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Sylvain Kerspern - dhistoire-et-dart.com

Jacques Stella - Catalogue
France, oeuvres datées de 1642-43


Tables du catalogue : À Paris au temps de Louis XIII - Ensemble

Table Stella - Table générale
Mise en ligne le 11 août 2016 - retouche, mai 2022
Au temps de Louis XIII, et du séjour de Nicolas Poussin. Oeuvres datées de 1642-1643.
Le détail des références bibliographiques abrégées, en l’absence de lien vers l’ouvrage consultable en ligne, peut se trouver en cliquant sur Bibliographie.

Frontispice pour Parva christiana... (Heures Louis XIII) In-16, 1642. Frontispice pour Poemata de Maffeo Barberini, 1642. Frontispice pour L'instruction du chrestien, 1642. Dessin (Rome) Frontispice pour Discursus praedicabiles super litanias de Justin Miechow, 1642. Illustration de thèse Le Vayer, 1643. Christ mort, peinture, 1643. Frontispice pour Exercitia spiritualia... In-folio, 1643. Frontispice pour Conciliorum omnium... In-folio, 1643-1644.
Frontispice pour Parva Christianae pietatis officia
au format in-16, 1642,
publié par l'Imprimerie royale


Un concert d'angelots célébrant l'Esprit-Saint sur des nuées au-dessus de la stèle portant le titre

Dessin perdu.

Gravure par Abraham Bosse :
- État portant lettre sur la stèle : PARVA/ CHRISTIANAE PIETATIS/ OFFICIA/ Per Christianissimum Regem/ LUDOVICUM XIII/ Ordinata, et au bas Parisiis e Typographia Regia 1642 au-dessus des armes de France (Paris, Bibliothèque Mazarine; Bnf; Vienne, B.N,...). 8,7 x 5,5 cm.

Bibliographie :

Auguste Bernard, Histoire de l'Imprimerie Royale du Louvre, Paris, 1867;

Roger-Armand Weigert, Bibliothèque Nationale. Cabinet des Estampes. Inventaire du fonds français. XVIIè siècle., t. I,1939, p. 484, n°85;

Jacques Thuillier, « Richelieu et les arts : l'Imprimerie royale », Richelieu et la culture, actes du colloque international de la Sorbonne, 19-20 novembre 1985 (R. Mousnier dir.), Paris, 1987, p. 163-174;

José Lothe in cat. expo. Abraham Bosse, savant graveur, BnF-Tours, 2004, p. 45;

Isabelle de Conihout in Cat. expo. Lyon-Toulouse, 2006 (Sylvain Laveissière dir.), p. 37, 40.
Augustin Bernard signale une version de l'ouvrage de 1640, sans mentionner explicitement si cela correspond à ce frontispice, ce que je n'ai pas pu encore vérifier.

On n'attendra pas un chef-d'oeuvre d'un si petit format, soumis à une collaboration encore peu éprouvée entre Stella et Abraham Bosse. Ce dernier figure parmi les graveurs qui bénéficient de l'élargissement rendu nécessaire par les ambitions de Richelieu et Sublet de Noyers pour l'Imprimerie Royale.

Dans ce contexte, Jacques fait appel - s'en étonnera-t-on? - aux angelots, qu'il fait apparaître sur un fond d'architecture portant une plaque gravée du titre, à l'antique. Les angelots forment un concert en l'honneur de l'Esprit-Saint, évocation toute spirituelle de l'office de la messe. Cette combinaison se révèle simple et efficace pour un bréviaire royal pétri des intentions classicisantes de Sublet, expression de l'humanisme dans son incarnation française telle que Richelieu pouvait l'accepter.

S.K., Melun, juin 2016

Frontispice pour
Poemata de Maffeo Barberini
devenu Urbain VIII,
1642,
publié par l'Imprimerie royale


La Poésie sacrée, (tenant lyre et croix) et la Poésie héroïque (ailée, trompette dans une main, l'autre posée sur un globe) représentées sous la figure de deux femmes aux côtés d'un autel, sur lequel sont placées les armes du pape Urbain VIII, couronnées par deux génies; frontispice du recueil des poésies de ce souverain pontife, gravé au burin par Pierre Daret sur le dessin de Jac. Stella (Mariette).

Dessin retrouvé (voir la retouche ci-dessous).

