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Table concernant Jacques Stella Table générale Contacts : sylvainkerspern@gmail.com - sylvainkerspern@hotmail.fr |
Pour Hayden et Raphaëlle Un Retour très inattendu. Réapparition du Retour dÉgypte peint par Jacques Stella (gravé par Claude Goyrand) Mis en ligne le 26 janvier 2009 - mises à jour des liens et retouche formelle, janvier 2017 et juin 2020 |
Jacques Stella, Le retour dÉgypte, huile sur cuivre, 32,5 x 42,5 cm - Gui Rochat, New York (depuis, coll. part.) |
Sylvain Laveissière (2006, p. 117-118, n°55) et Jacques Thuillier (2006, p. 162) reproduisent tous deux la gravure de Claude Goyrand daprès un Retour dÉgypte de Jacques Stella. Leurs commentaires diffèrent de beaucoup : le premier, à la suite de lavis de Gilles Chomer, situe la composition à la fin du séjour romain tandis que le second y voit une création tardive, abordée par lui juste après le Jugement de Pâris de 1650. Dun côté, il faut bien tenir compte du fait que lestampe est située à Rome; de lautre, le schéma général évoque de près les Pastorales connues par les gravures de Claudine, que tous saccordent à situer dans la dernière période française de lartiste. Le problème se complique de la méconnaissance de Goyrand. Les données les plus élémentaires généralement données sont fautives : il nest pas né à Sens mais à Lyon, ni en 1622 puisquil grave daprès Mellan, et avec une belle technique, dès 1634 (cf. Maxime Préaud 1988, p. 87-88). Il se trouve quen 1634, Mellan est encore à Rome. Lévidence voudrait que Goyrand ait réalisé sa copie daprès lui dans la Ville Éternelle. Il semblerait dès lors naturel quil ait réalisé son ouvrage daprès Stella dès cette époque et non vers 1646, date attestée dun séjour à Rome durant lequel il participe à lédition dun ouvrage du père Ferrari en gravant daprès Cortone : on comprendrait moins aisément quil traduise une composition dun artiste installé à Paris depuis plus de dix ans. Au demeurant, il semble quaprès un épisode parisien durant la fin du règne de Louis XIII, le nouveau séjour italien du graveur, à partir de 1646, se soit prolongé durablement. En 1647 paraît un ouvrage de Gregorio Carafa (édité par Mascardi) dont il réalise le frontispice; en1648 sont publiés à Rome un autre dEmmanuel Maignan (Perspectiva horaria...) orné de gravures de sa main ainsi quune vie de Saint-François de Sales avec son effigie par Goyrand daprès Grandjean; en 1651, à Gênes, I frutti dalbaro de Giovanni Domenico Peri dont il a fait lillustration montrant le portrait de lauteur. |
Gravures daprès Jacques Stella : Claude Goyrand (Retour dÉgypte, BNF)... ... et Claudine Bouzonnet Stella (La collation champêtre, des Pastorales, - exemplaire en ligne du Boston Museum of Art) |
Le fait que la gravure ait connu deux états postérieurs ajoutant le premier le privilège accordé par le roi de France, et le second, ladresse de Nicolas Langlois rue Saint-Jacques (qui le situe après 1655), va dans le sens dune traduction faite à la fin du séjour de Stella en Italie, à destination de sa potentielle clientèle française ou réutilisée à cette fin, Goyrand ou Stella ayant ramené la matrice dans leur patrie. Que penser de lhypothèse de Gilles Chomer qui envisageait quil sagisse de la peinture mentionnée dans linventaire du maréchal de Créquy en 1638, dans le cortège de qui, rappelons-le, Stella rentra en France? Deux éléments de la description me paraissent sopposer à cette hypothèse. Dabord le sujet est identifié comme une Vierge qui va en Égypte, ce qui a de quoi étonner : lâge de lEnfant, qui marche avec ses parents, désigne bien le retour, non la fuite. Ensuite, il est spécifié quil sagit dun paysage dont les figures sont de Stella. Est-ce à dire que le paysage était dune autre main? En fait, loeuvre était vraisemblablement peinte sur pierre, proposant par ses veines et autres accidents naturels les éléments dun paysage dans lequel lartiste put disposer ses personnages. |
Gravure daprès Jacques Stella de Claude Goyrand (Retour dÉgypte, BNF) |
La réapparition (sous une autre attribution) du tableau gravé permet de lever les doutes, et de proposer une situation claire au sein de la période romaine, tout en renouvelant considérablement le rôle à accorder au peintre dans la constitution du paysage classique français. Il sagit dune peinture sur cuivre en sens inverse de la gravure, avec quelques variantes notables pouvant laisser penser à un dessin intermédiaire corrigeant le tableau. La principale concerne saint Joseph, âgé et au crâne dégarni dans la peinture, nettement plus jeune et à labondante chevelure dans la gravure. Le premier type nest pas si rare chez Stella, et se trouve précisément dans un certain nombre de compositions italiennes, celle récemment acquise par le Musée des Beaux-Arts de Lyon représentant La sainte parenté (cat. 2006, n°35) ou les gravures de Jérôme David (Thuillier 2006, p. 60, fig. 2 et 3), lesquelles montrent son emploi pour dautres saints personnages; cest encore le type quon devine pour Joseph, dans lombre du second plan de lAdoration de lEnfant de Lyon, datée de 1635 (cat. 2006, n°56). Entre-temps, il lavait rajeuni pour la Sainte famille avec saint Jean et lagneau sur pierre de Montpellier, de 1633 (cat. 2006, n°50). |
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Saint Joseph selon ... | |||
Stella, Sainte Parenté | Goyrand daprès Stella (inversé) | Stella, Retour dÉgypte |
