Contacts : sylvainkerspern@gmail.com
Sylvain Kerspern - dhistoire-et-dart.com
Jacques Stella - Catalogue - Rome, oeuvres datables de 1631-1632

Tables du catalogue : Succès romains, 1622-1632 - Ensemble
Table Stella - Table générale
Mise en ligne le 16 juillet 2018 - retouches en décembre 2018, en mars 2021, en novembre 2021
Le Christ au jardin des oliviers,
peinture
David écrivant les Psaumes gravé par Mallia Judith dans la tente d'Holopherne Borghese, peinture Sainte famille, saint Jean et l'agneau transportant des fruits, peinture La Vierge allaitant l'enfant, peinture Le miracle des monnaies, peinture
Sapientia , dessin Repos pendant la fuite en Égypte, peinture Neptune Arcanis Nodis, gravé par Greuter
Le détail des références bibliographiques, en l’absence de lien vers l’ouvrage consultable en ligne, peut se trouver en cliquant sur Bibliographie.
Le Christ au Jardin des oliviers (ou L'agonie au Jardin des oliviers)
peinture
Huile sur marbre.
28 x 23 cm.

Historique : Coll. Alfred Marie, ancien conservateur de Versailles, vente des 3/4 novembre 1975, Rouen (n°144, « École vénitienne » XVIIè siècle); « coll. R.E. » selon une mention manuscrite au Service d'étude et de documentation des peintures du Louvre. Localisation actuelle inconnue.



Bibliographie :

* Inédit.
Cette peinture semble avoir disparu aussi vite qu'elle est apparue, en vente, il y a plus de quarante ans et je n'en ai pas de meilleure reproduction. La composition inspirera l'un des premiers frontispices de Stella pour l'Imprimerie Royale, sur un sujet un peu différent, ainsi que d'autres versions du thème jusqu'au soir de sa vie.

En effet, le style s'inscrit sans difficulté au début des années 1630, et les dernières passées à Rome. Les angelots au corps ramassés sont cousins de ceux de du dessin historico-allégorique d'Oxford, de 1631; le profil tout en rondeur de l'ange derrière le Christ, front bombé et nez et menton en pointe, rappelle celui de la femme de Potiphar de la peinture sur pierre américaine. On peut encore citer, pour le visage de Jésus, celui de la femme s'accrochant aux jambes décharnées de la mort dans l'Allégorie sur l'agonie du cardinal Borghese, de 1633 : tout cela concourt à situer précisément l'oeuvre en 1631-1632.




Allégorie sur l'agonie de Scipion Borghese, 1633. Louvre.

Stella est alors encore volontiers impressionné par l'exemple de Guido Reni mais s'il s'écarte progressivement de sa morbidezza, une délicatesse non exempte de langueur, il s'inspire volontiers de ses schémas de composition : circulation latérale au premier plan traversée de diagonales en éventail pour dynamiser l'ensemble, dont son Massacre des Innocents est sans doute l'exemple le plus célèbre; ce qui peut conduire à des visages da sotto in sù, comme ici pour Jésus. Celui-ci semble plier sous la menace brandie par les angelots affligés - le calice de son sacrifice -, mais il ne s'abandonne pas. Ainsi, notre artiste suggère au spectateur une intériorisation de l'histoire visant plus à la méditation qu'à la pleine compassion. Son ultime version ira beaucoup plus loin dans la participation au drame sans pour autant rejoindre l'inspiration du Guide, parce qu'intégrée dans un parcours initiatique et intime.

S.K., Melun, avril 2018

Dessin pour le frontispice de De imitatione christi pour l'Imprimerie Royale (1640). Albertina
Joseph et la femme de Potiphar, 1631. U.S.A., coll. part.
Un prince oriental..., dessin. OxfordAshmolean Museum
David écrivant les Psaumes
gravure par Jacopo Carlo Mallia
Dessin perdu.

Gravure In-4° pour un ouvrage liturgique (Breviarium juxta ritum sacri ordinis praædictorum édité par Maynardi à Rome en 1756, pour l'exemplaire du musée de Brno, bibliothèque de l'abbaye bénédictine de Rajhrad) .

Dans la marge : Iac. Stella Inven. (à gauche) Iac. Carol. Malliá sculp. Romæ.





Bibliographie :

* Inédit.
Le graveur n'est pas des plus connus. L'inscription qu'il porte suggère qu'il s'appelle Jacopo Carlo Malliá, inconnu des dictionnaires tels que Bénénézit ou Thieme & Becker, qui mentionnent un Giovanni Carlo, actif autour de 1760, qui aurait contribué à divers ouvrages publiés à Rome (Annone cartaginese, 1757; Relacion de las exequias que a la magestad del rey catolico d. Fernando VI, 1760; Vita del venerabil servo di Dio Alfonso Rodriguez, 1761; Picturæ Dominici Zampierii vulgo Domenichino, 1762) et à Foligno (Acta reip. litterariæ Umbrorum, 1762). Seul ce dernier et le portrait de Juan de Palafox signé et daté Ioa. Carolus Mallia del. et sculp. Romae A. 1761 intégré à un ouvrage édité à Madrid en 1766, désignent un autre prénom que Jacopo (ou Jacomo) à développer en Ioannes, soit Giovanni; les autres ne donnant que l'initiale pourraient aussi bien être de celui-ci que de Jacopo. Ce dernier est en tout cas associé à la publication d'un Breviarium juxta ritum sacri ordinis praædictorum édité par Maynardi à Rome en 1756, dans laquelle on trouve notre David, avec d'autres gravures dont une d'après Guido Reni, notamment.

