en raison de la typologie particulière du tableau, multipliant les fronts importants, volontiers dégarnis surmontant nez et mentons aigus. Le rapprochement avec le saint Joseph de la Fuite en Égypte des Camaldules de Frascati - apparemment répétée comme dans le tableau de Vienne - est particulièrement frappant; de même le raccourci spectaculaire pour lenfant Jésus. Pourquoi cette référence à ce moment-là? Saraceni était mort à Venise en juillet 1620. Il y était revenu après un long séjour à Rome où il avait été lun des premiers à avoir tiré parti de lexemple du Caravage et où Vouet avait pu voir ses oeuvres et sa carrière se poursuivre. Il faut comprendre ce regard comme faisant partie dune vaste interrogation par le Français de son environnement artistique au profit dun renouvellement profond de son art, pour servir ses ambitions. De ce point de vue, le Vénitien lui assurait une transition aisée de la veine caravagesque suivant la méthode de Manfredi vers les grandes compositions religieuses décoratives. Fait notable, au XIXè siècle, la Circoncision fut signalée comme probabilmente Procaccini. On ne peut le comprendre que parce quil y avait dans le voisinage un ou plusieurs autres exemples réputés du peintre de Milan suggérant son nom par contamination, car un regard de spécialiste, de nos jours, névoquerait ce nom que par incidence : le style en est très posé et la composition respire alors que Procaccini, en héritier de lart maniériste, produit des ouvrages denses voire étouffants. Circoncision, Naples, museo di Capodimonte, 1622 |
David, Gênes, Palazzo Bianco, 1621 |
Saint Sébastien, Naples, 1622 Le Saint Sébastien aussi peint pour Naples semble à part, intrigue. Quoique non daté, il est très vraisemblable den faire une commande des Doria exécutée après le retour à Rome. Sa notice donne une clé par cette référence qui na peut-être pas encore été suffisamment soulignée, malgré le témoignage de Vouet lui-même. Il est conçu en pendant à un ouvrage de Giulio Cesare Procaccini, son cicerone lors de son passage à Milan à lautomne 1621.Vouet en fait un exercice de style, installant ses figures sur des courbes dynamiques qui instaurent différents plans : Irène est de profil selon celui du tableau, le visage de sa suivante, de trois-quarts, bascule vers larrière tandis que le visage du personnage principal est vu da sotto in sù. Les types physiques féminins, le traitement du drapé contraignant aux effets scintillants et lusage du revers constituent dautres éléments de pastiche du maître lombard. Leffet général dascension est comparable à celui de la version du thème que ce dernier a donnée dans le tableau conservé au musée de Bruxelles. Cela suppose une étude attentive de son art - et une admiration profonde, que traduit une restitution intime sans quune citation précise napparaisse. Aussi insolite que soit cette peinture dans son parcours, il serait étonnant quil ny en ait pas dautres traces dans son oeuvre italien. Et en effet, on retrouve dans la Crucifixion, la Vêture de saint-François et plus encore à la voûte de la chapelle Alaleone, qui renferme ce dernier tableau, la combinaison de figures ramassées et denvolées de courbes dynamiques que les oeuvres contemporaines dun Lanfranco (comme le Christ au Jardin des oliviers de 1621, de Santa Maria in Vallicella à Rome) ne pouvaient que conforter : il est vrai que la source commune est Corrège. De fait, la rencontre de Procaccini aura marqué durablement Vouet, au-delà même du séjour transalpin. La délicatesse et le lyrisme de la Crucifixion, de 1622, ainsi que son coloris, me semblent impliquer les contacts avec loeuvre de Guido Reni à Bologne depuis 1614, par exemple la Pietà dei Mendicanti (Bologne, Pinacothèque). L'Italien y peint pour la même église de Gênes lAssomption. La confrontation, pour évidente quelle paraisse, oblige à considérer que lart du Français extériorise beaucoup plus le sentiment que celui du Bolonais, soulignant, à mon avis, limportance de Procaccini dans limpulsion donnée aux envolées du Parisien. Il devait sagir dune mise à jour : limpact du Guide sur Vouet préexiste au passage en Émilie de lautomne 1621. Il me semble que partie de linfluence que lon veut accorder au Guerchin doit en fait lui être restituée : les atmosphères crépusculaires et ennuagées sont choses fréquentes dans son oeuvre au moins jusquaux années 1620. Cest probablement son art que le peintre français consulte dabord pour réaliser lAllégorie Sacchetti (cat. n°20) et qui, comme je lai signalé, complète lapport caravagesque du David peint à Gênes en 1621. Voûte de la chapelle Alaleone, Rome, S. Lorenzo in Lucina, 1623-4 |