Gravure par Pierre Daret In-folio. 29,5 x 11 cm. :
- État avec écritures, sur le piedestal : MAPHAE/ S.R.E./ CARD. BARBERINI/ NUNC/ URBANI PAPAE VIII/ POEMATA, et sur la base PARISIIS/ E TYPOGRAPHIA REGIA/ANNO MDCXLII (Naples, Paris, Bibliothéque Mazarine; Bnf...). - Réemploi pour Philomathi Musae Juveniles publié en 1655 (exemplaires : Metropolitan Museum,...).

Bibliographie :

Auguste Bernard, Histoire de l'Imprimerie Royale du Louvre, Paris, 1867;
Jacques Thuillier, « Richelieu et les arts : l'Imprimerie royale », Richelieu et la culture, actes du colloque international de la Sorbonne, 19-20 novembre 1985 (R. Mousnier dir.), Paris, 1987, p. 163-174;

Isabelle de Conihout in Cat. expo. Lyon-Toulouse, 2006 (Sylvain Laveissière dir.), p. 37, 40;
Jacques Thuillier 2006, p. 219.
La gravure ne porte pas les noms des auteurs, en sorte que Jacques Thuillier, en 1987, n'osait pas se prononcer sur leurs identités. En 2006, citant Mariette, qui nous les livre, il rend à Pierre Daret (v. 1604-1675) et Jacques Stella cette responsabilité; mais l'exemplaire du réemploi de 1656 du Metropolitan Museum, par exemple, y est entré sous le nom de Mellan. L'attribution ne doit pas faire de doute. Les formes pleines, sages, les types féminins, notamment celui de la Poésie héroïque, sont cohérents avec ceux de notre artiste, de même que ceux des angelots, et le traitement de leur anatomie. Le drapé complexe, sculptural, est bien dans sa manière.
Claude Mellan d'après Poussin,
frontispice pour les oeuvres de Virgile,
gravure, 1641. 35,2 x 21,5 cm.
Harvard Art Museums/Fogg Museum, Gift of William Gray from the collection of Francis Calley Gray
Karl Audran d'après Stella,
frontispice pour le sermon de Pentecôte de 1631,
gravure.
Est-ce l'émulation avec l'ami Nicolas Poussin et son Virgile, traité en haut-relief pour l'Imprimerie Royale? Ou bien le souci d'inscrire la poésie du pape humaniste dans une perspective antiquisante? La seconde hypothèse doit avoir notre préférence car Stella revient à la formule mise au point pour le sermon de Pentecôte de 1631 en la chapelle papale, au Vatican, avec deux allégories féminines de part et d'autre d'un bloc cylindrique sculpté, suggérant un autel, au-dessus desquels volent des anges. Il lui confère une grandeur intemporelle par allusion aux bas-reliefs antiques, ne faisant par le fait que pousser plus loin ses propres recherches sur un tel modèle.

Jacques s'amuse à transformer la tiare papale pour en faire la ruche alvéolée élaborée par les abeilles, qui forment l'emblème des Barberini sur la caisse qui la porte. Le chapeau, incarnant la dignité ecclésiastique, couronne au sens propre comme au figuré l'oeuvre poétique de Maffeo Barberini, faisant de son accession au trône de saint Pierre une des conséquences de sa culture. L'action des abeilles semble pétrifiée pour la postérité, destin ainsi promis aux écrits d'un pape humaniste.

S.K., Melun, juin 2016

Frontispice pour
Poemata de Maffeo Barberini
devenu Urbain VIII,
1642,
publié par l'Imprimerie royale


La Poésie sacrée, (tenant lyre et croix) et la Poésie héroïque (ailée, trompette dans une main, l'autre posée sur un globe) représentées sous la figure de deux femmes aux côtés d'un autel, sur lequel sont placées les armes du pape Urbain VIII, couronnées par deux génies; frontispice du recueil des poésies de ce souverain pontife, gravé au burin par Pierre Daret sur le dessin de Jac. Stella (Mariette).