Le caractère tardif de l'estampe, faite près de cent ans après la mort de l'inventeur, ne rend pas la datation facile, le goût de l'art de graver tendant au pittoresque plus qu'à la traduction scrupuleuse. Néanmoins, il est très vraisemblable que Mallia se serve d'un dessin resté à Rome - à moins qu'il ne copie une autre gravure plus ancienne qui resterait à découvrir. Plusieurs indices permettent tout de même de situer le modèle de Stella au début des années 1630.
Suzanne et les Vieillards, 1631. Coll. part. USA.
Frontispice du Sermon de Pentecôte
gravé par K. Audran, 1631
Le vieux roi peut ainsi être rapproché de l'un des vieillards sollicitant Suzanne dans la peinture sur pierre de 1631, par son visage fin encore allongé par une barbe abondante, voire Dieu le père de l'Annonciation de Pavie (1632). Les angelots rappellent notamment ceux du Sermon de Pentecôte de 1631, et la monumentalité de la mise en page s'apparente à ce que Stella recherche notamment pour le Breviarium romanum, publié en 1632. On peut donc avec quelque assurance situer l'invention en 1631-1632.

L'opulence de la barbe comme du vêtement, qui joue des textures, pourrait renvoyer aux œuvres de Guerchin. Il faut supposer que ce soit le contact avec ses oeuvres qui ait incité Stella dans ce sens alors, car le peintre italien n'est plus à Rome depuis 1623. Il sert une mise en page théâtrale que vient souligner le rideau que soulève un angelot. L'artifice permet autant de nous dévoiler la scène que de laisser entrer l'inspiration divine manifestée par le flot de lumière allant de la nuée, en haut à droite, au visage du roi biblique, écrivant ainsi sous cette dictée les Psaumes.

Stella ne s'en tient pas pour autant à cet effet spectaculaire. Il introduit une péripétie bien dans sa manière, avec deux angelots auprès de la harpe. L'un d'eux semble près de pincer une corde, au risque de briser le dialogue lumineux et, au fond, silencieux, qui sert à la composition musicale d'origine céleste. Son compère porte un doigt vers sa bouche pour l'en dissuader. L'anecdote a le charme innocent des angelots s'efforçant de défourailler l'épée de Judith du tableau Borghese (qui suit), et sert à merveille la veine familière de l'artiste, qui forme l'un des ressorts de sa création. Plus d'un siècle après son invention, elle pouvait avoir encore toute sa pertinence dans le milieu de l'édition romain.

S.K., Melun, décembre 2018

Judith dans la tente d'Holopherne, peinture.
Huile sur marbre de parangon (plutôt qu'ardoise?). 30 x 36 cm.

Rome, Galleria Borghese (261)

Historique : vraisemblablement le tableau mentionné dans les comptes Borghese (« Adi 28 luglio 1631 Devo havere io Gia.mo Stella pittore fransese d'all'Eccel.mo Sign.r Principe Borghese per doi quadri uno in pietra paragone che contiene una Giuditta, l'altre di pietra di fiorenza, che contiene la nativita di Christo Con la sua cornice... trenta cinq scudi. »); mentionné par Manilli en 1650 dans le troisième cabinet du plan noble de la villa Borghese (« Nell'altro muro il quadretto di paragone, con Giuditta orante, & Holoferne, che dorme; é maniera Fiammenga »); inventorié dans les collections Borghese, notamment en 1693 et en 1955 par Paola Della Pergola, comme d'Alessandro Turchi, dit L'Orbetto (ou Alessandro Veronese); entre-temps, vu par le peintre Pierre-Louis de La Rive vers 1784 qui mentionne une attribution à Elisabetta Sirani (Loche 1974) en rapprochant la peinture d'une autre version dans la collection Tronchin.
Bibliographie :

* Giacomo Manilli, Villa Borghese fuori di Porta Pinciana, Roma, 1650, p. 113

* René Loche, cat. expo. De Genève à l'Ermitage. Les collections de François Tronchin, Genève, 1974, p. 166-167.

* cat. expo. Lyon-Toulouse 2006, p. 97-98, cat. 43

* Thuillier 2006, p. 300

* Alvar González-Palacios, « Concerning Furniture : Roman Documents and Inventories, Parti 1, circa 1600-1720 », Furniture history, vol. 46, 2010, p. 70
Jacques Thuillier avait remis en cause cette peinture au pedigree pourtant prestigieux, et dont l'attribution à Stella est désormais soutenue, à mon sens, par sa mention dans les paiements Borghese, au 28 juillet 1631, grâce au travail d'Alvar González-Palacios. La mention de 1650 précise une iconographie rare : Judith orante tandis que le géant Holopherne, qu'elle doit tuer pour libérer les Hébreux du siège de Béthulie, dort. Sylvain Laveissière affine encore en voyant dans le geste de l'héroïne une interrogation plus qu'une prière. On en rapprochera celui que Stella donne à la Vierge de l'Annonciation de Pavie (1631), marquant sa surprise d'être ainsi honorée. Judith, ici, semble interroger une ultime fois sur sa mission la volonté divine que manifeste la lumière dorée.