Crucifixion, Gênes, 1622 |
Peintre dhistoire devant lHistoire. |
Vêture de saint François, Rome, chapelle Alaleone, San Lorenzo in Lucina,1623-4 Car à lautomne 1623, peut-être même un peu avant, Vouet inaugure à la chapelle Alaleone une phase dactivité intense scandée de grands succès. La Vêture de saint François (p. 95) montre que la confrontation avec Procaccini, Reni, Saraceni et Lanfranco a contribué à léclaircissement de la palette. Lartiste ne renonce pas pour autant aux ombres profondes, et à lalternance entre plages sombres et claires, quil ne limite dailleurs pas à la lumière mais étend aussi aux couleurs. Le procédé tient encore à lexemple de Manfredi, du moins pour le clair-obscur. La composition, malgré le nombre de personnages, recourt avec une certaine application au principe de symétrie autour de lhomme richement vêtu, point focal sombre à la Guerchin jouxtant le corps dénudé et clair du saint. La voûte, malgré des ciels et des gloires, garde un coloris profond et des ombres très présentes. Que Charles Mellin en ait été lexécutant - ce que les formes pourraient soutenir - obligerait à remarquer son imprégnation par Vouet, car dès son indépendance, le Lorrain pratiquera un art dégagé de tout caravagisme - jusque aux contacts avec lart napolitain vingt ans plus tard. Par ailleurs, même la Tentation de saint Antoine et son clair obscur témoigne de tons raffinés comme la note violette au pied de la tentatrice ou le rideau de fond. Tentation de saint François, Rome, chapelle Alaleone, San Lorenzo in Lucina,1623-4 |
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Simon Vouet, Gloire danges, Ses anges sont directement nourris des exemples des célèbres ignudi de la voûte, mais aussi des personnages qui portent dans le ciel du Jugement dernier les instruments de la Passion, en particulier ceux autour de la colonne. Lun deux semble même avoir directement inspiré lange plongeant (ci-contre) qui tient le même instrument de supplice dans le projet de Vouet. Son aspect très musclé dénote le michelangélisme de lentreprise, ainsi que le goût pour la couleur pure, que ne pouvait quencourager le médium final, la fresque - mais qui napparaît pas en 1623 à la chapelle Alaleone. Entre les deux styles proposés dans la Sixtine, le Français a choisi celui dynamique de la voûte plutôt que celui terrible et lourd de labside. On ne sen étonnera pas : toute sa carrière française sera basée sur un univers de formes résolument optimiste et solaire. Il faut dire aussi que certaines des références majeures de lartiste disparaissent dans ces années. Outre Saraceni, Manfredi meurt en 1622, Procaccini en 1625. De plus, la commande pour le choeur de Saint-Pierre plaçait en quelque sorte sa création hors du temps, en le mettant dans le voisinage immédiat dune figure légendaire de lart. Dans une certaine mesure, il pouvait sen proclamer lhéritier. Ce nest peut-être pas par hasard que Michel-Ange comme Vouet ont été mis au purgatoire (si jose dire) par la critique dart de la seconde moitié du XVIIè siècle... Certes, les oeuvres datées qui suivent montrent encore dautres choses : elles témoignent simplement de la continuation du dialogue de Vouet avec les maîtres de lart, avec les Carrache ou Corrège pour le Saint Bruno (1626) de Naples, avec Titien et le courant néo-vénitien pour lallégorie du Temps (1627) du Prado. Dans ce dernier, il revient un peu sur le parti des couleurs vives mais il sagit dune expérimentation sans lendemain. En revanche, la lumière est désormais uniforme. Il prélude, en fait, au long séjour à Venise sur le chemin du retour en France, que Vouet semble avoir soigneusement préparé. Lensemble des figures féminines plantureuses, comme la Sainte Agnès (1626) en mains privées, la Charité romaine gravée par Mellan ou la Sainte Catherine chez Richard Green, nous ramène à Guido Reni. Vouet (et son atelier) trouve là le dernier apport essentiel à lart quil va rapporter dItalie, le sentiment lyrique, dont Vouet gomme simplement toute allusion au pathos en lui conférant