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Sylvain Kerspern - dhistoire-et-dart.com | |
Jacques Stella - Catalogue - Rome, oeuvres datables de 1629-1630
Tables du catalogue : Succès romains, 1622-1632 - Ensemble |
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Table Stella - Table générale |
Thèse Bagni, dessin | Sainte conversation avec saint Jean l'évangéliste, gravé par Audran | Apparition de la Vierge et de l'Enfant à sainte Catherine, dessin | Conversion de la Madeleine, peinture | Sainte Cécile, peinture | Repos en Égypte aux cerises et aux lapins, peinture |
Repos en Égypte, peinture | Sainte Madeleine sur cuivre Tassel/Feigen, peinture | Sainte Madeleine sur bois, peinture |
Le détail des références bibliographiques, en labsence de lien vers louvrage consultable en ligne, peut se trouver en cliquant sur Bibliographie. |
Artaxerxes et Teribazus (?), illustration de thèse Bagni, dessin gravé par Johan Friedrich Greuter. |
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Plume et encre noire, lavis brun.
28 x 41,5 cm. Historique : vente Drouot-Richelieu 24 avril 1990, n°239 (« Federico Zuccaro, Scène de combat »). |
Bibliographie : * Sylvain Kerspern 1994, p. 124 * Sylvain Kerspern «Lexposition Jacques Stella : enjeux et commentaires», site La tribune de lart, mis en ligne le 29 décembre 2006 (fig.19) * Louise Rice, « Pomis sua nomina servant : The Emblematic Thesis Prints of the Roman Seminary », Journal of the Warburg and Courtauld Institute, vol. 70, 2007, p. 239-240 |
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Gravure au burin par Johann Friedrich Greuter (1590/1592-1662). 28 x 41,5 cm Exemplaire : BnF, collection de Marolles. |
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L'article de Louise Rice (2007) jette tout à la fois un éclairage sur la fonction de la gravure, rattachée aux travaux des étudiants du Collegio romano, et le doute sur le commanditaire et, en conséquence, sur la datation. L'identification du destinataire « final » venait confirmer une situation vers 1630, que j'ai avancée dès 1994 par rapprochement avec le dessin de l'Ashmolean Museum de 1631 (ci-dessous), en particulier. Sa lecture, incontestable, des armes visibles dans le dessin le ferait pourtant remonter de quelques années.
Faut-il être aussi strict? L'historienne n'est guère affirmative, proposant une identification parmi les deux Albani possibles, ce qui laisse supposer que la date de la soutenance n'est pas clairement connue. Les exemples qu'elle donne ne tracent pas de parcours systématique. Surtout, il semble difficile de placer plus tôt ce dessin aux formes classicisantes, déjà éloignées du romanesque des ouvrages de 1625-1626 ou de la brève phase qui a suivi, tentée par les formes généreuses sur les modèles de Rubens, Vouet ou Reni. On trouvera de bien plus nettes affinités avec l'ensemble des gravures du Breviarium d'Urbain VIII (1632) qu'avec à la suite de celles par Jérôme David pour un ouvrage similaire, bien connues et situées entre 1625 et 1627 (peut-être un Missale romanum repéré sur Internet, publié à Venise chez Cieras en 1627, avec un frontispice inédit); on comparera les soldats au tombeau du Christ ci-contre avec ceux visibles dans l'illustration de thèse. Une situation en 1629-1630 me semble donc la plus vraisemblable.
Ces images étaient, pour les élèves, l'occasion de célébrer l'institution via sa devise, Pomis sua nomina servant, transformant une sentence de Virgile pour exprimer le souhait que soit préservé leur honneur par leurs fruits, leur nom par leurs actions. Ici, selon Ann Kuttner, il pourrait s'agir d'Artaxerxes, roi de Perse, en compagnie du satrape Trebizarus (ou Tiribaze), au retour de la guerre contre les Cadusiens, s'arrêtant avec son armée à l'une de ses maisons royales, « dont les jardins admirablement ornés, n'étaient entourés que d'une plaine toute nue », et permettant aux soldats d'abattre les arbres de son domaine pour se réchauffer, selon Plutarque (XXX) (Rice 2007). Comme dans le dessin de l'Ashmolean Museum de 1631, Stella déploie au travers de toute l'image des frises de personnages, presque à saturation. Pourtant, elle reste claire et lisible, grâce aux formes arrêtées et nettement définies, et au travail, parfaitement relayé par Greuter, de restitution de la profondeur. Si on peut suggérer une filiation à partir de Zuccaro ou Tempesta (exemple ci-dessous), la comparaison permet de comprendre à quel point l'approche formelle est redevable à l'étude du Dominiquin dans ce souci d'ordre dans la profusion. Ces deux images figurent parmi les témoins de l'affirmation du classicisme de Stella autour de 1630, qu'il va désormais approfondir.