Le rapprochement avec la peinture de Pavie n'est pas fortuit, car il est certainement contemporain de celle de la villa Borghese. C'est alors, comme dans les pendants sur d'autres histoires de séduction bibliques, Suzanne et les vieillards et Joseph et la femme de Potiphar (ci-dessous), pareillement de 1631, qu'il emploie les obliques pour incliner ses personnages de façon à creuser la profondeur, rompant, par exemple, avec les figures droites et en frise de la précédente version du sujet, peinte vers 1625 (ci-contre en bas).


La comparaison sert aussi à percevoir l'évolution dans les types physiques, et la densité accrue de son langage dans l'expression psychologique. Est-ce une demande du commanditaire que cette approche exceptionnelle du thème? Quoiqu'il en soit, il en fait une composition si savante, par le jeu de l'ombre et des lumières, qu'une répétition lui en sera rapidement demandée, aujourd'hui en collection particulière parisienne (et jadis chez Tronchin, ci-contre en bas) - car je la crois, en effet, postérieure.

Elle aura en commun l'introduction des angelots, piètres assistants de Judith dans leurs efforts pour sortir l'épée de son fourreau. Pour le coup, on peut soupçonner que Stella lui-même ait introduit le motif, tant il se plaît à la représentation des enfants jouant. C'est notamment leur traitement, plus « naturel », moins lissé sur les modèles classiques de Raphaël ou de Dominiquin, dans la version Borghese, qui me fait la placer avant l'autre. Ici comme là, s'ils introduisent une note d'humour neutralisant la violence du drame, ils renforcent le sentiment d'isolement de chacun des protagonistes, et par là-même l'effort d'interiorisation de Judith au moment crucial.

Il ne s'agit donc pas d'une péripétie gratuite mais bien d'un ressort propre à la création de Stella, et qui participe de sa poésie, ici reconnue par l'un des grands amateurs italiens du temps. Jacques lui rendit naturellement hommage un peu plus de deux ans plus tard, au moment de sa disparition. Enfin, c'est pareillement un apport personnel du peintre que l'importance de l'or, notamment dans le grand rideau du lit, pour lequel on sait qu'il avait mis au point un procédé permettant de l'installer sur les supports de pierre. Peinture précieuse, assurément, méditée, qui désigne un artiste en pleine possession de ses moyens au tout début des années 1630; et qui ne doit décidément rien à l'ami Poussin...

Sylvain Kerspern, juillet 2018

L'annonciation.
Huile sur lapis-lazuli.
Pavie, Museo Civico.
Sainte famille, saint Jean et l'agneau qui transporte des fruits, toile.
Huile sur ardoise. 53 x 37 cm.

Signé en bas à gauche, sur la base de la colonne : Jacob (...) Stella fecit (?) 163. (2 plutôt que 3?)

Montpellier, Musée Fabre (2001.6.1).



Historique : coll. part. Norfolk (selon le cat. expo. Lyon-Toulouse 2006, p. 106); vente Sotheby-Parke-Bernett Londres, 5 juillet 1984, n°387; vente Sotheby's Londres, 4 juillet 1990, n°70; galerie Michel Descours, Lyon (Salon des Antiquaires, Paris, 2001). Acquis en 2001 par le musée de Montpellier.



Bibliographie :

* cat. expo. Lyon-Toulouse 2006, p. 106, cat. 50

* Thuillier 2006, p. 82
Au moment de faire le point sur les ouvrages datés pour la première campagne du catalogue en ligne de Jacques Stella, la lecture de la signature et surtout de la date, que les catalogues de vente ne déchiffraient pas intégralement, ne m'a pas paru aussi évidente. En premier lieu, je ne lis pas Ja(cqu)es ou Ja...co comme les publications monographiques de 2006 mais Jacob, comme Stella signait alors volontiers. J'ai, en d'autres temps, situé assez précisément quand il abandonne notamment le q français, vers 1624, et à ce jour, je n'ai pas trouvé d'exemple postérieur apposé sur les oeuvres autographes. Est-ce fecit ou facieb., voire encore autre chose, difficile à affirmer car l'écriture se resserre, non sans surcharge. Surtout, le dernier chiffre me semble difficile à trancher : je lirais plutôt un 2. Or cette période est cruciale dans l'élaboration de son style, au moment où il envisage de quitter l'Italie, et le passage d'une année à l'autre n'a rien d'anecdotique. En tout état de cause, je ne pouvais envisager une situation formellement datée.

Il me semble toujours que ce tableau ne soit pas pleinement en résonnance avec les nombreux témoignages graphiques de 1633, plus avancés dans la densification des formes et du langage. D'autres indices nous rapprochent plus franchement, par exemple, du Breviarium romanum, publié en 1632 mais dont le dessin du Louvre et le tableau de Pavie permettent de placer la préparation au moins en partie dès 1631 : on retrouve le motif de l'angelot émergeant de la pénombre d'un élément du décor (ici un rideau, là un tronc d'arbre), un bras levé et regardant vers le bas, dans le frontispice de l'ouvrage; L'adoration des mages propose, elle, un enfant tout semblable; et plus généralement, les dispositions et le goût du drapé correspondent, en une phase intermédiaire entre tentation effusive à la Guide et résolution classique à la Dominiquin.

