Sylvain Kerspern - dhistoire-et-dart.com | |
Suppléments à loeuvre des Stella depuis 2006 LAdoration des bergers vendue chez Christies *Sommaire concernant Stella * Table générale Contacts : sylvainkerspern@gmail.com - sylvainkerspern@hotmail.fr |
Souvent, un travail monographique, catalogue dexposition ou simple livre, favorise lémergence doeuvres portant, à juste titre ou non, le nom de lartiste ainsi honoré. Jacques Stella la été par deux ouvrages complémentaires. On trouvera, rassemblé par ordre chronologique dans une mosaïque récapitulative, ce qui a pu resurgir depuis leurs publications, ce qui peut concerner aussi les Bouzonnet et quelques corrections notables pour des attributions fautives. ... Et ci-dessous, une de ces découvertes. |
Sylvain Kerspern Les Stella : suppléments aux catalogues de 2006 LAdoration des bergers vendue chez Christies Plume et encre brune, lavis gris.10,6 x 14,7 |
Le 16 novembre 2008, chez Christies à Paris, sest vendu un dessin de Jacques Stella représentant une Adoration des bergers (n°512) (coll. part.). La feuille présente quelques accidents (dont une lacune sur lenfant porté, à droite), une écriture vive ne recherchant pas la netteté des contours plus ou moins noyés dans un bel effet de nuit : cest avant tout létude de la lumière qui est à loeuvre, ici. Lattribution ne fait aucune doute. Le commentaire du catalogue surprend : il est fait allusion au dessin bien connu du Louvre, signé et daté de 1631, lui-même en rapport avec lune des illustrations du Bréviaire dUrbain VIII, comme la montré le catalogue de lexposition de 2006 (p. 35-38; p. 93-94, cat. 40); à celui du musée Magnin et à un tableau mentionné par Anthony Blunt dans son compte-rendu du Colloque Poussin. En fait, il sagit dune composition peinte connue par la gravure de Fabri (ci-contre) publiée en 1812 lorsquelle faisait partie de la collection Lucien Bonaparte (Edelein-Badie 1997), en 2003 dans une collection particulière (Chomer 2003). Les variantes sont nombreuses et jaimerais un jour en faire le détail, pour étudier lartiste au travail; mais léconomie générale est trouvée, et certains détails spécifiques laissent peu de doute sur le lien avec le tableau Bonaparte : ainsi de lemploi commun au tableau du personnage assis par terre, de dos, près de lenfant, repris quasi à lidentique dun dessin de genre de la collection Wolf (New York). En fait, le dessin constitue un relais en redressant le personnage en fonction du regard quil porte désormais vers lEnfant, tandis que le tableau, suivant la gravure, fait à nouveau disparaître à moitié la tête derrière lépaule gauche et rapproche le bras dappui pour donner, peut-être, un semblant de noblesse à une pose familière. Cette solennité, à vrai dire, ne va pas vraiment dans le sens dune interprétation à la mode de Poussin si jose dire, suivant lanalogie avec la musique et, en loccurence, le mode ionique, que Félibien évoque à propos de lÉliezer et Rebecca dans sa préface aux Conférences de lAcadémie royale de peinture et de sculpture pendant lannée 1667 : les actions sont modestes et tranquilles, il y a partout du repos, de la joie et de la grâce, en quoi lon peut dire quil a imité le mode ionique qui était élégant et agréable. Le passage par Stella de notre dessin à la peinture montre une surenchère dans la vigueur des réactions, faisant se lever vivement celui qui accueille le nouvel arrivant, insistant sur leffort des porteurs de la corbeille, accentuant la tension au détriment de la joie ou du repos. |
Vente Christies Paris 16 novembre 2008. Crayon noir lavis gris.15,8 x 24,3. New York, Collection WolfGravure de Fabri |
Au demeurant, y compris pour Poussin, il faut être prudent dans la lecture des oeuvres au regard de la lettre adressée à son ami Chantelou en 1647 dans laquelle il exprime sa théorie des modes : il sy contredit pour le mode phrygien, et pour lionique, il le caractérise différemment de son thuriféraire Félibien : Les Anciens inventèrent lionique avec lequel ils représentaient danses, bacchanales et fêtes, pour être de nature joconde. Ce qui se rapporte mal à lÉliezer et Rébecca. Lassocier à un thème sacré ne pourrait se comprendre que comme une manifestation de syncrétisme, encore faudrait-il y percevoir la manifestation extérieure de cette nature joyeuse... |
Ce serait encore supposer une dette à lami Poussin alors que se trouve, dans cet ouvrage la quintessence de lart de Stella. Du thème, il reprend les précédents déjà signalés du musée Magnin et du Louvre, ainsi que lillustration du bréviaire dUrbain VIII, la peinture sur pierre de Bath, peinte au début du séjour à Rome, ou encore lAdoration de lEnfant de Lyon, de 1635, entre autres. Il témoigne par tout le travail préparatoire dune attention au détail et au fini toujours présente, malgré lâge, la fatigue et la maladie. Car cest assurément un ouvrage tardif, des toutes dernières années, comme lavait justement pressenti Gilles Chomer, à rapprocher par exemple du dessin du Christ au Jardin des Oliviers du Louvre, que je crois préparatoire au tableau de la suite de la Passion connu par la gravure de Claudine Bouzonnet. De fait, le trait économe et tremblant, qui évoque le style graphique que développera son neveu Antoine (pour comparaison, voyez lAdoration des mages, caractéristique de son style, conservée par le musée des Beaux-Arts de Rouen sous le nom de Jean-Baptiste Corneille), a quelque chose démouvant. Malgré lautorité du geste, il contraste avec la définition nette des formes que suggère la gravure et que le tableau, que je nai pas vu, doit effectivement présenter. Limpassible maîtrise du monde formel ninterdit pas la vivacité de linvention ni la fièvre de lesprit... S.K. |
|
Retouche, août 2012. En reprenant ce texte dans le cadre de la révision générale du site, je me suis aperçu que le tableau de Bath est désormais retiré à Stella, au profit de Domenico Cresti, detto Il Passignano. Les liens avec le dessin Magnin, une peinture de la collection Borghese publiée par Gilles Chomer en 2003 et mise en rapport avec la feuille bourguignonne, enfin le dessin de 1631 et celui étudié ici, variations sur une invention dont le tableau de Bath semble une mise en oeuvre précoce, rendent ce déclassement peu crédible. Il est tout de même utile car il souligne la verve très florentine qui sy exprime. Cette Nativité pourrait bien, de fait, figurer parmi les peintures rattachables le plus vraisemblablement au séjour toscan (1616-1621). PS, avril 2018 : cette peinture est désormais cataloguée ici. S.K. |
Courriels : sylvainkerspern@gmail.com - sylvainkerspern@hotmail.fr. |
Vous souhaitez être informé des nouveautés du site? Cest gratuit! Abonnez-vous!
Vous ne souhaitez plus recevoir de nouvelles du site? Non, ce nest pas payant... Désabonnez-vous.... |