Dessin retrouvé. Lavis.
BnF, collection de Marolles, Reserve Kb-123-Fol
Bibliographie : inédit.
Je dois à la bienveillance de Vanessa Selbach la connaissance de ce dessin, qui figure dans l'album factice de la collection Marolles consacré aux frontispices, et dans lequel se trouve un autre dessin, généralement donné à Stella mais que je crois de son graveur, Abraham Bosse pour les Comédies de Térence. Les variantes de notre feuille ne tiennent principalement, en dehors de l'inversion préparant la gravure, qu'aux traits des deux femmes, notamment le profil plus rond de la Poésie héroïque (à senestre). Pourtant, parce qu'il est plus proche que la gravure de ce qui se voit, par exemple, dans le tableau pour le Noviciat des Jésuites, pour l'enfant Jésus ou la Vierge, on peut, cette fois, suivre Mariette sur l'attribution à Stella du dessin, très soigné dans la pose du lavis et sans doute immédiatement préparatoire à sa traduction par Pierre Daret.

S.K., Melun, mai 2022



L'enfant Jésus retrouvé par ses parents dans le Temple, 1641-1642.
Toile, détail.
Les Andelys, collégiale Notre-Dame

Frontispice pour
L'instruction du chrestien
du Cardinal de Richelieu, 1642,
publié par l'Imprimerie royale

La Religion, foulant au pied un démon, est assise sous un dais que soutiennent des colonnes salomoniques, proche des attributs de la papauté, tiare, Bible et clés, et inspirée par la colombe de l'Esprit-Saint; elle maintient l'étendard pascal contre elle; d'une main, elle montre le calice tenu par deux angelots et de l'autre présente un livre portant le titre à un génie ailé, flamme au front et la main sur le coeur, agenouillé devant elle, incarnant la Foi.

Dessin : Crayon noir, plume, lavis et encre noire (?). Signé et daté au dos : J. Stella f. 1642 (dernier chiffre transformé en 6). Rome, Istituto Nazionale di Archeologia et Storia dell'Arte.

Gravure par Gilles Rousselet (1610-1686) In-folio. 29,5 x 11 cm.
- État avec écritures, sur le livre : INSTRU/CTION/ DU/ CHRESTIEN, et sur la base A PARIS DE L'IMPRIMERIE ROYALE DU LOUVRE MDCXLII (Gand, Université; Paris, Bibliothèque Mazarine; Bnf...).

Bibliographie :
Auguste Bernard, Histoire de l'Imprimerie Royale du Louvre, Paris, 1867 - Jacques Thuillier, «Poussin et ses premiers compagnons français à Rome» in Colloque Nicolas Poussin. Actes publiés sous la direction d’André Chastel, 1960, t. 1, p. 96-116 - Jacques Thuillier, « Richelieu et les arts : l'Imprimerie royale », Richelieu et la culture, actes du colloque international de la Sorbonne, 19-20 novembre 1985 (R. Mousnier dir.), Paris, 1987, p. 163-174 - Hilliard T. Goldfarb, in cat. expo. Richelieu, l'art et le pouvoir, Cologne-Montréal, 2002, p. 153-155 - Véronique Meyer, Gilles Rousselet, Paris, 2004, n° 364; - Isabelle de Conihout in Cat. expo. Lyon-Toulouse, 2006 (Sylvain Laveissière dir.), p. 37, 40 - Jacques Thuillier 2006, p. 219.
C'est Jacques Thuillier (1960) qui a identifié le dessin de Rome, et rectifié la lecture de la signature au dos, falsifiée pour la faire passer pour un Poussin. Le 2 final de la date a, selon toute vraisemblance, été transformé en 6 : le style puissant, sculptural et rond du drapé, comparé aux précédents frontispices, traduit l'effort de densification sensible dans le tableau pour le Noviciat des Jésuites, aujourd'hui aux Andelys (ci-dessous). L'estampe constitue l'entrée en lice du graveur Gilles Rousselet parmi les artistes de l'Imprimerie Royale. Il avait déjà travaillé d'après Stella, ne serait-ce que pour la traduction de la Sainte famille au berceau et au lys que le dédicataire permet de situer entre 1639 et 1641.
Christ retrouvé..., Les Andelys, N.D. Gilles Rousselet d'après Stella,
gravure.
L'assimilation de la personne assise avec Marie, proposée par Hilliard T. Goldfarb (2004) est peu probable : elle porte un étole qui désigne sa vocation sacerdotale. On distingue dans le décor du trône de la Religion deux scènes de la vie de Moïse : Dieu lui remettant les tables de la Loi et le Serpent d'airain. On ne s'en étonnera pas, puisque Richelieu en avait fait l'une de ses figures tutélaires; pas plus des sujets : le Serpent d'airain est traditionnellement perçu comme annonciateur de la crucifixion, et le Christ est venu, selon ses propres termes, accomplir la Loi mosaïque. Il y a évidemment contamination par analogie avec l'épisode principal, dans lequel la Religion délivre l'écrit du Cardinal, nouveau Moïse, homme de foi, ministre et législateur, dont les armes sont gravées dans la pierre.