Cette ardoise est l'exemple le plus précoce à ce jour d'une iconographie mettant en scène l'Enfant, son cousin Jean et un agneau, auprès de Marie et Joseph. Au vrai, il est en germe dès la Sainte parenté de Lyon, que j'ai située lors du séjour florentin et dans laquelle le Baptiste chevauche l'animal mais la spécificité du thème, ici, et qui fera son succès en France tient à l'interaction des enfants avec le mouton et des attributs comme des fleurs ou des fruits. L'agneau manifeste tout à la fois la mission annonciatrice du Baptiste, lisible sur la banderolle courant autour de la croix au sol, et le sacrifice à venir de son cousin. Le motif est tout autant léonardesque qu'inspiré de Raphaël.

La Sainte famille est installée sur une terrasse donnant sur l'extérieur, profitant de la quiétude du soir - les derniers feux du soleil s'aperçoivent derrière la Vierge. Celle-ci a abandonné ses travaux de couture, Joseph, ceux de charpenterie, mais il a gardé la règle en main. Jusqu'au geste attentif de la main maternelle retenant le bras gauche du Christ qui semble vouloir s'échapper de ses bras pour rejoindre Jean et l'agneau, l'image apparaît comme un instantané de l'enfance de Jésus.
Toute la poésie et la science de Stella sont là, qui associent une méditation grave aux charmes du quotidien, rendu sensible par le recours aux éléments familiers au spectateur, au sein duquel il place le mystère chrétien. On peut encore se délecter de son attention portée aux éléments de nature morte, les fruits comme les fleurs réunies dans un vase, dans la pénombre; nouvelle occasion de jouer, avec la transparence faisant percevoir le support. Ces notes colorées parsèment une palette faite de complémentaires, violet et ocre/orangé pour le père, le rouge et le vert pour la mère, complété du bleu de la robe qui fait écho à celui des ailes de l'angelot, touche évidemment céleste, palette chromatique propre à ces années. Le tableau de Montpellier témoigne d'un moment d'équilibre classique qui ouvre les voies de ses créations françaises, comme un bilan de son bagage italien, et par-dessus tout, s'affirme tout simplement comme l'un de ses chefs-d'oeuvre.

S.K., Melun, juillet 2018

La Vierge allaitant l'Enfant, peinture.
Huile sur marbre noir. 13,5 x 10,5 cm.

Localisation actuelle inconnue.



Historique : Galerie Jacques Leegenhoek en 2007; coll. part.; Galerie Éric Coatalem en 2012; vente Artcurial, Paris, 18 novembre 2014, n°112.

Malgré un état portant trace d'accidents et des usures, ce nouvel exemple de peinture sur pierre offre, au même titre que la Sainte famille au mouton de Montpellier, un autre standard de Jacques Stella : les gravures de Bosse (pour les Heures Tristan), van Schuppen, Regnesson et Claudine Bouzonnet proposent d'autres versions de la Vierge allaitant, que celle-ci doit toutes anticiper. En effet, la typologie encore assez naturaliste de Marie et le coloris jouant des complémentaires, identique à celui de ladite Sainte famille, la situe en Italie, à la fin du séjour selon le type classique de l'Enfant.

La particularité de cette version tient au regard direct, l'expression tranquille, de la Vierge en direction du spectateur, tandis que l'Enfant, absorbé par la tétée, a fermé les yeux. Hors la chaise, aucun élément de décor, qui suppose du moins un intérieur. L'image surexposée (ci-contre en haut) laisse toutefois deviner un rideau pendant entre les angles supérieur gauche et droit, puis descendant le long du côté droit, aujourd'hui disparu. Probablement d'or, il aura été ôté par l'usure - suivant les deux sens du terme, peut-être, passage du temps et profit à tirer du minerai.

Sans cet artifice théâtral, la présentation devient immédiate, d'une franchise presque embarrassante par le regard de Marie. Il faut faire l'effort nécessaire de reconstitution de la tenture pour imaginer, plutôt qu'une intention de malaise, la surprise liée au thème du Dieu caché propre à l'enfance du Christ. Mais une heureuse surprise laissé au contemplateur de cette image de dévotion, pour qui le rideau aura été tiré. Ainsi restituée dans son dispositif, la peinture témoigne d'une tranquillité dans la foi que Stella aura fouillée tout au long de sa vie, pinceau en main.

S.K., Melun, juillet 2018

Sapientia, La sapience divine, dessin.
Plume, encre brune et noire, lavis gris, 14 x 12 cm.

Bruxelles, coll. part.

Historique : monté au XVIIIè siècle (?) (par Glomy?) avec deux autres dessins de Stella (Étude de détail pour un Achille parmi les filles de Lycomèdes et Un vieil homme à chapeau debout devant une femme assise tenant un enfant sur ses genoux).

Bibliographie :

* Inédit
Stella élabore ici une proposition finie pour une allégorie, vraisemblablement pour l'édition. Sans les deux dessins avec lesquels il a été anciennement monté, l'un de genre selon la qualification donnée par Gail S. Davidson, l'autre en rapport avec une sanguine du musée des Beaux-Arts de Quimper traditionnellement, et à juste titre, donnée à Stella, il n'est pas sûr qu'on ait songé imméditament à notre artiste pour lui. J'ai longuement hésité quant à sa situation dans son œuvre jusqu'à ce que la mise en ligne, sinon achevée du moins globale, de la part italienne propose des liens plus forts avec les ouvrages de ce temps, et particulièrement autour de 1630. La formule, une figure assise relativement massive et de face, dérive de celle adoptée pour certaines sibylles des camayeux (notamment celle d'Égypte, ci-dessous, datée de 1625).