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Jérôme David d'après Stella, images pour un ouvrage liturgique (Missale romanum, 1627?). |
Anonyme (V. Regnard?) et Greuter d'après Stella, images pour le Breviarium d'Urbain VIII (1632). |
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La Sainte Famille adorée par Dieu le père, Anne, Joachim, Jean l'évangéliste et des anges, gravé par Charles Audran. | |
Gravure signée J. Stella Gall. Inventor (en bas à gauche) C. Audran fecit Romae (à droite). Dimensions inconnues. Dans la marge : Giesu, Gioseph, Giovanni, Gioachim, Anna et Maria. Siate sempre in eco in compagnia. Exemplaires repérés : Rome, Istituto Nazionale di Grafica; Albertina. Bibliographie : * Charles Le Blanc Manuel de l'amateur d'estampes, Paris, I, 1854, p. 81, n°43 (d'après Mariette) * Sylvain Kerspern notice de la Madone de Modena, dhistoire-et-dart.com, janvier 2016. |
Ci-contre : L'assomption. |
Ce n'est que récemment que j'ai découvert sur Internet cette gravure, apparemment inconnue de Jacques Thuillier et de Gilles Chomer. Le Blanc (1854) la dit citée par Mariette, mais elle ne figure pas dans la publication de 1996, du moins dans le catalogue de Stella. Celui que Roger-Armand Weigert dresse de l'œuvre de Charles (dit Karl) Audran au Cabinet des Estampes de la BnF (1939) n'en mentionne pas d'exemplaires, ni même ne cite la référence de Le Blanc, qu'il reprend pourtant par ailleurs pour citer d'autres ouvrages absents des collections. C'est dire la rareté de la gravure du cabinet romain.
Elle est encore exceptionnelle par son statut. Si, en France, Stella va rapidement développer des relations lui permettant de faire traduire indépendamment ses inventions par une pleïade de graveurs (en particulier, outre le même Audran, Gilles Rousselet, Jean Couvay, Abraham Bosse, Pierre Daret ou les Poilly), en Italie, outre ses propres eaux-fortes, ses estampes sont essentiellement dédiées aux travaux d'édition, publications liturgiques ou sermons et autres thèses. Cette pièce ne semble pas se rattacher à cette production mais relever d'un souci de publicité de son art via un burin tiers. La lettre dans un italien un peu approximatif souligne sans doute cette intention, de même que le grand soin de la traduction. Stella doit encore avoir alors le désir de demeurer longuement dans la péninsule. L'artiste s'y montre dans un exercice proprement italien, dans la lignée d'un Corrège, qu'il admirait : la Sacra conversazione, associant les ascendants maternels de Jésus avec Joseph et l'évangéliste Jean, agenouillé pour l'adorer; le tout sous le regard bienveillant de Dieu le père apparaissant dans une gloire d'anges. La présence de l'évangéliste vient rompre la vraisemblance d'une scène familiale. De fait, l'artiste propose une solution pour un retable - qu'il s'agisse ou non de témoigner d'une composition réalisée, ce que la présence d'un saint particulier, souvent intermédiaire du donateur, pourrait suggérer. Cela peut expliquer les affinités avec celui de Nantes provenant de la famille Arese, de 1627. On y retrouve jusqu'aux faisceaux lumineux de la gloire. Toutefois, la typologie des personnages marque certaines différences. Le visage de la Vierge est ici moins abstrait, les barbes des personnages sont moins souples, plus courtes aussi. Un rapprochement plus net se dessine alors avec la Madone de Modena (1629), ou les dessins sur la vie de Girolamo Maini, de 1629-1630. Au demeurant, la composition franchement en frise et un clair-obscur moins prononcé vont dans le sens du classicisme qui s'affirme dans l'art de Stella vers 1630, dans lequel la maîtrise des formes rejoint la mesure du geste. |
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Huile sur toile, 1629. 97,5 x 74,3 cm. Modena, Museo Civico. | Crayon noir, plume et lavis, 1630. Yale University. | |
Ci-contre : Crayon noir, plume et lavis, 1630. Yale University. |
Tout renvoie, ici, à la rencontre improbable de l'enfant Jésus et de l'évangéliste Jean, reconnaissable à l'aigle qui lui dicta son évangile et avec lequel joue un angelot, et la coupe empoisonnée d'où sort un serpent incarnant la fuite du venin, inoffensif pour lui. Le Christ semble s'amuser avec ce dernier, allusion évidente au péché originel, qu'il vient racheter. Zaccharie, debout à gauche peut s'en effrayer, la providence divine en gloire veille...
Sylvain Kerspern, janvier 2018 |
Apparition de la Vierge, de l'Enfant, sainte Catherine d'Alexandrie (?), sainte Madeleine et saint Dominique à sainte Catherine de Sienne, dessin (Louvre). | ||
Pierre noire, plume et encre noire, lavis indigo. 17,3 x 18,6 cm. Louvre, Cabinet d'Arts Graphiques, cabinet des dessins, Inv. 12454.
Historique : Ch.-P. Bourgevin Vialart de Saint-Morys ; saisie des biens des Émigrés en 1793, remise au museum en 1796-1797 ; marque du Conservatoire (L. 2207) Bibliographie : * Monbeig Goguel, Catherine, Musée du Louvre, Département des Arts graphiques, IV : Dessins toscans XVIe-XVIIIe siècles, vol. II : 1620-1800, Paris, 2005, II, n°699 (« école siennoise, premier quart du XVIIe siècle »). |
Comme la gravure d'Audran ci-dessus, la composition désigne une assemblée de saints personnages, mais plutôt qu'une Sacra conversazione d'esprit Renaissance, nous sommes en présence d'une apparition d'esprit baroque, soulignée par les nuées sur lesquelles sont installés, outre la Vierge et l'Enfant, trois saints et des anges musiciens.