Stella opte cette fois pour la monumentalité et la solennité. Les remarques faites par Hilliard T. Goldfarb sur les colonnes torses, rappelant le dais du Bernin, sont cette fois plus pertinentes, associant temps de la Loi et temps de la Grâce jusqu'à l'époque contemporaine, du Temple de Salomon au Vatican. Le motif s'inscrit dans les intentions du programme éditorial qui associe Urbain VIII, pour ses Poemata et Richelieu comme seuls auteurs vivants passant ainsi à la postérité.

S.K., Melun, juin 2016

Frontispice pour
Discursus praedicabiles super litanias
de Justin Miechow, 1642,
publié par Sebastien Cramoisy


La Conception (selon Le Blanc). La Vierge sur un monticule, mains jointes, entourée de nuées et de trois anges au bas; deux autres volent au-dessus, encadrant un soleil inscrit IESUS/MARIA entouré de chérubins, et tiennent des phylactères avec ces mots : VIRGO IN VTERO HABENS (à gauche) ET VERBUM CARO FACTVM EST (à droite).

Dessin perdu.

Gravure par Karl Audran (1594/6-1674). In-folio. 33,5 x 21,5 cm :
- État décrit : Lyon, Bibliothèque Municipale, SJ A 002/1 ; Munich, Bayerisches Staatsbibliothek; Bnf (Ed 26, fol. p. 76).

Bibliographie : Charles Le Blanc, Manuel de l'amateur d'Estampes, Paris, 1844, I, p. 80, n°11 - Roger-Armand Weigert, Bibliothèque Nationale. Cabinet des Estampes. Inventaire du fonds français. XVIIè siècle., t. I,1939, p. 210, n°312 - Isabelle de Conihout in Cat. expo. Lyon-Toulouse, 2006 (Sylvain Laveissière dir.), p. 41.
Comme Isabelle de Conihout (2006), je ne connais cette gravure que par l'édition de l'ouvrage de Miechow de 1660, à Lyon, n'ayant pu consulter celle de 1642 chez Sébastien Cramoisy (exemplaire non consultable à la BnF) , ni même trouver la description d'un exemplaire mentionnant l'image. Néanmoins, tout porte à croire que la collaboration entre Stella et Audran ne soit pas si tardive et qu'elle préparait la première édition, à Paris, de ce livre. Le style me paraît correspondre, de fait, aux recherches du début des années 1640.

Karl Audran (1594/6-1674), qui pourrait en fait être né la même année que Stella, semble avoir tissé des liens particuliers avec lui : il grave ce qui semble la seule estampe indépendante d'après notre artiste lors de son séjour romain, prend part au Bréviaire d'Urbain VIII et à certains de ses frontispices de sermon. Tous deux rentrent à Lyon en 1635, apparemment, Audran comptant sans doute collaborer avec son frère Claude. Cependant, c'est à Paris qu'on le retrouve dès 1637 (il grave d'après Vouet un Saint François de Paule), et j'incline à penser que c'est Stella qui l'aurait convaincu de rejoindre la capitale, sa ville natale.

Justin de Miechow (1590-1649) est un dominicain polonais ayant beaucoup voyagé, étudiant à Bologne, devenant bachelier en théologie de l'université de Toulouse en 1628, prieur de Gdansk (Dantzig) en 1634 et recteur du collège théologique de Cracovie en 1637. Cet ouvrage, qui traite principalement de mariologie, lui valut un certaine renommée. Son activité de prédicateur le conduit à Vienne et à Paris, et c'est sans doute à cette occasion qu'il a l'opportunité de rencontrer Sébastien Cramoisy. Les autorisations couraient depuis 1634-1635, suggérant qu'il peinait à trouver un éditeur.