Le style graphique, lui, témoigne d'effets plus complexes dans le drapé, délié, aux contours brisés, à rapprocher des suites sur les vies de Filippo Neri (vers 1627?) et, plus particulièrement, de Girolamo Miani (1629-1630). L'apparition de la Vierge dans cette dernière montre une opulence dans l'arrangement de son vêtement tout à fait comparable. L'abondance des motifs décoratifs, le traitement naturaliste des carnations, d'une plasticité encore marqué par Guido Reni, peut aussi susciter le rapprochement avec l'Hérodiade de Sienne (1630). Citons encore l'Assomption gravée pour le Bréviaire d'Urbain VIII de 1632 : le drapé toujours enveloppant s'y discipline au profit d'une plus grande clarté. La remarque vaut pour une autre feuille à caractère allégorique, La gloire de vertu du Louvre, de 1633, qui intègre nettement son caractère structurant dans l'économie de l'image, plus avancé que dans la Sapientia. Une datation vers 1631 est donc envisageable.

L'image est saturée d'attributs, complexifiant l'iconographie traditionnelle de la Sagesse, volontiers rapprochée de la Prudence ou de Minerve, mais ici divine. Ainsi, le miroir sans tâche, montrant le profil de la jeune femme, peut être lu comme une allusion à la Vierge Marie, suivant une interprétation fréquente au Moyen-Âge; les pierres cintrées évoquant les Tables de la Loi, le livre aux Sept sceaux, pour l'Apocalypse de Jean, et le nom de Dieu ceint de laurier ont pareillement trait à une conception chrétienne de cette vertu. Les motifs sur le torse, étoiles, lune et soleil, colombe (de l'Esprit Saint?), pourraient associer la dimension céleste dans laquelle elle évolue mais aussi, plus précisément, le moment de la Crucifixion au cours de laquelle les deux astres sont évoqués par les Évangiles. Les nuées et l'arc-en-ciel sur laquelle la jeune femme est installée l'inscrit dans les sphères supérieures suivant une conception néo-platonicienne ayant cours dans le cercle du pape Urbain VIII, probable interlocuteur de Stella. Le globe qu'elle porte dans la main gauche et sur lequel elle rayonne littéralement suggère son action sur le monde, suivant les chemins de la Divine Providence. Malgré la pesanteur du programme suggéré à l'artiste, les dispositions et la gestuelle restituent de façon efficace cette inflexion particulière donnée à l'allégorie de la Sagesse. Ce talent explique le succès que Jacques put avoir dans le domaine de l'illustration en Italie comme en France.

S.K., Melun, mars 2021

Apparition de Filippo Neri à Paolo de Bernardis. Dessin.
20,4 x 14,8 cm.
New Haven, Yale University Art Gallery (Egmont collection)
Apparition de la Vierge à Girolamo Miani. Dessin.
22 x 16,3 cm.
New Haven, Yale University Art Gallery (Egmont collection)
Hérodiade, 1630. Toile.
Siena, Museo Diocesano
J.F. Greuter (?) d'après Stella,
L'assomption. Gravure.
16 x 10 cm.
La gloire de vertu, 1633.
Dessin. 39,8 x 26,7 cm.
Louvre.
Repos de la Sainte Famille en Égypte, avec des angelots qui attrapent des lapins, peinture.
Marbre. 35 x 47 cm. Galerie Éric Coatalem.


Historique :
Présenté à la Biennale des Antiquaires, Paris, 2017
Récemment réapparue, ce tableau permet d'apprécier la haute qualité de l'artiste dans cet exercice qui a fait sa réputation, la peinture sur pierre. Saint Joseph offre une calvitie sensible, totalement absente, pour autant que je sache, de la production parisienne de Stella. L'oeuvre est caractéristique des recherches menées à la veille de son départ de Rome, marquées par l'idéalisation classique à la Dominiquin, par des personnages solidement campés et un souci de la gestuelle sobre et efficace. Il s'écarte ainsi de l'approche encore sentimentale de la version peinte sur un support semblable également redécouverte par Éric Coatalem (ci-contre), et qui semble le prototype d'une veine qu'il exploitera tout au long de sa carrière. Ainsi, la poésie de la toile du Prado (1652) est presque toute entière déjà à l'oeuvre ici.

C'est aussi alors, sans doute, qu'il est sollicité par la couronne d'Espagne, à quoi il semble avoir accédé au plus tard en février 1633. La comparaison entre les deux peintures sur marbre témoigne de la rapide transformation du style de Stella pour aboutir à une première synthèse, susceptible de lui ouvrir, en effet, d'autres horizons.

La trame iconographique (Sainte famille accompagnée d'une foule d'angelots arrêtée pour se restaurer sur fond d'épisode des soldats à leur recherche) s'est enrichie du détail des angelots se saisissant des lapins, sublimation manifeste d'un thème érotique et manifestation poétique du monde chrétien se substituant à l'antique. Surtout, l'ensemble est redistribué dans la profondeur, malgré une proposition minérale comparable au point que l'on peut se demander si les deux pierres ne viennent pas d'un même bloc. Le sujet et ses péripéties sont ainsi resserrées aussi bien concrètement que plastiquement, Stella recherchant dans les attitudes une plus forte densité. À ce titre, les modifications pour la Sainte famille donnent le la d'un ton désormais plus héroïque.

