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JACQUES STELLA, CATALOGUE ROME (1622-1634) Les « camayeux » (1624-1625) : l'Ancien Testament (Aube de l'humanité - Prophètes) |
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* Table générale * Table Stella * Catalogue : *Camayeux; Succès romains, 1622-1632 ; *Ensemble |
Camayeux romains. Aube de l'humanité. - 6 sujets |
Stella ouvre son ensemble par les premiers temps de l'humanité. Je viens de retrouver au Fitzwilliam Museum de Cambridge l'image mentionnée par Mariette comme représentant Dieu le père - du moins un tirage, différent de son exemplaire qu'il dit sur papier bleu et rehaussé de bistre. Sa disposition dans la largeur est l'un des indices de l'intention de proposer par cet ensemble un catalogue d'images pour la peinture, le sujet pouvant figurer à l'attique d'un retable. Quoiqu'il en soit, ce petit cycle se concentre sur le début de l'histoire humaine, de la création d'Adam au premier crime, de Caïn sur Abel, appuyant la note morale. Ce dernier épisode semble bien proposer un commentaire du Martyre de saint Mathieu de Caravage, dans l'église Saint-Louis-des-Français : le fils jaloux reprend l'essentiel de l'attitude du bourreau, les dispositions du corps d'Abel combinant celle du saint et du spectateur s'appuyant des deux mains sur le sol, notamment. Il rejoint en cela une version de ce thème de Bartolomeo Manfredi (1582-1622) (Florence, Palazzo Pitti), laquelle pourrait en fait l'avoir plus directement inspiré. Plus que la recherche lumineuse, déjà entrevue à Florence, c'est la complexité de la composition, des dispositions et de la gestuelle qui l'aura particulièrement stimulé. De fait ces différentes compositions montrent des points de vue rompant avec la frontalité et le simple aplomb des personnages, qui caractérisent la production florentine. La découverte des grands modèles depuis Raphaël et Michel-Ange jusqu'aux Carrache mais aussi la fréquentation probable de Tempesta, Artemisia Gentileschi, le Cavalier d'Arpin ou Vouet, parmi d'autres, auront sans doute contribué à ce saut qualitatif essentiel. Je crois avoir démontré que c'est précisément alors, vers 1621-1623, que Vouet rompt avec le caravagisme pour développer un style adapté au grand décor. Le cheminement de Stella, pareillement motivé serait donc plus parallèle que consécutif à son influence. Les remarques faites ci-dessus à propos du Caïn et Abel, sur l'impact de Caravage dans cette démarche, suggèrent la complexité de ce que l'on appelle l'influence : pour un même but, peindre l'Histoire, Vouet doit se détacher de ce modèle - plus exactement d'une veine qui s'était transformée en formule pour lui avoir valu ses premiers succès - quand Stella l'utilise comme un outil de mise au point expressif et de composition. Il faut évidemment relativiser : les sujets de Vouet sur saint François pour San Lorenzo in Lucina (1623) sont encore caravagesques dans le goût du clair-obscur, et c'est l'éclaircissement de sa palette, au contact des peintures de Michel-Ange à la Sixtine, qui constituera le point décisif en ce sens. Quant à Stella, s'il ne s'est jamais totalement soumis au langage caravagesque, on sait désormais qu'il n'a pas non plus renoncé aux clairs-obscurs et aux effets de réalisme. Il faut encore sortir des poncifs commodes pour la Création d'Eve. Si Stella est plus volontiers perçu comme « grâcieux» que « terrible», il est pourtant plus proche de Michel-Ange (Sixtine) que de Raphaël (Loges) dans son interprétation : la première femme sort du corps endormi d'Adam, signifiant allégoriquement l'union originelle de l'Église avec Dieu; et notre homme va jusqu'à montrer ce dernier accueillant celle-ci avec chaleur et bienveillance. La parenté avec le modèle de la Sixtine doit tenir à la conception globale des deux ensembles, conçus comme cycliques, atemporels. C'est peut-être aussi ce qui a motivé la symétrie des sybilles non avec les prophètes, leurs correspondants « sous la Loi » mais avec les apôtres, instaurant une construction en miroir autour de la vie du Christ. Prenons garde, toutefois, de ne pas en tirer de conclusions définitives, eu égard au fait que les «camayeux» demeurent un ensemble dont les contours exacts ne sont pas assurés. Sylvain Kerspern, Melun, mars 2017 |