Les inscriptions font références à la maternité virginale de Marie. Stella le traduit par un drapé qui souligne un ventre proéminent et un sein nourricier à peine voilé par la robe. Si l'image évoque la conception du Christ, il ne s'agit donc pas d'une simple Immaculée Conception, telle qu'elle avait été représentée, par exemple, par notre homme et déjà traduit par Audran au lendemain du séjour romain, montrant la Vierge dans le ciel, sur un croissant de lune, terrassant éventuellement le démon. Marie est d'ailleurs installée sur un monticule, et Stella articule une double adoration angélique : terrienne, tournée vers elle, et céleste, l'associant à son fils. L'attitude de la jeune femme, mains jointes, regard baissé, témoigne de sa foi et de son humilité, source de l'acceptation de son destin et de celui de Jésus.

Stylistiquement, la comparaison avec l'image antérieure dit assez le chemin parcouru, d'autant que celle pour l'ouvrage de Miechow prend place à un tournant particulier de l'oeuvre de Stella, accentuant monumentalité et suggestion sculpturale, solennité et mesure. Il renouvelle ainsi, en mêlant merveilleux et effets de réalisme, le thème de la mandorle, traduisant la gloire de Marie.
Karl Audran d'après Stella,
Dieu bénissant la Sainte famille, sainte Anne, saint Joachim et saint Jean l'évangéliste,
gravure.
Rome, Istituto Nazionale di Grafica (FC117872)
Karl Audran d'après Stella,
La Vierge reine du ciel, tenant l'Enfant Jésus, gravure.
BnF, Est. Da 20

S.K., Melun, juin 2016

Illustration pour la thèse de Michel Le Vayer,
dédiée à François Sublet de Noyers
1643

Haut : Dieu approuvant le choix qu'a fait le roi Louis XIII de François Sublet de Noyers pour l'un de ses ministres, dont la Sagesse, qui cause l'admiration des anges, paraît à l'entrée du temple magnifique qui lui est consacré. (Mariette)

Dessin perdu.

Gravure par Gilles Rousselet. Haut : 45 x 59,5 cm. Bas : 43 x 59,5 cm.

- Au bas de l'image principale : J. Stella Invenit Ægid. Rousselet Sculpsit. (Bnf). cm.

Bibliographie :

- Sylvain Kerspern, «Jacques Stella ou l’amitié funeste», Gazette des Beaux-Arts, octobre 1994, p. 129.
- Véronique Meyer, Gilles Rousselet, Paris, 2004, p. 237-239;
- Thuillier 2006, p. 125
- Véronique Meyer, « La place de l'héraldique (et de la numismatique) dans les illustrations de thèse en France au XVIIè siècle » in Yvan Loskoutoff, Héraldique et numismatique : Moyen Âge - Temps modernes, II, Rouen, 2014, p. 51
La soutenance en Sorbonne le 8 mai 1643, compte tenu des indications fournies par la thèse de Quatr'Hommes un an plus tôt, suggère de situer le dessin de Stella au début de 1643. Michel Le Vayer (1620-1691), parent de François La Mothe le Vayer (1588-1672), deviendra chanoine et grand doyen du Mans, mais prendra aussi une charge d'aumônier de la reine-mère, Anne d'Autriche, qui le place à la cour.

La sagesse est toute d'intériorité, et l'un des anges nous la dévoile en tirant un rideau, tandis que l'autre l'interpelle en citant l'Ecclesiastique (ou le Siracide, 31, v.9) : Quis est hic, laudabimus eum? (Qui est-il, que nous le félicitions?). De part et d'autre, sur les entablements des baies latérales, est représentée sa contribution aux sanctuaires - avec la façade du Noviciat des Jésuites (1. Perfecit ædificium Domus Domini) -, aux édifice royaux (2. Et ædificium Regis et 3. ædificavit quoque Domum faltus Libani 3. Reg. 9 et 7) - avec une vue du Pavillon de l'Horloge du Louvre et une possible allusion à la Grande galerie via un renvoi à Salomon. Il se peut aussi que la citation du Livre des rois, à propos de la Maison de la forêt du Liban compare la Jérusalem de David transformée par son fils grâce aux cèdres du Liban, à Paris, et à la contribution de Sublet à l'urbanisme (voyez L'histoire universelle publiée en 1742 à Amsterdam et Leipzig, par exemple; t 3, p. 63), ou plus généralement aux Arts.

La partie basse, outre des termes aux effigies de Minerve et de Mercure, protecteur des sciences et des arts, déploie un chapelet d'allégories qu'explique pour tout ou partie le recours à Ripa, complétant les propositions de Véronique Meyer (2004).