Je partage l'identification de Madeleine, avec le pot d'encens, et Dominique, avec sa bannière, sachant qu'il est le fondateur de l'ordre de Catherine de Sienne, agenouillée au bas. Celle de Catherine d'Alexandrie, tout à gauche, serait exceptionnelle : la palme de martyre, insuffisante en soi, est complétée de trois couronnes, montrées par la mère de Jésus, correspondant au triple statut de vierge, martyre et prédicatrice (cf. Henri Dominique Saffrey, Humanisme et imagerie axu XVe et XVIe siècles : études iconologiques, Paris, 2003, notamment p. 19-23). Plus encore que la gravure d'Audran, on peut penser que ce dessin prépare une commande particulière, sans doute pour un autel d'un édifice dominicain ayant ces figures de l'Église pour dédicataire, ou renfermant de leurs reliques; à moins que les commanditaires aient souhaiter inviter leurs saints patrons au colloque. La feuille était depuis longtemps rattachée à l'école italienne - Modène, Toscane puis Sienne. C'est sans doute son apparence « baroque » qui a suggéré jadis le nom de Cavedone (1577-1660), avant que l'aspect précieux, maniériste, ne conduise à envisager une situation plus précoce. Plusieurs éléments conduisent à Jacques Stella. Notre artiste a volontiers pratiqué le lavis d'indigo, et en particulier durant ces années, les exemples les plus fameux étant les trois dessins pour la vie de Filippo Neri, de Yale. Si la facture de ces derniers est plus soignée en fonction de leur destination, on y retrouve la même combinaison du trait à la plume, cernant les formes, et du lavis pour disposer les ombres et les effets de nuées. Le rapprochement est sans doute plus net avec Samson et Dalila et La tentation de saint François, par leur statut de dessins de mise en place au trait plus allusif. On peut aussi convoquer la Sainte Cécile de Rennes (1626) ou L'assomption (1627) de Nantes pour la mise en page et le type d'anges, ainsi que les gravures de Jérôme David, datables vers le même temps, ce qui inciterait à une situation proche. Toutefois, la main semble plus ferme et la conception de l'espace plus élaborée, tandis que les dispositions bénéficient d'une meilleure assiette. Ainsi, le style tend vers ce que l'on voit dans l'Adoration des bergers (1631) du Louvre, ainsi que les images pour les sermons de Pentecôte ou pour la saint Yves de 1631 et 1632.
Frontispice pour le sermon de la saint Yves, 1632 Le merveilleux de l'apparition prend place dans un intérieur sobre. Les nuées portant la sainte assemblée masquent partie d'un bureau où Catherine étudiait et dont elle s'est écartée pour recevoir, agenouillée, l'enfant Jésus. Cette étroite imbrication entre un cadre quotidien, familier, et l'extraordinaire de la spiritualité, jusque dans la plus austère des formulations classiques, Stella ne s'en départira jamais. Elle se déploie dans ses illustrations contemporaines pour les vies de Filippo Neri et Girolamo Miani et explique le succès de l'artiste, dès sa période italienne, dans le discours narratif propre aux travaux d'édition. Elle ne pouvait que rencontrer, une fois rentré en France, les promoteurs de l'humanisme dévot. S.K., Melun, mai 2018 |
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Ci-contre : Samson et Dalila. Coll. part. | ||
Sainte Cécile, 1626. Cuivre. Rennes, Musée des Beaux-Arts. |
J. David d'après Stella, Naissance de la Vierge, gravure. |
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Ci-contre : |
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Madeleine en extase, cuivre. | |
Huile sur marbre noir. 25,8 x 37,1 cm.
Localisation actuelle inconnue. Historique : vente Lyon, Palais des congrès, 1-12 mai 1970, 2è vacation, lot 15 (comme entourage de Honthorst, La lecture); Lyon, coll. part.; vente Ivoire Lyon, 17 octobre 2010, lot 21. Bibliographie : * cat. expo. Lyon-Toulouse 2006, p. 99, cat. 44 * Thuillier 2006, p. 300 |
Une curieuse copie en grand (99 x 146 cm) et sur toile, datée de 1876 et signée en lettres grecques Vlachakis (βλaχàxης), désignant la vraisemblable nationalité de la main, a été présentée en 2016 par une galerie grenobloise (« Marthe et Marie »), avant de passer en vente à Lisbonne, comme « école russe » (!) et « scène religieuse » le 22 février 2017. Le coloris des robes (bleue et non verte olive pour Marthe, blanche et non bleue cendrée pour Marie) et l'expression plus interiorisée de la repentante, bien dans l'esprit du peintre, pourraient conduire à envisager un original perdu répétant la peinture sur marbre quelques années plus tard, en France (et à Lyon?), copiée en 1876 par le tableau grenoblo-lisboète.