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Dieu le père, © The Fitzwilliam Museum, Cambridge |
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Caravage, Martyre de saint Mathieu, 1599-1600. Toile. 323 x 343 cm. Rome, Saint-Louis-des-Français |
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Attribué à Bartolomeo Manfredi, Caïn tuant Abel. Toile. 122 x 171 cm. Florence, Pitti |
Caïn tuant Abel BnF |
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La création dÈve BnF |
Dieu le père, © The Fitzwilliam Museum, Cambridge Gravure sur bois; rehauts de bistre. |
La création dAdam Exemplaire BNF, lettre : (en bas à gauche) CREATIONE DI ADAMO . (en bas à droite en plus petit) I. STELLA IN./IN ROMA./ (ajouté à la plume)1624. Env. 30 x 20 cm. |
La création dÈve Exemplaire BNF avec lettre et cadre, sur papier blanc complété de lavis bleu : (en bas à gauche) CREATIONE DI EVA. (en bas à droite en plus petit) I. STELLA INV./IN ROMA. Env. 30 x 20 cm. |
La création dÈve Exemplaire BNF sans lettre ni cadre, sur papier bleu rehaussé de blanc. Env. 28 x 18 cm. |
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Le pêché originel Exemplaire BNF avec lettre, sur papier blanc complété de lavis bleu : (en bas à gauche) ADAMO ET EVA. (en bas à droite en plus petit) I. STELLA IN. Env. 30 x 20 cm. |
Le pêché originel Exemplaire BNF sans lettre ni cadre, sur papier bleu rehaussé de blanc Env. 28 x 18 cm. |
Adam et Ève chassés du paradis Exemplaire BNF avec lettre et cadre, sur papier blanc complété de lavis bleu : (en bas à gauche) ADAMO ET EVA. (en bas à droite en plus petit) I. STELLA INV./IN ROMA Env. 30 x 20 cm. |
Adam et Ève chassés du paradis Exemplaire avec lettre et cadre, sur papier blanc, British Museum (en bas à gauche) ADAMO ET EVA. (en bas à droite en plus petit) I. STELLA INV./IN ROMA 30,7 x 20,4 cm. |
Caïn tuant Abel Exemplaire BNF avec lettre et cadre, sur papier blanc complété de lavis bleu : (en bas à gauche) CAIM ET ABEL. (en bas à droite en plus petit) I. STELLA INV./IN ROMA Env. 30 x 20 cm. |
Prophètes. - 10 sujets |
L'Ancien Testament est encore représenté dans cet ensemble, pour autant qu'il soit ici complet, par dix personnages illustres, dont deux femmes. On peut ici les regrouper sous le vocable de prophètes, non pas au sens aujourd'hui peut-être le plus courant, mais aussi le plus restrictif, celui qui en fait les porteurs de la parole de Dieu comme autant de rappels dramatiques en des temps troublés, mais plutôt comme des exemples incarnant cette parole, par leurs actes, leurs statuts, leurs qualités. C'est ce qui explique que dans huit cas sur dix, ce sont bien des actions qui sont représentées, non des figures en pied avec attributs comme les apôtres - dont la qualité peut se résumer au martyre pour leur foi. Mais même alors, la figure de Moïse tenant les tables de la Loi propose l'essentiel de sa contribution à l'histoire des relations entre l'humanité et Dieu, aux temps anciens; et la royauté de Salomon, sur son trône (que Mariette, disposant d'un exemplaire sans lettre comme ci-dessous, doit confondre avec David), vient rappeler le lien indissociable du pouvoir temporel avec le spirituel - ce que le contexte romain, dans la ville papale, favorisa sans doute.