De gauche, en haut, à droite : l'Acte vertueux, la Fidélité, la Mémoire des bienfaits reçus, la Doctrine, un homme contemplant une étoile enchaînée (comme un attachement, confiant, à sa bonne étoile?), l'Invention, l'Assiduité, l'Âge d'or (?), les Arts (Stella focalise sur la peinture), l'Oeuvre parfaite, la Prudence (?) et l'Amour de la Patrie. Toutes ces facultés renvoient à l'action du ministre auprès de son roi. Si Ripa en souffle l'iconographie, Stella les transcrit en action, dans son style classicisant, évoquant le bas-relief ou le camayeu.

J'ai fait reproduire l'image principale en 1994 pour servir de point d'ancrage chronologique et mieux comprendre l'évolution de Stella. Elle témoigne, en effet, du moment qui le voit introduire dans son art une tension très intérieure, laissant toutes les forces en action comme suspendues, une certaine gravité prenant le pas sur les sentiments aimables. La confrontation avec Poussin peut l'y avoir incité.

S.K., Melun, juillet 2016

L'acte vertueux
« ... La principale de toutes les actions humaines est celle qui se fait par les armes et par l'étude des bonnes lettres. » (Ripa, éd. fr. 1636, I, p. 7)
L'amour de la patrie
(Ripa, éd. fr. 1636, I, p. 12, 16; II, p. 96, 99)
La fidélité
(Ripa, éd. fr. 1636, I, p. 73-74)
La prudence
(Ripa, éd. fr. 1636, I, p. 160, 164; II, p. 139)
La mémoire des bienfaits reçus
« ...Plus une personne est noble, plus elle conserve chèrement le souvenir des bienfaits qu'elle a reçus. » (Ripa, éd. fr. 1636, I, p. 113)
L'oeuvre parfaite
(Ripa, éd. fr. 1636, I, p. 129, 131)
La doctrine
(Ripa, éd. fr. 1636, I, p. 47, 52)
La peinture
(Ripa, éd. fr. 1636, II, p. 182)

(Encore une étoile par Stella, mais celle-ci est encore pour moi aussi mystérieuse que celle de Tintin...)
L'invention
« ...L'invention se voit représentée à Florence dans le cabinet du grand Duc Ferdinand.... » (Ripa, éd. fr. 1636, I, p. 91, 96)
L'assiduité
(Ripa, éd. fr. 1636, I, p. 22, 23)
L'âge d'or
(Ripa, éd. fr. 1636, II, p. 40, 43)
Le Christ mort,
1643

Huile sur cuivre. 17,5 x 11,8 cm.

Signé en bas à droite, sur la pierre : STELLA 1643/ FACIE(BAT) (ou FECIT?). Coll. part.



Historique :
Gravé en sens inverse par Claudine Bouzonnet Stella (Weigert 1951, p.83, n°28). Galerie Joseph Hahn en 1979. Coll. part. Galerie Eric Coatalem.

Bibliographie :

- Sylvain Kerspern, «Jacques Stella ou l’amitié funeste», Gazette des Beaux-Arts, octobre 1994, p. 131, fig. 26 (gravure de Claudine).

- Sylvain Kerspern, «Mariette et les Bouzonnet Stella. Notes sur un atelier et sur un peintre-graveur, Claudine Bouzonnet Stella», Bulletin de la Société de l’histoire de l’art français, 1993, 1994, p. 31 (et n.7).

- Sylvain Laveissière in Cat. expo. Lyon-Toulouse, 2006, p. 145.

- Thuillier 2006, p. 138-139
J'ai publié la gravure de Claudine (ci-contre) en 1994 dans la Gazette des beaux-Arts en proposant une datation sur la foi d'une indication fautive de Jacques Thuillier : lorsque je la lui avais montrée, ainsi que celle montrant Le Christ mort pleuré par un angelot, il m'avait signalé l'existence du tableau, comme signé et daté de 1648. Qui plus est, dans mon étude sur la nièce pour la Société de l'Histoire de l'Art Français, la distraction m'a fait en rapprocher la seconde estampe... La date de 1643 ne fait aucun doute et correspond d'ailleurs stylistiquement bien mieux.

Est-ce une méditation toute personnelle, que Stella aurait réalisée pour lui seul? Le fait que Claudine le grave des années plus tard inciterait à le penser, à moins qu'il ne s'agisse d'un tableau pour un proche, parent ou ami. Dans un cas comme dans l'autre, la profondeur de l'inspiration est évidente.