Parmi les indices d'une situation vers la fin du séjour romain de Stella, il faut d'abord relever la pose de Marthe, en rapport avec celle qu'il donne à la Madeleine dans le petit cuivre réapparu en 2014. Je l'ai cité comme point de départ de la mise en scène de celle sur pierre de Munich, de 1630, dans la notice que je lui ai consacrée. L'angelot qui, dans notre marbre, aide la Madeleine à se défaire du luxueux manteau, par son profil, rappelle l'un de ceux jouant avec l'épée de la Judith Borghese, que le paiement de juillet 1631, cohérent avec le style, permet de dater (ci-contre). La conversion de la Madeleine devrait donc pouvoir se situer à la toute fin de la décennie 1620. Les airs de tête de notre marbre, notamment celle inclinée de Marthe, non dénuée d'un certain sentimentalisme qui disparaît autour de 1630-1631, et les expressions, pourraient inciter à remonter de quelques mois sa datation, mais certainement pas avant 1627-1628. Sylvain Laveissière a vraisemblablement résolu la question du sujet, montrant la conversion de la Madeleine en version italienne, telle que Caravage (Detroit Institute of Arts), notamment, l'avait représentée, confrontant les deux soeurs. Chez le maître italien, Marthe argumente, si l'on en croit ses mains, mais Madeleine semble bien plus convaincue par la lumière renvoyée par le miroir convexe, qu'elle tient comme pour nous l'indiquer. Le thème diffère du Christ chez Marthe et Marie, et pas seulement par l'absence de Jésus : écoutant alors celui-ci, plutôt que de s'affairer aux tâches domestiques comme sa soeur, Madeleine n'y est encore que sur le chemin de la conversion qui la saisit ensuite, le plus souvent seule comme dans une autre peinture sur pierre de Stella ou dans un tableau célèbre de Le Brun pour le Carmel de Paris, plus rarement avec Marthe, comme ici. L'état médiocre empêche la juste appréciation d'une composition dans laquelle, tout en la rejetant pour Stella, Jacques Thuillier pressent ce qui devait être un chef-d'oeuvre. La confrontation des deux soeurs ne montre pas moins d'incommunicabilité dans leur foi respective, sans pouvoir décider si le fait d'accouder Marthe souhaite traduire sa lassitude ou son soulagement. Elle semble en tout cas tirée de ses études par la conversion démonstrative de Madeleine. Le travail de la lumière - un clair-obscur aux ombres profondes quand la version de Caravage relève de sa veine diurne - met en évidence le dialogue des regards, qui les réunit dans la foi, comme pour exprimer les multiples chemins qu'elle peut prendre. |
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En cela, la copie grecque donnerait pour l'éventuel original perdu une interprétation renchérissant sur l'incommunicabilité, y compris pour l'angelot, ce qui ne serait pas impossible pour Stella mais sans doute un peu plus tard. À moins que l'état actuel n'ait modifié l'intention initiale, altérant un sens et un souci d'interiorisation particulièrement précoce dans son oeuvre. Quoiqu'il en soit, il n'y a pas lieu de douter de l'autographie de cette peinture, qui n'est pas la moins ambitieuse de l'artiste dans le riche contexte romain.
S.K., Melun, mai 2018 |
Sainte Cécile, peinture sur ardoise. | |
Huile sur ardoise. 20 x 15 cm.
Localisation actuelle inconnue. Historique : coll. colonel Trauchot, vente Paris, 18 décembre 1815, lot 20 (Sainte Cécile jouant du clavecin, tandis que deux anges placés dans le fond, l'accompagnent. Cette jolie petite scène est éclairée d'un flambeau. Sur pierre noire, H. 8 p., L. 6 p.); ? vente Paris 12-13 mai 1819, lot 62; vente Aguttes, 6 décembre 2012, lot 26; Galerie Didier Aaron en 2014. |
Jacques Stella a représenté plusieurs fois la sainte patronne des musiciens. À Rome, il en a donné une version gravée dans un de ses camayeux (1623-1625), puis peinte sur cuivre (1626, Rennes, Musée des Beaux-Arts). Il y reviendra en France. En dehors de la version autrefois chez les Jésuites de Lyon qui la montre jouant de la harpe (coll. part.), toutes ces versions la placent devant un orgue. Notre peinture représente une autre exception puisqu'on n'y voit aucun tuyau ni compartiment de bois dressé à l'aplomb du clavier pour en contenir : il doit s'agir d'un clavecin ou d'une épinette, dont la forme asymétrique se devine dans le dessin de son contour entre les angelots et le rideau.
