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Sylvain Kerspern - dhistoire-et-dart.com | ||
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Sylvain Kerspern
À propos de deux peintures franciscaines à Provins. Un dessin préparatoire réapparaît Mise en ligne le 2 avril 2023 |
Quelques semaines seulement après la publication sur ce site de deux tableaux d'iconographie franciscaines conservées à Provins sans doute issues du même atelier, un dessin en rapport avec l'un des deux a réapparu sur le commerce d'art. Il met en place l'épisode au cours duquel les Sarrazins sont mis en fuite par la monstrance de l'ostensoir par sainte Claire. L'étude des relations qu'ils entretiennent et du style de la feuille apportent des éclairages importants sinon décisifs sur la situation de cette commande et sur l'identité de l'artiste responsable. |
Ici attribué à Charles Errard |
Le dessin comme préparation : iconographie et composition |
Pour être instructive, la comparaison demande une mise à l'échelle de la feuille et de la peinture afin de mieux percevoir similitudes et différences. L'idée générale du sujet est trouvée. Le moment d'effroi des assaillants se place au premier plan, un homme au sol, l'autre s'enfuyant; les sœurs sont assemblées autour de Claire, agenouillée, bras croisées sur la poitrine, au pied de l'autel portant l'ostensoir.
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L'architecture du fond est surmontée d'un fronton rectangulaire dont on aperçoit la naissance dans la feuille. On croit la distinguer dans la peinture même si on peut se demander si celle-ci n'aurait pas été agrandie dans sa partie haute, au-delà de ce que montre le dessin. Les variantes sont évidemment plus instructives, d'autant plus qu'elles concernent la scène principale. Sur le devant, l'artiste avait initialement placé l'autel sur un espace plus haut d'une seule marche par rapport à celui des Sarrasins et suivant une ligne oblique au sol. Dans la peinture, il ajoute un degré selon un tracé, cette fois, parallèle au plan du tableau et de l'architecture du fond. Les moniales s'en trouvent éloignées mais aussi mieux protégées par l'ostensoir, plus imposant et sommé désormais d'une croix. L'affrontement, à l'origine suivant une oblique croisant celle du marchepied et tout entier matérialisé par les personnages, se manifeste désormais clairement par l'interposition de l'objet liturgique, au regard de dispositions plus nettement en frise, ce que montre particulièrement l'installation de l'assaillant au sol. Le dédoublement de celui qui court et qui semble maintenant l'avoir enjambé y contribue aussi tout en accentuant le sentiment de panique, malgré l'arme que l'artiste leur met dans la main droite, initialement vide et n'exprimant que la surprise. |
Le dessin comme préparation : question de style |
Noël Coypel, Saint Jacques conduit au supplice, 1660/1. Plume et encre brune, rehauts blancs. 39,7 x 34 cm. Rennes, musée des Beaux-Arts. |
Charles Errard, Sainte Claire mettant en fuite les Sarrasins. Plume et encre brune, lavis brun, rehauts de blanc, mise au carreau au crayon noir. 28 x 22,5 cm. Galerie Éric Coatalem |
Charles Errard, Concert d'anges. Plume et lavis, rehauts de blanc. Diamètre : 18 cm. BnF |
Notre feuille vient confirmer la situation du tableau qu'elle prépare dans le contexte de l'atelier de Charles Errard et de la participation particulièrement importante de Noël Coypel. L'alliance de la plume et des rehauts blancs est très proche de ce que montre la feuille de l'élève préparant ce qui semble une de ses toutes premières commandes personnelles, le May de 1661, Saint Jacques conduit au supplice. Pour autant, il montre dans la pensée de Rennes (ci-dessus à gauche) une application et une sagesse qui se rapporte au soin dans l'exécution d'un procédé appris auprès du maître, ce que vient confirmer la confrontation avec un dessin d'Errard à la BnF (ci-dessus à droite). Dans celui-ci, la main s'y fait aussi nerveuse que dans notre feuille, jusque dans les visages ou dans l'indication des chevelures. |
En l'absence de tout le travail accompli depuis l'étude pionnière de Jacques Thuillier en 1978, il est vraisemblable que le dessin pour la Sainte Claire aurait été attribuée formellement à Noël Coypel sur la base du rapprochement avec celui qui prépare le May de 1661. Ce dernier doit pouvoir être daté de l'automne 1660 ou l'hiver 1661, les informations sur la commande du grand tableau offert par les orfèvres parisiens à la cathédrale Notre-Dame pour être accroché au premier mai, la situant le plus souvent au cours de l'été de l'année précédente. À cette date, Coypel collabore encore avec Errard et son style graphique est plus que jamais redevable de son maître. Le chantier du Parlement de Rennes met ce travail associant l'encre ou la pierre noire et les rehauts blancs au cœur du fonctionnement de l'atelier, autant dans les préparations du chef que dans les mises au point du collaborateur.