Stella construit son image sur une harmonie chaude de brun, d'ocre et d'orangé, constellé de notes sang, évocatrice de la souffrance du Christ, et bleutées ou grises, froides, notamment au visage, signes apparents de la mort, et quelques touches de vert pour rappeler la vitalité de la nature. Nous sommes loin de sa palette traditionnelle, bien plus franche, alors que notre cuivre confine au camaïeu. Il fait ainsi la part belle à la lumière qui signe la présence divine, et le sacrifice du Fils manifesté dans la plaie presque centrale, au flanc - ce que la gravure en sens inverse mais qui rétablit son emplacement ne rend pas aussi pleinement.

On pourrait songer au Caravage, et il se peut qu'il y ait là quelque écho ou réponse à l'art singulier de Georges de la Tour, qui séjourne à Paris dans les dernières années du règne de Louis XIII, que son art avait séduit tout autant que Richelieu. Néanmoins, l'aspect athlétique souligné par Sylvain Laveissière me paraît maintenir cette peinture dans la tradition classique, en particulier dans la suite des Carrache. Il n'en demeure pas moins que nous avons là une de ses plus singulières créations, et une de ses plus raffinées dans son coloris.

S.K., Melun, juillet 2016

Frontispice pour
EXERCITIA SPIRITUALIA S. P. IGNATII LOYOLA,
In-folio, 1643, publié par l'Imprimerie royale

Saint Ignace de Loyola écrivant dans la solitude le livre de ses Exercices spirituels en suivant les inspirations de la Ste Vierge, frontispice de livre gravé au burin par Gilles Rousselet d'après Jacques Stella (Mariette)

Dessin perdu.

Gravure par Gilles Rousselet, 31 x 22 cm.
- 1er état portant lettre sur un bandeau de linge : EXERCITIA SPIRITUALIA S. P. IGNATII LOYOLA, et au bas dans un cartouche en forme de cuir découpé avec armes de France au centre E TYPOGRAPHIA RE(-)GIA PARISIIS MCXLIII sans nom d'artistes (Paris, Bnf, Da 20b, p. 42; cl. E029451; Kb 123).
- 2e état portant en sus les noms J. Stella Invenit, au centre, et RouSSelet sculpsit, à droite (Paris, Arsenal, 165, n°50).
- 3e état précisant les noms en J. Stella invenit et AEgid. RouSSelet Sculpsit, et transformant la date en MCXLIIII (Paris, Bnf, Da 20b, p. 92).

Exemplaires : Madrid, Universidad Computense; Naples, B.N.; Rome, B.N.C...

Bibliographie :

- Auguste Bernard, Histoire de l'Imprimerie Royale du Louvre, Paris, 1867;

- Jacques Thuillier, « Richelieu et les arts : l'Imprimerie royale », Richelieu et la culture, actes du colloque international de la Sorbonne, 19-20 novembre 1985 (R. Mousnier dir.), Paris, 1987, p. 163-174;

- Véronique Meyer, Gilles Rousselet, Paris, 2004, n°355

- Isabelle de Conihout in Cat. expo. Lyon-Toulouse, 2006 (Sylvain Laveissière dir.), p. 37, 40.

- Thuillier 2006, p. 221
Les deux premiers états de la gravure portent la date de 1643 et situent l'invention avant l'édition de 1644. La Vierge, dans sa pose et le dessin de son drapé, témoigne de la reprise d'un motif employé pour la Gloria di Viertu (Louvre) dès 1633 puis en 1637 dans la Sainte famille au lys et au berceau (ci-contre en bas, la gravure de Rousselet pour une confrontation dans le même sens). La comparaison permet de percevoir une monumentalité accrue tant par la posture, au dos plus droit et redressant la tête, que par la fermeté plus ronde des formes.

C'est en pleine nature, dans une solitude dont l'échappée latérale suggère le chemin et l'écart, que Stella représente le jésuite pour illustrer la recherche spirituelle que ses exercices doivent permettre. Si la Vierge lui dicte son texte, il semble plongé dans une attitude toute intériorisée, productrice de son texte autant qu'elle en est la plus parfaite illustration. Aux apparitions spectaculaires, au dialogue le plus invraisemblablement direct, l'artiste préfère la suggestion psychologique d'une inspiration permettant au lecteur d'espérer, sur le modèle d'Ignace, la rencontre avec Dieu en son for intérieur.