L'ensemble présente une belle homogénéité de style. Les figures sont trapues et assez massives, exception faite de Jonas; les compositions, ramassées. Cette densité nouvelle traduit des recherches naturalistes que doit expliquer la fréquentation d'un Simon Vouet à l'Académie de Saint Luc. J'ai d'ailleurs suggéré que le passage de ce dernier en Toscane en novembre 1621, rentrant à Rome d'un séjour à Gênes, avait pu convaincre Stella de quitter Florence pour la Ville Eternelle; il n'y aurait donc rien d'étonnant à ce que le cadet regarde attentivement alors son aîné. La confrontation avec les oeuvres de ce dernier alors montre des affinités dans le choix d'arabesques construisant la composition, un goût commun du pathos et de l'expressivité, porteur d'une tension dramatique, qui va aller s'amenuisant chez Stella - jusqu'à resurgir tardivement, au soir de sa vie. On en rapprochera aussi (ci-dessous) ce que peint vers ce temps Pierre de Cortone, son exact contemporain (1596-1669), telle la Semiramis de l'Ashmolean Museum, par le canon court, les lourds drapés. La Suzanne de Stella, au cadrage serré, rappelle la version d'Artemisia Gentileschi (1593-1656) de Pommersfelden, artiste toscane qu'il avait pu connaître à Florence, et dont il semble proche. Elle peut encore faire songer à Carrache, plus qu'au Cavalier d'Arpin. Jonas, dans sa disposition et son point de vue, et jusque dans le type de vieillard au visage allong par la barbe, suscite la comparaison avec Lanfranco (1582-1647), par exemple, son Élie du Musée des Beaux-Arts de Marseille, que l'on date de cette époque; références qui l'affranchissent de l'expérience florentine, et montrent sa capacité à assimiler rapidement ce qu'il découvre. Par ailleurs, la Judith est en rapport étroit avec une peinture sur pierre passée sur le marché de l'art comme Ligozzi, puis, en 2014, comme Stella, qu'il faut évidemment lui rendre, sans doute vers ce temps. Sylvain Kerspern, Melun, mars 2017 |
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Simon Vouet, La tentation de saint François,1623 Rome, San Lorenzo in Lucina, chapelle Alaleone. |
Pierre de Cortone, Semiramis Oxford, Ashmolean Museum. |
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Jacques Stella, Judith et Holopherne. Vente Sotheby's New York, 2014 |
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Artemisia Gentileschi, Suzanne et les vieillards, 1610. Toile, 170 x 119 cm. Schonborn, Pommersfelden |
Giovanni Lanfranco, Élie nourri par le corbeau. Toile, 230 x 215 cm. Marseille, Mus e des Beaux-Arts |
Le sacrifice dAbraham
Exemplaire BNF avec lettre, sur papier blanc complété de lavis bleu : (en bas à gauche) SACRIFITIO DI ABRAMO. (en bas à droite en plus petit) I. STELLA INV/ IN ROMA. Env. 30 x 20 cm. |
Moïse tenant les tables de la loi
Exemplaire avec lettre, sur papier blanc : sur la table de droite, les dix commandements en italien; sur celle de droite :s./ca./in./Ro (en bas à gauche) MOISE PROPHETA. (en bas à droite en plus petit) I. STELLA INV./ IN ROMA. Env. 31,3 x 20,5 cm. |
Samson déchirant le lion
Exemplaire BNF avec lettre et cadre, sur papier blanc complété de lavis bleu : (en bas) SANSONE AMAZZO IL LEONE. Env. 30 x 20 cm. |
David et Goliath
Exemplaire BNF avec lettre et cadre, sur papier blanc complété de lavis bleu : (en bas) IL GIGANTE GOLIA. I. STELLA INV./ IN ROMA. Env. 30 x 20 cm. |
Salomon trônant Exemplaire BNF sans lettre ni cadre, sur papier bleu complété de rehauts de blanc Env. 28 x 18 cm. |
Judith
Exemplaire BNF avec lettre et cadre, sur papier blanc : (en bas au centre) IVDITTA. Env. 30 x 20 cm. |
Job raillé par sa femme
Exemplaires BNF avec ou sans lettre sur papier blanc lavé de bleu : (en bas) S. IOB. I. STELLA INV./ IN ROMA. Env. 30 x 20 cm. |
Le prophète Daniel
Exemplaire BNF avec lettre et cadre, sur papier blanc complété de lavis bleu : (en bas) DANIEL PROPHETA. I. STELLA INV./ IN ROMA. Env. 30 x 20 cm. |
Suzanne et les vieillards
Exemplaire BNF avec lettre et cadre, sur papier blanc complété de lavis bleu : (en bas) HISTORIA DI SVSANNA. Env. 30 x 20 cm. |
Jonas sortant de la baleine Exemplaire BNF sans lettre ni cadre, sur papier bleu complété de rehauts de blanc Env. 28 x 18 cm. (Exemplaire Lyon, B.M., avec lettre : en bas, IONA PROPHETA. I. STELLA INV./ IN ROMA. 28,5 x 18 cm.) |
* Table générale * Table Stella * Catalogue : *Camayeux; Succès romains, 1622-1632 ; *Ensemble |
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