Pour autant, c'est de la version sur cuivre du Louvre, dont on connaît une réplique sur pierre, que se rapproche le plus nettement notre ardoise : la disposition des personnages, le cadrage, sont fort proches et tranchent avec les autres versions par l'attention portée par la sainte sur le jeu de ses mains. Dans un premier temps, j'ai pensé que cette parenté pouvait conduire à un rapprochement chronologique. Cependant, certains aspects marquant des différences opposaient une résistance tenace : le travail du drapé, l'acuité des volumes dans les carnations ou encore le coloris, plus profond et sans l'aspect laiteux qui situe, sans aucun doute, le cuivre du Louvre dans la période française. Notre ardoise est certes fatiguée, malgré une restauration qui est revenue sur une probable précédente intervention douteuse au XIXè siècle, mais son état ne suffit pas à expliquer ces différences. J'en suis donc venu progressivement à envisager une situation toute autre, et antérieure; soit en Italie. La comparaison avec quelques ouvrages autour de 1630 soutient une datation de cette époque charnière au cours de laquelle Stella oriente son style vers un classicisme inspiré de Domenichino, renonçant aux accents pathétiques d'un Guido Reni qu'exprime, par exemple, sa version pour les camayeux. Le drapé de la robe, construit sur une mosaïque de formes géométriques, doit plus encore, peut-être, au cavaliere d'Arpino; il peut être rapproché de la suite consacrée à Girolamo Maini et de la peinture datée de 1630, Hérodiade, de Sienne. Cette dernière présente une même lumière encore pittoresque, flottant plutôt que cherchant à définir clairement les volumes, ce à quoi Stella va rapidement s'attacher et qu'il va développer en France. Le coloris, bleu canard et vert olive, notamment, rattachent tout autant notre Sainte Cécile à la phase italienne et à ces années, comme, ci-contre, la Conversion de la Madeleine. Tout cela confirme le statut de notre peinture de prototype pour le cuivre du Louvre dans le choix de présenter Cécile absorbée dans la pratique de l'instrument, deux angelots proches d'elle déchiffrant leur partition, l'un d'eux semblant à la direction; spectacle qu'un rideau vert tiré nous dévoile. Il faudrait pouvoir expliquer cette exception que constitue le recours au clavecin, plutôt que l'orgue, la lira da braccio ou le luth, plus fréquents à cette date. Le contexte romain peut y aider : il suffit de convoquer l'exemple contemporain de l'encombrant ami pour Stella qu'est Nicolas Poussin, par la toile du Prado, qui doit se situer vers la fin des années 1620 (vers 1627-1629?). Les deux peintres font partie des artistes protégés par les Barberini, et l'un et l'autres semblent avoir rapidement su se concilier l'élite intellectuelle romaine. L'orgue du Vatican est alors tenu par Girolamo Frescobaldi (1583-1643) portraituré par Claude Mellan (1598-1688), qui est aussi un grand claveciniste. Il se peut que ce prestigieux exemple ait suscité cette instrumentation particulière chez Poussin comme chez Stella. |
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Sainte Cécile. Cuivre. 35 x 33. Louvre |
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Herodias. Toile. Sienne, Museo Diocesano |
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Conversion de la Madelaine. Ardoise. 25,8 x 37,1 cm. Localisation inconnue |
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Nicolas Poussin, Sainte Cécile. Toile. 118 x 88 cm. Prado |
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Le support dicte-t-il le discours? Il y a tout lieu de croire que non seulement Stella s'en accomodait mais qu'il en jouait, à voir la délectation avec laquelle il en multiplie les occasions. Il se peut que ce dialogue avec un support minéral homogène ait conduit l'artiste à réfléchir autant sur le réseau de lignes à disposer sur la surface que sur la profondeur à suggérer. Tels sont les enjeux de cette peinture, par le jeu complexe d'un drapé recherchant l'épaisseur autant que l'inscription du personnage dans l'espace. De même joue-t-il sur les effets d'ombre et de lumière dans un registre plus large, modulé, s'autorisant une base profonde, quasi caravagesque. Le constat valable pour l'Hérodiade de Sienne confirme qu'il s'agit d'une recherche personnelle qui marque comme un jalon passant d'un contraste marqué, au coloris sourd, à une lumière diffuse qui se fera, en France, laiteuse, au service d'une palette délicate ou sonore.
S'il faut reprendre la parallèle avec Poussin, sur ce plan, on ne peut que dire, devant leurs Sainte Cécile, que le Normand et le Lyonnais sont loin de partager les mêmes recherches. Négligeons la question du coloris favorisée, malgré tout, par le support chez Stella - la version de Rennes, de 1626, en donne d'ailleurs un contre-exemple. Au chœur lyrique, et souriant, de Poussin, son ami préfère l'intériorisation grave. S'il reste à ce dernier à polir son art pour joindre les formes à ses intentions, celles-ci sont déjà claires et très personnelles. S.K., Melun, janvier 2020 |
Repos pendant la fuite en Égypte, peinture. | |
Huile sur ardoise et lapis-lazuli, 12,4 x 9,8 cm. Localisation actuelle inconnue. Historique : Vente Aguttes, 24 novembre 2014, lot 6 (« Cornelis Poelenburgh »). Bibliographie : * Sylvain Kerspern « De pierres et dart II : Une nouvelle Fuite en Égypte de Jacques Stella », dhistoire-et-dart.com, mise en ligne le 20 janvier 2015. * Sylvain Kerspern « De pierres et dart III : Jacques Stella, tradition et innovation, répétition et variation en points de Fuite », dhistoire-et-dart.com, mise en ligne le 10 janvier 2016. |
Cette peinture figure parmi les inédits déjà publiés sur ce site, et s'insère dans une des séries de répétitions à variantes subtiles dont Stella avait le secret. La composition puise dans deux sources qui lui sont propres, datables du tout début du séjour romain : un autre lapis-lazuli montrant la Sainte famille installée dans un sous-bois, elle-même variation sur un thème célèbre de Corrège; et un dessin évoquant, selon toute vraisemblance, son départ précipité devant la menace du massacre des Innocents sur l'ordre d'Hérode. Le premier pose le cadre naturel propre au sujet, le second le motif de l'empressement de Joseph auprès de Marie et de l'Enfant, en selle sur l'âne. L'invention dût plaire, puisqu'elle est répétée dans une troisième peinture dans laquelle la monture n'est pas encore à l'arrêt.