Il ne s'agit donc pas, à proprement parler, de la représentation d'une révélation mais bien de celle de la mise en pratique, plume en main, de ce que le livre propose. Il en ressort un dégagement des passions et de leurs désordres que son attitude, d'un grand calme, rend évidente. L'image est ainsi d'une grande efficacité en ce qu'elle transcrit simplement les intentions de l'ouvrage. Le travail de Rousselet la restitue à merveille - et avec une bien plus grande sensibilité que ladite Sainte famille traduite quelque temps plus tôt.

S.K., Melun, juillet 2016

Frontispice pour Conciliorum omnium... (Conciles).
In-folio, 1644,
publié par l'Imprimerie royale

L'Église de Jésus-Christ opposant aux hérétiques le bouclier de la foi dont ils ne peuvent supporter l'éclat lumineux, frontispice de la collection des Conciles imprimée au Louvre, gravé au burin par Pierre Daret sur le dessein de Jac. Stella (Mariette éd. 1996, p. 231)

Dessin perdu.

Gravure par Pierre Daret :
- État avec inscriptions, sur le rideau accroché à la colonne, sur la gauche : CONCILIORUM/ OMNIUM/ GENERALIUM ET PROVINCIALIUM/ COLLECTIO REGIA; au bas, sur la contremarche : PARISIIS ANNO MDCXLIIII E TYPOGRAPHIA REGIA et en dessous à droite : J. Stella In Petr. Daret sculp. (Lyon, B.M.; Paris, Bibliothèque Mazarine; Bnf,...). 35,3 x 25,4 cm.

Bibliographie :

Auguste Bernard, Histoire de l'Imprimerie Royale du Louvre, Paris, 1867;

Roger-Armand Weigert, Bibliothèque Nationale. Cabinet des Estampes. Inventaire du fonds français. XVIIè siècle., t. III,1954, p. 260, n°75;

Jacques Thuillier, « Richelieu et les arts : l'Imprimerie royale », Richelieu et la culture, actes du colloque international de la Sorbonne, 19-20 novembre 1985 (R. Mousnier dir.), Paris, 1987, p. 163-174;

Isabelle de Conihout in Cat. expo. Lyon-Toulouse, 2006 (Sylvain Laveissière dir.), p. 40.

Thuillier 2006, p. 223
Le remarquable travail d'Isabelle de Conihoult pour l'exposition de 2006 souffre ici d'une petite erreur situant ce frontispice en 1642 par confusion probable avec la continuation de ce travail par Philippe Labbé en 1672. La date portée au bas du frontispice (MDCXLIIII) laisse croire que le graveur ait ajouté un I pour mettre l'année à jour à partir du dessin. Ce dernier devait être attendu puisqu'il avait été demandé à Nicolas Poussin, reparti pour Rome en octobre 1642. C'est donc vraisemblablement en 1643 que Stella en a donné la composition.

Celle-ci montre une vigueur particulière, assez inhabituelle alors mais qui s'inscrit dans l'héroïsation, si j'ose dire, de son style telle qu'elle commence à se développer et qui va prendre de l'ampleur sur l'exemple de Giulio Romano. Le discours en est on ne peut plus clair : c'est bien l'Église de Rome, avec les clés de saint Pierre lui-même représenté dans une sculpture que l'on aperçoit en haut à gauche, qui se défend et triomphe au travers des différents conciles de l'histoire, avec le secours d'angelots combatifs.

Néanmoins, la lumière manifeste avant tout une défense d'ordre spirituel et intellectuel inspirée par l'Esprit-Saint, qui motive la publication en nombre de volumes (en l'occurrence 37) du contenu de ces réunions de l'institution. Elle est évidemment une préoccupation essentielle pour un artiste, et Stella, peintre-graveur, lui a toujours accordé une grande importance, dans la restitution des valeurs et du clair-obscur. Son impact est traduit avec efficacité par Pierre Daret, moins convaincant dans la restitution des volumes et de l'espace, la véhémence de la composition ne passant pas dans son dessin un peu mou. La comparaison avec la gravure de Rousselet pour les autres publications de l'Imprimerie royale, comme celle-ci-dessus, plus dense et ferme, fait sentir une plus grande affinité de Stella avec ce dernier.

S.K., Melun, août 2016

Table générale - Table Stella - Catalogue Jacques Stella : Ensemble - Au temps de Louis XIII (1636-1643), mosaïque
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