Stella n'en perd pas pour autant la tendresse de son regard sur le monde, sensible aussi bien dans la population angélique que dans le soin à représenter les animaux. On ne peut qu'admirer avec quel sentiment, sur quelques centimètres, il parvient à restituer jusqu'au quotidien des petits animaux sauvages, à quelques pas des pieds de la Vierge...

S.K., Melun, avril 2018

Saint François de Paule et le miracle des monnaies, peinture.

Toile.
40 x 29,5 cm
Localisation actuelle inconnue.



Historique : marché d'art de Metz en 1975, comme de Claude Vignon; vente Drouot, Paris, 1er juillet 1994 (Vignon); vente Drouot, Paris, 23 décembre 1994 (Vignon).



Bibliographie :

* Paola Pacht-Bassani, Claude Vignon 1592-1670, Paris, 1992 (sic, pour 1993), p. 515

* Philippe Hamon, Du roi et de ses finances. À propos d'une toile de Claude Vignon in Actes de la recherche en Sciences Sociales, 2004, n°154, p. 46-52
J'ai eu connaissance de ce tableau grâce à Paola Bassani Pacht. Il était réapparu sur le marché d'art lorrain avec une attribution au peintre tourangeau qui aura certainement compté parmi ses amis Jacques Stella. Paola l'ayant classé parmi les rejetés de « son » artiste, j'y avais vu un témoignage à mettre en rapport avec le mien, ayant en tête aussi bien La purification de la Vierge de Béziers (vers 1642) que le Christ retrouvé par ses parents dans le Temple de Lyon (1645), par exemple, principalement pour la mise en page et les choix de composition.

L'aspect gracile de certains détails ne convenant pas à situation aussi avancée dans sa vie, je ne l'envisageais que comme copie. Le travail entrepris depuis ayant considérablement éfoffé la part italienne apporte bien plus d'éléments de comparaison, et vient démontrer une fois de plus qu'il faut se garder de porter trop vite un jugement de valeur sur une oeuvre dans le champ historique : ce qui peut décevoir à Paris vers 1640-1645 convainc à Rome dix ou quinze ans plus tôt.

Pour s'en tenir aux éléments datables assez finement, les gravures ci-contre devraient emporter la conviction, autant par les dispositions que certains détails précis, typologie, expressions, drapés. Toutefois, c'est sans doute la découverte du Samson et Dalila sur cuivre qui m'a convaincu d'une telle situation : le dispositif spatial complexe, une certaine affectation des attitudes, la ciselure dans le maniement du pinceau relève bien de cette période, pour les ouvrages de dimensions modestes.

Il reste un sentiment d'écart dans la manière de camper fermement les personnages, en leur conférant une plus grande densité, qui doit faire glisser la toile quelques années plus tard, au moment de la maturation marquée par l'exemple du Dominiquin, vers 1630. Le rapprochement avec Le jugement de Salomon de Vienne, certainement plus tardif, conforte un glissement vers la fin du séjour romain, sans doute un peu en deçà de ce dernier, plus abouti et plus régulier dans cet effort.
La purification de la Vierge,
Béziers, Musée Fabregat
Christ retrouvé par ses parents de Lyon,
1645
Jérôme David d'après Stella, Adoration des mages, gravure (vers 1626-1627?).
BnF
Karl Audran d'après Stella, frontispice du sermon de Pentecôte de 1630, gravure. BnF Anonyme d'après Stella, Adoration des mages, gravure, 1632.
BnF
Samson et Dalila, cuivre. Boston, C.P.
Anonyme d'après Stella,
Adoration des mages,
gravure, 1632. BnF







Jacques Stella
Le jugement de Salomon
Toile.
Vienne, Kunsthisorisches Museum

Le sujet n'a guère été traité en peinture. Il est l'une des manifestations de l'esprit de charité de François de Paule qui lui valut son emblème. L'épisode se situe en Sicile, où il s'est installé. La lourdeur de l'impôt du roi de Naples Ferrante (ou Ferdinand 1er) affame ses sujets. Le saint se présente à lui et saisissant une monnaie du tribut, la brise pour en faire jaillir du sang, symbole de celui du peuple. Il se peut que les résonnances politiques éventuelles aient limité sa figuration dans l'art. On peut toutefois se demander si, pour Stella, sa toile ne figurerait pas parmi les liens tissés à la fin du séjour romain avec l'Espagne, dont Ferdinand avait été roi. Impossible, par ailleurs, de ne pas mentionner le fait que Simon Vouet (gravé par Claude Mellan) et Charles Mellin (Rome, Trinité des Monts), vers le même temps, ont abordé l'iconographie du fondateur des Minimes.

Le format est celui d'une pala, probable bozzetto pour un retable qui reste à identifier. Stella traite l'histoire avec une grande sobriété, limitant la surprise, devant le miracle, aux mains levées du roi et d'un personnage dans la pénombre, à gauche, en partie caché par l'homme penché venu apporter une lourde contribution à l'impôt. De fait, il élabore ici les solutions qu'il va développer en France dans ses principaux retables, disposant une rhétorique mesurée, commentée par des spectateurs souvent en repoussoir pour relayer notre regard, exprimant l'histoire sur fond d'architecture monumentale. Si l'exemple du Dominiquin est évident, le refus plus net encore de tout exacerbation du sentiment est le signe d'une inspiration propre, qui marque aussi un écart d'avec Poussin.

S.K., Melun, juillet 2018

Neptune et Cybèle (?), dessin pour une thèse gravé par J.F. Greuter.