une plus grande extériorité. Il ne renonce pas pour autant aux têtes ou aux regards qui chavirent, aux chairs plantureuses et lisses, une certaine morbidezza... Un mot sur la Sainte Catherine : la signature et la date implique sa reconnaissance par Vouet, ce que nous ne pouvons contester sans risquer de se méprendre sur sa conception de lart. Nous devons dès lors nous demander ce qui peut sembler gênant. On peut convenir dun nettoyage un peu vif, qui enlève de la matière et donc de la vitesse et de lautorité au parcours initial de la main. Le rapport de la tête au corps me semble moins évident : les mains sont pareillement noyées dans le drapé. Il faut en revenir aux intentions du peintre : montrer une jeune fille aux vêtements princiers trop grands pour elle au regard de sa foi, en se servant justement de lopulence des modèles fournis par Guido Reni. Michel-Ange, Jugement dernier, |
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Le cas du Saint Pierre guérissant les malades de son ombre. |
Attribué ici à latelier de Simon Vouet, Il faut maintenant vérifier la validité des analyses qui précèdent en confrontant les principales oeuvres sûres non datées à la séquence ainsi élaborée. Toutefois, on aura peut être remarqué, dans les développements qui précèdent, labsence dune oeuvre non négligeable pour notre propos : Saint Pierre guérissant les malades de son ombre des Offices. Jai toujours eu du mal à la considérer comme de Vouet en Italie et le fait quelle ne sinscrive pas bien dans le parcours suggéré ici - et, me semble-t-il, dans lexposition - ma confirmé dans lidée quelle ne peut avoir été réalisée quen France. Cette peinture claire est impensable avant la commande qui est supposée lui avoir été finalement substituée. Après, Vouet cherche encore et nemploie méthodiquement sa propre formule quune fois bien installé à Paris. LAssomption de Saint-Nicolas des Champs, premier grand ouvrage public en France, se ressent toujours de la méthode de Manfredi dans le choix de dispositions instaurant une séquence qui alterne lombre et la lumière. La typologie standardisée des personnages rattache pareillement cette esquisse à la période française de Vouet. Enfin il ne semble pas que le fond darchitectures claires voire blanchâtres et le ciel véronésien ne puisse se comprendre avant le séjour à Venise, lors du retour de Rome. Lexamen attentif et la comparaison avec lautre bozzetto pour la fresque de Saint-Pierre nest dailleurs guère favorable à une attribution au maître lui-même : on ny retrouve pas la vivacité qui explique le caractère simplement ébauché des visages des anges, quand les témoins et malades dans lombre du saint - modifiés par rapport au dessin - sont peints de façon plutôt laborieuse, ce pour quoi létat ne semble pas pouvoir être incriminé. Lhypothèse dune mise au point par un élève à partir dune proposition du maître autour de 1635-1640 me semble à envisager. Le dessin de Princeton, guère plus convaincant comme le reconnaît Barbara Brejon de Lavergnée dans la notice, relève sans doute également du collaborateur. Simon Vouet, Gloire danges, esquisse, détail, Coll. Part. |
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Tirer au clair la chronologie des oeuvres sûres exposées. |
Je ne souhaite pas reprendre une à une les principales oeuvres présentées à Nantes et les absentes de marque, en les commentant systématiquement. Les images parleront dabord, soutenu par un bref commentaire rappelant la trame déjà largement développée des choix artistiques opérés par Vouet. |
Dans lombre de Caravage (1614-1621) |
Toute une première phase se place dans le cadre de lexpérimentation caravagesque et pas uniquement sur le mode manfredien. Outre létude des rapports psychologiques simples, cela se manifeste par une palette restreinte aux bruns, rouge ou orangé complétés de bleus sombres et de blancs et le refus de léclat ou des brillances. Lartiste alterne les plages sombres et claires dévoilant à demi le sujet. Les drapés sont simples, plutôt ronds pour servir des sujets de faible ampleur en concentrant lattention et suggérer, dans la complémentarité des jeux de lignes, un parcours de loeil sur la toile. Autour de la Gitane de 1617 - une sorte de gageure destiné à un futur antiquaire -, on peut rassembler notamment, outre la gravure des Amants (1618), le Spadassin (vers 1615-1620) de Brunswick (n°16, ci-dessous) manifestement copié par Vignon dans le tableau exposé venant du musée de Tours, le Portrait dhomme du musée Reattu, lAllégorie Sacchetti (élaborée entre 1618 et 1621?), le David, le Portrait de Marc-Antonio Doria (1621), le Martyre de sainte Catherine et la Naissance de la Vierge. Ces deux derniers, proches des ouvrages peints à Gênes mais plus complexes dans l'organisation et le coloris, pourraient être légèrement postérieurs à la période supposée (soit vers 1621-1622). |