Toutes ces compositions célèbrent Joseph, père nourricier, protecteur, prévenant, stimulé par la Divine providence, avec toutefois plus d'évidence dans les trois dernières. Le secours céleste se cristallise ici dans l'attitude de l'angelot qui se penche au pied de l'âne pour servir de marche-pied à la Vierge, tout en nous regardant fixement : son regard commente la scène dans le registre du Dieu caché, qui s'expose à nos yeux dans toute sa spontanéité. Ici, point de cueillette, mais seulement la halte, le temps d'un repos au milieu de dangers qui passeraient inaperçu si ce petit personnage ne nous fixait avec autant de gravité. Au cheminement intellectuel se joignait le travail de la main. La préparation du support alla-t-elle jusqu'à l'assemblage du lapis, au centre, avec l'ardoise, qui l'encadre (voir ci-contre)? En tout état de cause, Stella joue dans nos trois peintures des caractéristiques de chaque plaque minérale. Il est frappant de voir que dans chacune d'elle, Joseph se place à la lisière. Ici comme dans la version postérieure, le choix de l'action le fait passer, en quelque sorte, de l'ombre du monde à la lumière céleste, du lieu historique du danger au cocon de la protection divine. C'est sans doute le pas essentiel franchi d'avec la première version, pour mettre en acte la tension historique quand initialement, il s'agissait d'une illustration quasi-immobile du projet divin, juxtaposant dans le même espace bleuté les soldats déroutés par le paysan et la Vierge et son Fils. Il joue encore de la lumière pour unifier son propos mais aussi, avec humour, pour plonger dans l'ombre les angelots. Si la pratique de la peinture sur pierre a pu sembler anecdotique y compris à un Félibien, force est de constater que Stella en fait, au contraire, un support, dans tous les sens du terme, essentiel à sa création, joignant avec une grande intelligence la main et l'esprit. Par-delà un état fatigué, cet ouvrage en donne un nouvel exemple précieux. S.K., Melun, septembre 2017 |
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Sapientia, La sapience divine, dessin. | ||
Plume, encre brune et noire, lavis gris, 14 x 12 cm. Bruxelles, coll. part. Historique : monté au XVIIIè siècle (?) (par Glomy?) avec deux autres dessins de Stella (Étude de détail pour un Achille parmi les filles de Lycomèdes et Un vieil homme à chapeau debout devant une femme assise tenant un enfant sur ses genoux). Bibliographie : * Inédit |
Ce dessin propose une proposition finie pour une allégorie, vraisemblablement pour l'édition. Sans les deux dessins avec lesquels il a été anciennement monté, l'un de genre selon la qualification donnée par Gail S. Davidson, l'autre en rapport avec une sanguine du musée des Beaux-Arts de Quimper traditionnellement, et à juste titre, donnée à Stella, il n'est pas sûr qu'on ait songé imméditament à notre artiste pour lui. J'ai longuement hésité quant à sa situation dans son œuvre jusqu'à ce que la mise en ligne, sinon achevée du moins globale, de la part italienne propose des liens plus forts avec les ouvrages de ce temps, et particulièrement autour de 1630. La formule, une figure assise relativement massive et de face, dérive de celle adoptée pour certaines sibylles des camayeux (notamment celle d'Égypte, ci-dessous, datée de 1625).