Neptune débarque sur un rivage accompagné de tritons, accueilli par une femme (Cybèle? une ville?) devant un rocher, tenant une pierre dans sa main droite et, accroché à un fil, le trident du dieu, qu'elle semble lui remettre. Des amours aux pieds de la jeune femme jouent avec les maillons d'une chaine, allusion au motto « Arcana nodis » porté sur une banderolle. Au loin, des navires chahutés, et dans le ciel à droite, la Grande Ourse, à gauche, la Lune suggérant un évènement nocturne.

Dessin perdu.
Gravure par Johan Friedrich Greuter (1590/3-1662) sans nom d'inventeur, signée en bas à gauche JFed Greuter incid.. 20 x 29,5 cm
Exemplaires : BnF, Estampes, Recueil Marolles vol. 93 (les Greuter), p. 91; Venise, Biblioteca dell'Accademia delle Belle Arti.

Inédit
Éléments bibliographiques sur Arcanis nodis :
Panfilo Landi, Impresa dell'Accademia Parteni di Roma, Roma, 1594..
Cesare Crispolli, Perugia Augusta, Perugia, 1648, p. 161
Louise Rice, « Pietro da Cortona and the Roman Baroque Thesis Prints », Pietro da Cortona. Atti del convegno internazionale Roma-Firenze. 12-15 novembre 1997 , 1998, notamment p. 192-194.
Louise Rice, « Pomis sua nomina servant : The Emblematic Thesis Prints of the Roman Seminary », Journal of the Warburg and Courtauld Institute, vol. 70, 2007, p. 207.
La gravure, sans nom d'inventeur, figurait parmi la documentation en diapositives que Jacques Thuillier avait commencé à constituer au Collège de France dans le but d'y consacrer un cours à Stella, et que j'avais pu consulter il y a plus de trente ans. J'en avais perdu la trace, retrouvée en ligne dans la collection Marolles de la BnF; un autre exemplaire se trouve dans la Biblioteca dell'Accademia delle Belle Arti de Venise.

L'estampe semble plus rare que les autres cas connus d'illustrations pour des soutenances d'actes de logique au sein de l'Accademia Partenia, collège romain des Jésuites, pour lesquelles des artistes aussi importants que Lanfranco ou Pierre de Cortone ont fourni des inventions. Louise Rice (1998 et 2007) a promis un article à leur sujet, que j'attend avec une certaine impatience, notamment parce que les informations qu'elle pourrait apporter, par exemple l'identification du blason, sont de nature à influer sur la datation.

On ne peut tenir compte de l'absence de cette gravure dans la monographie du professeur de 2006, dont on sait qu'il ne put la mener dans les meilleures conditions. L'attribution ne saurait de toute façon faire aucun doute, comme le montre la confrontation ci-contre avec les deux gravures du même Greuter, de 1632, qui présentent l'une un Christ athlétique montrant le canon héroïque que Stella met alors en place et dont il se sert pour Neptune, l'autre des amours tout à fait comparables. Elles incitent à une datation voisine.

Toutefois, il faut aussi remarquer les rapprochements possibles de la déesse et des angelots de l'Apparition de la Vierge à Girolamo Miani, et une parenté de style avec cette suite, notamment, par le drapé et une certaine dynamique dans les dispositions. On ne peut donc exclure encore de faire remonter un peu sa situation - mais pas plus haut, sans doute, que 1630.

Je ne me risquerai pas à de grands développements sur l'iconographie. Il me semble simplement nécessaire d'apporter quelques précisions sur le contexte éducatif aidé notamment par Cesare Crispolli (Perugia Augusta, Perugia, 1648, p. 161). Arcana nodis recouvre les liens secrets qui unissent les chrétiens entre eux et avec Dieu, et particulièrement les étudiants, par l'entremise de la Vierge, agissant comme un aimant, sans doute matérialisé dans la pierre que la jeune femme tient dans sa main droite. C'est encore vraisemblablement ce qui motive la figuration de la Grande Ourse, outil d'orientation pour l'hémisphère nord au même titre que la boussole aimantée, justifiant aussi les navires. On retrouve l'animal céleste dans une autre gravure du même Greuter, sans nom d'inventeur - qui n'est pas Stella -, pour des circonstances semblables, puisque marquée de la devise.

Partant, peut-on identifier Cybèle (s'il s'agit bien d'elle) avec Marie? Neptune est son fils, et la transposition chrétienne y verrait le Christ. Est-ce audace qu'assimiler le trident à un instrument de supplice mis sur le même plan que la pierre magnétique, figurant la force d'amour? Ce serait peut-être délivrer un lecture un peu trop liée à la pratique des énigmes par les Jésuites (connue par exemple pour un Le Brun à Paris). Le magnétisme est une force invisible, au même titre que l'amour, et une preuve qu'il existe des phénomènes invisibles telle la puissance divine. On imaginerait volontiers que Stella saisisse le moment au cours duquel Cybèle, usant de cette force et ayant retrouvé l'attribut de Neptune, le lui restitue, démonstration mythologique d'une vérité chrétienne.