Les numéros renvoient au catalogue de lexposition 121016 252027 2624 18 |
Recherches dun décorateur (1622-1624) |
Le souci dune dynamique dans la composition et la volonté de sécarter des variations sur les bruns, les blancs ou les beiges saffirment également dans des peintures aussi différentes - et pourtant proches dans le temps - que la Circoncision de Naples, le Saint Sébastien soigné par Irène ou la Crucifixion de Gênes. Les couleurs se font éclatantes dans la commande de la chapelle Alaleone, malgré la persistance des ombres profondes jusque dans les peintures de la voûte. Il faut en rapprocher La Vierge, lEnfant, saint Jean-Baptiste, sainte Élisabeth et sainte Catherine du Prado (autrefois dans la collection dal Pozzo), Lannonciation autrefois à Berlin, La Vierge adorant lEnfant de Rotterdam, la Diseuse de Bonne aventure dOttawa, le Saint Jérôme et lAnge, Agrippine ou Sophonisbe de Kassel (1622-1624). |
Les numéros renvoient au catalogue de lexposition 303128 43p. 89 13* *21 |
Un peintre devant lhistoire (1625-1627) |
Lémulation avec Michel-Ange et Guido Reni, dont il avait pu voir des créations plus récentes lors du retour de Gênes en passant par Bologne, amène Vouet à la peinture claire, au goût de larabesque et aux formes plantureuses. Cest une étape fondamentale amenant à lusage lumineux des couleurs, qui éclate dans la belle Sainte famille de San Francisco, autre possible hommage au maître toscan. Auprès des témoignages de loeuvre majeure de la période romaine pour Saint-Pierre de Rome, il faut placer la Psyché connue par la gravure mais dont lexemplaire de Lyon, probable copie ancienne, témoigne par un usage sonore du rouge et du jaune venant réchauffer le clair-obscur; les élégantes figures de saintes ou dhéroïnes, aux expressions intériorisées ou extatiques mais toujours souriantes, dont il est souvent difficile de dire sil sagit doeuvre entièrement autographes ou de latelier; ou encore la Charité romaine de Bayonne, la La mort de Lucrèce de Postdam - à situer entre 1624 et 1626 -, la version du même thème de Prague, qui montre sa capacité à se renouveler à peu de temps de distance; et jusquà lAllégorie du temps vaincu du Prado, dont le type féminin pour Vénus, rapproché de celui de Virginia Vezzi, ce qui paraît difficilement compatible avec le dessin et la gravure de Mellan, semble procéder du tableau de Berlin (voir aussi la reproduction couleurs et dégagée des repeints du Bildindex der Kunst und Arkitektur). Saturne, dans cette affaire, est tourné en dérision par lamour, lespérance et la beauté. Quelle plus éclatante démonstration de confiance en lavenir, au moment dentreprendre un voyage et une carrière aux plus hautes ambitions? |
Les numéros renvoient au catalogue de lexposition 191741 414149 *52 |
Des ajustements restent sans doute à faire. Jai choisi un certain nombre douvrages clés, ce qui ne signifie pas que les autres - dont certains incontestables - doivent être rejetés ou me posent question. Faire un travail exhaustif nétait dailleurs pas envisageable ici - ce que vous lisez me semble déjà lourd... Je souhaitais proposer une séquence, cohérente, qui rende compte de la progressive prise de conscience par Vouet de ses talents, et de leurs mises en oeuvre au service d'ambitions grandissantes. Il y eut une phase durant laquelle la découverte de ses moyens a été motrice par le biais de lexploration de la veine caravagesque, jusque vers 1620; puis, stimulé par les circonstances (le voyage à Gênes, la protection de la famille Barberini et son accession au trône papal, enfin la commande pour Saint-Pierre), de plus hautes visées - la grande peinture décorative - furent cause de la profonde mutation le conduisant à la peinture claire. Sylvain Kerspern - Melun, 29 juin 2009 |
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