Le style graphique, lui, témoigne d'effets plus complexes dans le drapé, délié, aux contours brisés, à rapprocher des suites sur les vies de Filippo Neri (vers 1627?) et, plus particulièrement, de Girolamo Miani (1629-1630). L'apparition de la Vierge dans cette dernière montre une opulence dans l'arrangement de son vêtement tout à fait comparable. L'abondance des motifs décoratifs, le traitement naturaliste des carnations, d'une plasticité encore marqué par Guido Reni, peut aussi susciter le rapprochement avec l'Hérodiade de Sienne (1630). Citons encore l'Assomption gravée pour le Bréviaire d'Urbain VIII de 1632 : le drapé toujours enveloppant s'y discipline au profit d'une plus grande clarté. La remarque vaut pour une autre feuille à caractère allégorique, La gloire de vertu du Louvre, de 1633, qui intègre nettement son caractère structurant dans l'économie de l'image, plus avancé que dans la Sapientia. Une datation vers 1630 est donc envisageable. L'image est saturée d'attributs, complexifiant l'iconographie traditionnelle de la Sagesse, volontiers rapprochée de la Prudence ou de Minerve, mais ici divine. Ainsi, le miroir sans tâche, montrant le profil de la jeune femme, peut être lu comme une allusion à la Vierge Marie, suivant une interprétation fréquente au Moyen-Âge; les pierres cintrées évoquant les Tables de la Loi, le livre aux Sept sceaux, pour l'Apocalypse de Jean, et le nom de Dieu ceint de laurier ont pareillement trait à une conception chrétienne de cette vertu. Les motifs sur le torse, étoiles, lune et soleil, colombe (de l'Esprit Saint?), pourraient associer la dimension céleste dans laquelle elle évolue mais aussi, plus précisément, le moment de la Crucifixion au cours de laquelle les deux astres sont évoqués par les Évangiles. Les nuées et l'arc-en-ciel sur laquelle la jeune femme est installée l'inscrit dans les sphères supérieures suivant une conception néo-platonicienne ayant cours dans le cercle du pape Urbain VIII, probable interlocuteur de Stella. Le globe qu'elle porte dans la main gauche et sur lequel elle rayonne littéralement suggère son action sur le monde, suivant les chemins de la Divine Providence. Malgré la pesanteur du programme suggéré à l'artiste, les dispositions et la gestuelle restituent de façon efficace cette inflexion particulière donnée à l'allégorie de la Sagesse. Ce talent explique le succès que Jacques put avoir dans le domaine de l'illustration en Italie comme en France. S.K., Melun, mars 2021 |
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Apparition de Filippo Neri à Paolo de Bernardis. Dessin. 20,4 x 14,8 cm. New Haven, Yale University Art Gallery (Egmont collection) |
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Apparition de la Vierge à Girolamo Miani. Dessin. 22 x 16,3 cm. New Haven, Yale University Art Gallery (Egmont collection) |
Hérodiade, 1630. Toile. Siena, Museo Diocesano |
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J.F. Greuter (?) d'après Stella, L'assomption. Gravure. 16 x 10 cm. |
La gloire de vertu, 1633. Dessin. 39,8 x 26,7 cm. Louvre. |
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Repos pendant la fuite en Égypte, Joseph donnant des fruits, et des petits lapins, peinture. | |
Huile sur marbre, 35 x 47 cm. Collection particulière. Historique : Galerie Éric Coatalem en 2002. |
Si Stella a déjà eu l'occasion d'aborder le thème du repos pendant la fuite en Égypte, il semble que cette peinture soit l'une des premières - sinon la première - à proposer une composition dont il donnera ensuite en France un certain nombre de versions. Elles se caractérisent par l'installation de la sainte famille plus ou moins sur le côté d'un paysage arboré, sources de fruits que des angelots viennent lui apporter, d'autres s'occupant à abreuver la troupe - ici l'âne, outil de profondeur pour l'artiste par le raccourci né de sa disposition. Le tableau de Glasgow, la gravure en rapport dédiée à Michel Le Tellier, le dessin daté de 1646 (ci-contre) et la peinture du Prado, avec ses deux dessins en rapport, sont autant de variations parisiennes brodant sur cette trame inventée en Italie.
Ce sont d'abord des éléments formels, évidemment, qui incitent à cette situation dans la carrière romaine. Notre peinture s'inscrit parfaitement dans cette période charnière, autour de 1630, au cours de laquelle il met en place la plupart des éléments de son classicisme, par la mesure de la gestuelle, expressive par sa simplicité familière, le goût du drapé à l'antique, ici particulièrement pour la Vierge, l'attrait pour la représentation de l'enfance et du jeu, ressort du sens... Ici, les angelots sont encore un peu trapus ou ramassés, Joseph propose une physionomie assez allongée, dotée d'une barbe fournie, et une calvitie dont il semble bien qu'elle s'attache aux usages dans la péninsule et qu'elle disparaisse ensuite à Paris. Sur ce point, on en rapprochera les Fuite sur pierre ayant fait l'objet d'un feuilleton sur ce site, le Retour sur cuivre ou encore la gravure de Charles Audran de la Sainte Conversation cataloguée plus haut. Plus généralement, pour ce type d'homme agé, le cycle de Girolamo Miani (1629-1630) fournit maints éléments de comparaison. Un autre détail iconographique pourrait caractériser la phase italienne puisque Stella ne semble pas le reprendre ensuite : la péripétie des soldats déroutés par le miracle du champ ensemencé aussitôt productif, visible dans une de ses Fuite (détail ci-dessous) comme ici. La présence de deux lapins installés à droite, au pied de la nappe, qui se retrouvera dans le dessin de 1646, renvoie aux premiers temps de l'humanité (Stella l'introduit dans la création de l'homme et le péché originel de ses camayeux) et accompagne la mission salvatrice de l'Enfant. On ne peut qu'admirer avec quelle aisance Stella, partant une nouvelle fois des indications de la pierre, brosse un vaste panorama pour y disposer tous les protagonistes de son histoire dans une grande respiration pleine de mesure, nouveau jalon de son implication dans la mise en oeuvre du paysage classique français, trop souvent négligée, sinon oubliée. S.K., Melun, mars 2018 |
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La Madeleine en extase, dite aussi pénitente ou méditant, peinture sur cuivre. | |
Huile sur cuivre. 21,9 x 16,8 cm.