Le père Menestrier, dans son Art des emblèmes (1662), livre une clef plus vague mais sans doute d'une source plus sûre :
« Les desseins des planches des Thèses ne sont pas différents de ceux des Livres, réservé qu'on les peut prendre sur le nom, ou sur l'Académie où elles doivent être soutenues. Comme on fait ordinairement au collège romain, dont la devise est un aimant, qui attire des anneaux de fer, avec ce mot Arcanis nodis. Car on y a pris souvent à l'occasion de cette devise de beaux sujets d'emblèmes de thèses; comme un Jupiter, qui tient en main un aimant, qui attire par des anneaux tous les dieux, et les instruments qui leur servent de symboles, l'épée de Mars, la faux de Mercure, le trident de Neptune, la faucille de Cérès, etc. »
Quoiqu'il en soit, l'image s'inscrit dans le langage mystérieux recherché par les Jésuites, que Stella transcrit avec ses propres intérêts. Ainsi, il pourrait avoir répondu à Cortone et plus encore à Lanfranco, deux des principaux peintres actifs à Rome alors dans le grand décor, par un style mesuré, ferme, et une ribambelle d'enfants ou, pour mieux dire, d'amours, suscitant une identification bienveillante, sinon amusée. C'est bien en peintre, compositeur du vraisemblable, qu'il appelle à pénétrer le sens caché, posé comme préalable par l'enseignement jésuite.

S.K., Melun, juillet 2018

Greuter d'après Stella,
La résurrection,
Bréviaire d'Urbain VIII,
1632
Greuter d'après Stella,
frontispice de
Effata Peripati Christiani Pallavicini,
1632
Deux épisodes de la
Vie de Girolamo Miani,
Yale University
1629
Johann Friedrich Greuter d'après Giovanni Lanfranco,
Hercules Lapis, Rome, Biblioteca Casanatense
Retouche, novembre 2021.
Louise Rice m'a fort aimablament communiqué le résultat de ses recherches (« ARCANIS NODIS : The Emblematic Thesis Prints of the Roman College », Memoirs of the American Academy in Rome, 2020, vol. 65, p. 372-480). La gravure de Greuter en forme le point de départ et je rends hommage, une fois de plus, à sa grande capacité dans le déchiffrement de l'iconographie. Je me permets de traduire ici ses propos.
« Cybele ne passe pas le trident à Neptune. Elle démontre plutôt ses nouvelles propriétés, pour avoir magnétisé ses griffes de fer en les frottant à un morceau d'aimant qu'elle tient dans sa main droite. Elle soulève le trident par un ruban non sans délicatesse mais de façon que cela puisse se balancer librement, et suivre sa toute nouvelle inclinaison pour pointer le nord. Elle a, en d'autres termes, changé le trident de Neptune en une boussole. C'est le don de la terre à la mer, pour que les marins risquant l'échouement une sombre et tempétueuse nuit puissent éviter les rochers et être sauvés. Et de même que Cybele instruit Neptune dans les arts magnétiques, ainsi les enfants de sa suite repètent-ils la leçon aux tritonini attroupés autour du char de Neptune. (...)
Si Cybele a bien fait son travail, le trident de Neptune doit pointer le nord. Assurément, si nous suivons la direction qu'il pointe, cela conduit l'œil derrière Neptune vers une constellation distante dans un coin du ciel. C'est Ursa Minor, la Petite Ourse. »
Ceci pour la description qui explique (plus en détail encore que l'extrait ci-dessus) chacun des points de l'image. Louise Rice en développe ensuite le sens métaphorique. Elle fait le lien avec l'amour, l'amant ou l'amante (en français si proche de l'aimant) et surtout avec l'un des symboles communs de la Vierge Marie, Stella Maris. L'emblème associe ainsi clairement le pouvoir magnétique occulte et la dévotion mariale de l'académie.
Je ne partage pas, bien sûr, son attribution en faveur de Pomarancio, qui plus est vers 1625. Je peux la comprendre car il est évident que Stella a gravité dans le cercle du peintre italien mais le style de cette image se distingue du langage de celui-ci, encore maniériste, au ton quelque peu affecté, par sa franchise et son autorité. La confrontation ci-contre avec une gravure du même Greuter qui désigne Antonio Pomarancio comme l'inventeur, dans le même contexte et que Louise Rice date vers 1627 et après notre Cybele et Neptune, en témoigne, soulignant l'héroïsation par Stella d'une première formation encore teintée de maniérisme. De ce point de vue, je trouve décidément que Neptune, ici, montre plus d'affinités avec le Christ ressuscitant du Breviarium d'Urbain VIII qu'avec le Mars d'après Pomarancio, par exemple; de même la représentation des enfants, et le souci d'une interaction mesurée, différenciée, réthorique désigne-t-il plus franchement Stella. L'identification des armes de l'étudiant, peut-être décisive, reste à faire....

S.K., Melun, novembre 2021

Johann Friedrich Greuter
d'après Antonio Pomarancio,
Vénus et Mars présidant à la fabrication des armes d'amour et de guerre par des amours et des petits cyclopes, désarmés par le pouvoir magnétique de la statue de Pallas
ou Le pouvoir de la Raison l'emportant sur les Passions,
vers 1627.
Gravure. 28, 4 x 37,7 cm.
San Francisco Fine arts Museum
Catalogue Jacques Stella : Ensemble ; Succès romains, 1622-1632, mosaïque - Table Stella - Table générale
Vous souhaitez être informé des nouveautés du site? C’est gratuit! Abonnez-vous!
Vous ne souhaitez plus recevoir de nouvelles du site? Non, ce n’est pas payant... Désabonnez-vous...
.

Site hébergé par Ouvaton - ISSN 2495-4136