Les commanditaires sont sans doute responsables de ces choix typologiques. Lélargissement de la règle sur laquelle le père sappuie dans lestampe résulte, lui, dune volonté de rendre explicite lattribut du charpentier, en indiquant nettement les graduations. Ces deux points ne sont pas anodins : Joseph est manifestement le personnage principal de la scène en tant que protecteur de lEnfant, car Stella a placé au centre de sa composition le bras du père tenant la main du fils. |
Il est une autre différence essentielle : il sagit dun cuivre peint. Or le coloris a de quoi dérouter, au premier regard. Le camaïeu de gris, de vert foncé ou de beige qui en constitue le fond produit un effet métallique très différent des paysages sonores et plus classiques de la période française. Mais il faut reconnaître que Stella natteint que rarement la clarté solaire présente dans de nombreux paysages de la maturité de Poussin, en particulier dans ceux où lenvironnement ninterfère pas dans linterprétation du sujet. Il préfère les lumières atones du jour qui diminue ou disparaît, des sous-bois, comme dans Minerve chez les Muses, Clélie ou Le jugement de Pâris. Fait notable : les plus clairs des paysages de lartiste comportent des architectures importantes. Le coloris éteint et argenté du Retour dÉgypte apparaît notamment dans la Sainte Cécile de Rennes (1626) et lAssomption du musée des Beaux-Arts de Nantes (1627), particulièrement appliqué au paysage, aussi discrets soient-ils dans ces deux ouvrages datés. Les négligences dans le traitement du drapé qui peuvent étonner sont également confortées par la confrontation avec le retable nantais. Si leffet monumental, la rondeur et la densité des vêtements de la peinture sur cuivre renvoient sûrement à létude de Guido Reni, ce qui vient dêtre noté pourrait plutôt tenir, par une approche plus atmosphérique des formes, à lintérêt passager pour Elsheimer déjà souligné par Sylvain Laveissière notamment à propos du Christ en croix et la Madeleine maintenant au Louvre (Cat. 2006, p. 80-82, n°29). Le nom de Fetti peut aussi être prononcé pour souligner une attention portée au courant néo-vénitien, sans doute responsable de cette lumière particulière. |
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Stella, Sainte Cécile | Assomption |
Les types physiques étonnent, de prime abord : ce nez de Joseph qui tourne, le profil de la Vierge curieusement coiffé, le visage de lEnfant au regard étrange. À mesure que lon détaille les élements dont on dispose pour les années romaines, la concordance se fait. Les camaïeux (1624-1625), la Déposition de croix (1625?) la Sainte Cécile (1626), lAssomption (1627), voire les dessins sur la vie de Philippe de Neri (1629-1630) apportent des points de comparaison nets (voir ci-contre). Il est donc vraisemblable non seulement de situer cette peinture lors de la période italienne de Stella mais encore de la faire remonter un peu plus haut quon ne le pensait jusque là. Les angelots, qui forment la différence principale avec le retable nantais par la recherche affirmée dun idéal classique, pourraient impliquer une étape supplémentaire franchie, sur lexemple de Reni et du Dominiquin, et conduire à repousser un peu plus tard dans la décennie - mais plus au début de la suivante; soit vers 1628-1629. |
Comparaisons avec des ouvrages de 1624-1633 1624-1633 1627-1629 1625(?)-1627 |
Chronologiquement, pour lheure, il sagit de son coup dessai en matière de paysage peint, après le chef doeuvre gravé du Saint Georges, de 1623. Et cest un coup de maître qui ouvre la voie au paysage classique à la française, sur le modèle des Bolonais, Carrache et Dominiquin, en particulier, ménageant des écrans boisés et de grandes échappées vers un horizon étagé suggérant limpassibilité de la nature. À vrai dire, Stella garde ici à la figure humaine une importance et une lisibilité qui diffère des solutions bolonaises et de celles de Poussin plus tard. Il paraît vouloir instaurer un dialogue ici signifiant par un ensemble dallusions au destin de lenfant Jésus : lâne comme les anges fleurissant le parcours, larbre dont les branches se croisent, la règle qui sert de canne au charpentier annoncent dautres cheminements, lentrée dans Jérusalem, puis la montée au calvaire. Sur cette trame symbolique, la Nature joue un rôle psychologique, oppressant par son caractère apparemment sauvage, qui participe ainsi au rapprochement entre commencements et fin de la vie du Christ. Ce dialogue constant nourrit la conception du paysage du peintre. Il deviendra source dune communion manifeste dans ce qui sera lun des ensembles testamentaires entrepris dans les dernières années de sa vie et dont le Retour dÉgypte compose une première ébauche : les Pastorales. Sylvain Kerspern, Melun, janvier 2009 |
Addendum. Le tableau a été attentivement restauré. Ce qui pouvait encore gêner, comme lapparence du vêtement du Christ enfant, a retrouvé un aspect tout à fait cohérent avec la production de Stella. S.K., Melun, 11 mai 2009 |
Jacques Stella, Retour dÉgypte, 1627-1630; New York, marché dart |
Addendum. Ce cuivre a été à nouveau discuté au sein du catalogue mis en ligne sur ce site, avec un léger glissement chronologique. S.K., Melun, 30 juin 2020 |
Jacques Stella, Retour dÉgypte, vers 1627; Coll. part., USA |
Courriels : sylvainkerspern@gmail.com - sylvainkerspern@hotmail.fr. |
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