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Attribué à Charles Errard, La Justice arrachant son masque à la Fraude, étude densemble. Plume et pinceau, lavis gris et brun, rehauts de blanc sur papier brun préparé. Diam. : 28 cm. (recto) Rennes, Musée des Beaux-Arts. |
Attribué à Charles Errard, La Fraude, étude. Plume et encre noire, encre et lavis bruns (?). Diam. : 28 cm. (verso) Rennes, Musée des Beaux-Arts. |
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Attribué à Noël Coypel, La Fraude, étude. Pinceau, encre et lavis bruns sur esquisse à la pierre noire, rehauts de blanc sur papier brun. Coll. part. |
Charles Errard (et Noël Coypel), La Justice arrachant son masque à la Fraude, tondo. Rennes, Grandchambre du Parlement. |
Le dessin comme préparation : théorie et pratiques d'atelier |
La préparation dessinée de Coypel pour son May de 1661 atteste de sa profonde imprégnation du style d'Errard. Elle résulte d'une longue fréquentation, exemple à la fois caractéristique du mode de formation du temps, qui offre à l'apprentissage d'un second maître la possibilité de participer aux ouvrages du maître, et exceptionnelle par sa durée, une quinzaine d'années ou peu s'en faut, et son intentité, qui sont causes du débat sur la part prise par chacun dans les différents chantiers qu'Errard a pu conduire et pour lesquels on connaît la participation de Noël. Ce fonctionnement quasi-symbiotique nuit aux délices de l'historien d'art soucieux d'une paternité tranchée pour l'ouvrage qu'il étudie.
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Cette conception est pleinement mise en œuvre par Errard pour son malheur, en concevant le décor en toutes ses parties, peintures d'histoire ou décoratives, compartiment de boiseries et sculptures, cartons de tapisserie. Elle est au cœur d'un ensemble comme celui du Parlement de Rennes. Elle ne signifie pas pour autant qu'il ait abandonné le pinceau dans ses grandes entreprises. Peut-on penser que celui qui peint l'impressionnant Renaud abandonnant Armide de Bouxwiller ait ainsi accédé à un tel renoncement au profit de son élève? L'étude de l'artiste, comme l'a confirmé la monographie d'Emmanuel Coquery, est biaisée puisque l'essentiel de nos sources émane de Coypel ou est formulé sous son contrôle, en l'absence du maître.
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Charles Errard, Renaud abandonnant Armide. Toile. 242 x 337 cm. Bouxwiller, Musée |
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Simon Vouet, étude d'un bourreau. Pierre noire et rehauts blancs. 26,6 x 29,8 cm. Besançon, Musée des Beaux-Arts. |
Ici attribué à Charles Le Brun (dans l'atelier de Vouet), Christ à la colonne. Toile. 128 x 66 cm. Louvre |
La feuille réapparue, préparant la Sainte Claire, ne peut aller que dans ce sens. Tableau et dessin renvoient clairement à l'atelier d'Errard, et les variantes significatives relèvent des prérogatives du chef. Le style de la peinture s'écarte du style personnel de l'élève, qui change peu au long de sa carrière, sauf peut-être pour les religieuses aux profils adoucies « à la Le Sueur », à rapprocher des premières commandes personnelles de Coypel. Quoiqu'il en soit, ce ne pourrait être que sous la supervision la plus stricte d'Errard, pour répondre plus vite à l'une des nombreuses commandes auxquelles il avait à répondre, et vraisemblablement dans le courant des années 1650. Qu'un dessin permette de revaloriser la part peinte d'un artiste, on l'aura compris, n'aura rien pour suprendre dans le contexte de l'art français autour de 1650. Sylvain Kerspern, avril 2023 |
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Charles Errard Sainte Claire faisant fuir les Sarrasins. Plume et encre brune, lavis brun, rehauts de blanc, mise au carreau au crayon noir. 28 x 22,5 cm. Galerie Éric Coatalem. |
Charles Errard (et atelier?) Sainte Claire faisant fuir les Sarrazins. Toile, 280 x 130 cm. Provins, église Sainte-Croix (en dépôt à l'église Saint-Quiriace, dans la Ville Haute) |
Bibliographie : - Jacques Thuillier, « Propositions pour : Charles Errard », Revue de lArt, 61, 1983. - Sylvain Kerspern, « À propos de l'Énée transportant Anchise du Musée des Beaux-Arts de Dijon : jalons pour l'œuvre de Charles Errard. », La tribune de l'art, mise en ligne le 21 juin 2005 (dernière consultation, 7 novembre 2019) - Sylvain Kerspern, « Errard et Coypel au Parlement de Rennes. Enseignements d'une exposition. », Dhistoire-et-dart.com, mise en ligne initiale en 2005 (actualisation en 2013) - Emmanuel Coquery, Charles Errard : la noblesse du décor, Paris 2013. - Sylvain Kerspern, « Emmanuel Coquery, Charles Errard : la noblesse du décor. Retour sur le partage Errard/Coypel » , Dhistoire-et-dart.com, mise en ligne mars 2020 - Sylvain Kerspern, « À propos de deux peintures franciscaines à Provins. Cadre historique et attribution, de Rémy Vuibert à Noël Coypel », Dhistoire-et-dart.com, mise en ligne le 31 mars 2020 |
Courriels : sylvainkerspern@gmail.com. |
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