New York, coll. part. Historique : Vente Sotheby's Monte-Carlo, 2 juillet 1993, n°260 (« entourage de Guido Reni ») (« École de l'Est de la France »). Bibliographie : * cat. expo. Les amis français à Rome de Nicolas Poussin, 1994, p. 14-15. * cat. expo. Lyon-Toulouse 2006, p. 90, cat. 37 * Thuillier 2006, p. 70 * Sylvain Kerspern « Madeleine pénitente », notice de la peinture de Munich de 1630, dhistoire-et-dart.com, mise en ligne en 20 janvier 2016. |
Ce petit cuivre a déjà été évoqué à propos de la peinture sur pierre de Munich, qu'il répète. Ce qui aurait pu être confrontation sans lendemain du pinceau de Stella et des propositions d'un support si particulier, toute brillante qu'elle soit, rencontre le succès dans sa répétition sur cuivre, soulignant la qualité de l'invention. S'il faut rendre justice à Jean-Max Tassel de l'avoir révélé en 1994, il faut reprendre et rectifier son commentaire.
La datation vers 1640-1645, déjà ramenée en 2006 lors de l'exposition de Lyon et Toulouse vers 1630, ne peut dédidément plus tenir. C'est peut-être elle qui avait conduit à réfuter une « réminiscence (...) de Bologne ». Au contraire, j'ai souligné que Stella se positionnait dans la peinture allemande et ses répétitions par rapport à Guido Reni, ce qui explique d'ailleurs sans doute que le tableau ait été placé dans son entourage lors de la vente de 1993. |
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Peinture sur marbre, 1630. Munich, Bayerisches Museum |
Plus encore que pour la version de Munich, c'est donc celle-ci qui invite à questionner le rapport au maître bolonais. Pour comparaison, voici deux versions de la pénitence de la sainte, retirée dans la Sainte Baume : l'une aujourd'hui au Musée des Beaux-Arts de Quimper, réputée peinte vers 1627-1628, passée par la collection Oursel avant d'entrer dans celle de Louis XIV en 1670 (Mylène Allano); la seconde peinte avant 1633 pour le cardinal Antonio Santocroce, puis acquise par le cardinal Antonio Barberini (Rossella Vodret). Le cadre, avec échappée paysagère au ciel bleuté, le désordre vestimentaire et le soin à représenter la longue chevelure blonde bouclée sont autant d'éléments qui suscitent le rapprochement. La principale différence, pour Madeleine, tient aux yeux clos chez Stella.
Certes, le tableau de Quimper ne représente pas, comme chez ce dernier, l'abandon de l'extase mais plutôt l'effort soutenu dans la pénitence, et à ma connaissance, Reni n'a jamais choisi de fermer les yeux de la sainte dans les représentations qu'il a pu donner de son repentir. En revanche, la présence des angelots et la pose détendue, sinon alanguie, de la figure du tableau Barberini, malgré son apparent éveil, semble bien la représentation d'une vision intérieure consécutive à l'évanouissement mystique. Pour l'Italien, le sujet devient prétexte à l'éblouissement des chairs et au contrepoint spectaculaire du corps et de son drapé. Stella pose quant à lui les jalons d'une sensualité froide, ici exaltée par l'arrangement naturel des vêtements sujets au choc de l'extase, jusque dans le désordre de la mise, et l'impact de la lumière divine, illuminant la grotte gagnée par l'ombre du soir. Il ne se contente donc pas de se mesurer à Reni, il propose une alternative qui s'inscrit dans la voie qu'il trace déjà depuis quelques années - en quoi j'ai pu dire qu'il allait contre lui. Cela se traduit encore par la mise en valeur scrupuleuse des éléments symboliques. Principale variante avec la version de Munich - à moins que les pertes de matières l'aient fait disparaître -, un escargot chemine sur une pierre au pied de la sainte en extase, allusion vraisemblable à la Résurrection. Stella en avait pareillement disposé un dans une des images en camayeux, et de façon apparemment surprenante, dans celle du péché originel : c'est une des clés pour comprendre que cet ensemble traduit une conception cyclique - et optimiste sur le plan spirituel - de l'histoire de l'humanité. Auprès de Madeleine, il contrebalance la présence des ronces, rappels des souffrances de la Passion matérialisés dans la couronne d'épines et sources de la totale conversion de la sainte. |
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Guido Reni, Madeleine pénitente. Toile, Quimper, M.B.A |
Guido Reni, Madeleine en extase. Toile, Rome, Gall. Barberini |
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Ces différents éléments sont les indices de choix faisant confiance à l'artiste, qu'il soit lui-même à l'initiative de cette peinture ou qu'un interlocuteur commanditaire l'ait choisi en connaissance de cause. Compte tenu du précédent du tableau de Munich, l'art du compositeur et le talent de sa main sont ici reconnus, qu'il ait voulu en garder trace ou que cette répétition lui ait été demandée. Avec Gilles Chomer, tout en le replaçant vers 1630, on peut donc voir en ce cuivre un « petit bijou » de l'art de Jacques Stella.
S. K., mai 2018 |
Catalogue Jacques Stella : Ensemble ; Succès romains, 1622-1632, mosaïque - Table Stella - Table générale |
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