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Sylvain Kerspern HOMMAGE À JACQUES THUILLIER Deux propositions pour : Claude Mellan peintre Mis en ligne le 15 décembre 2011 |
Claude Mellan est sans doute lun des grands graveurs du XVIIè siècle. Il est aussi, depuis longtemps, une énigme quant à sa peinture. Quil ait tenu les pinceaux ne fait guère de doute : les mentions portées sur une vingtaine de gravures, tout au long de sa vie, sont confirmées par les documents ou les témoignages de son temps, en particulier celui de La Mothe Le Vayer en 1648, rappelé par Maxime Préaud en 1988 (p. 17). Son métier de graveur même, comme la souligné Jacques Thuillier, trahit une approche picturale qui sexprime dans cette volonté de saffranchir des contours nets pour suggérer les formes par lombre et la lumière. |
Pourtant, malgré diverses tentatives, le catalogue de loeuvre peint demeure désespérément vide. Tout juste Gilles Chomer, relayé par Sylvain Laveissière (2010) aura pu lui rendre une composition en rapport étroit avec une gravure de 1659, dédiée à Nicolas Foucquet, et dont la qualité ou létat, cette fois, ne semble pas remettre en cause le caractère autographe - même sil faut attendre la restauration pour bien en juger : un Christ au calvaire accompagné par les anges. Attribué à Claude Mellan
Loeuvre est tardive et correspond aux recherches classicisantes dans le goût de Jacques Stella, quil avait interprété notamment pour lImprimerie Royale. Elle présente un style déjà affermi, cohérent. Je voudrais faire deux propositions complémentaires rattachées à deux autres moments qui suggèrent des recherches plus complexes et devraient permettre de faire sentir lévolution de Mellan peintre. Il faut préalablement partir de sa biographie et des gravures pour en rechercher ce qui peut avoir modelé de manière caractéristique son univers formel. |
1. Les empreintes de Mellan peintre. |
Claude, fils de chaudronnier - métier ayant des accointances avec la gravure -, connut, selon Mariette une formation sur Abbeville dans le métier de peintre, auprès dun dénommé Joly inconnu par ailleurs. Cest apparemment pour apprendre la gravure, néanmoins, quil est placé à Paris par son père, et cest dans cet art quil sexprime dabord, au plus tard en 1619, à 21 ans. On peut croire que ce Joly lui donna une première formation, mais que les circonstances ne lui permirent pas davoir celle, essentielle, auprès dun second maître qui confronte lélève à la collaboration datelier. |
Claude Mellan, Saint Jean-Baptiste au désert,
Son activité de peintre débute, pour autant que lon sache, après le départ de Vouet : deux gravures de 1629, le Saint Jean-Baptiste, lun de ses chefs doeuvres, et Loth et ses filles, portent la mention pinx.. Les succès dans la pratique de cet art lauraient conduit, plus tard, à quitter Rome pour fuir les jalousies, selon Mariette, interprétant la correspondance de lartiste avec léditeur et marchand François Langlois. Celle-ci nous apprend aussi que revenant en France, en 1636, avec pour perspective un emploi de graveur attitré de la cour dAngleterre, il aurait refusé la possibilité de peindre rien moins quune galerie, à Gênes.
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2. En Italie : Achille parmi les filles de Lycomèdes (Turin, Accademia Albertina). |
Ici attribué à Claude Mellan
Dans mes recherches sur les sources visuelles possibles au tableau de Jean Mosnier représentant Achille parmi les filles de Lycomède, pour lexposition Richelieu à Richelieu, jai rencontré la version du thème figurant, sous le nom de Simon Vouet, à lAccademia de Turin. Le nom du peintre parisien nest plus vraiment soutenable mais on comprend quil ait pu être prononcé. Lauteur de cette toile a certainement fait partie de son entourage, et vraisemblablement lors du séjour en Italie : le cadrage et le fond caravagesque ne peuvent se comprendre quen référence à ce contexte (voir ici, à propos de Vouet en Italie). |
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Extase de la Madeleine selon Mellan, 1627 (ci-contre),
Cette restitution de la lumière saccorde avec les nuances auxquelles le graveur travaille alors, sur les modèles de Sadeler. Un bon exemple en la matière me semble fourni par lestampe de Lextase de la Madeleine, de son invention. Une exposition sur liconographie de la sainte, tenue au musée Pétrarque à Fontaine-de-Vaucluse en 1988, a permis la mise en présence de la version du thème par Rubens, gravée par Raphaël Sadeler, et celle de Claude Mellan. Leur voisinage dans le catalogue (p. 46-47) rend évidente linspiration de ce dernier à partir de lestampe flamande. Elle létait dautant plus avant que Mellan ne rectifie, dans le second état, lun des deux anges initialement perdu dans ses pensées, comme celui qui porte la défaillante chez Rubens. Claude Mellan, Dalila, gravure. |
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3. En France : Le Christ chez Marthe et Marie (collection particulière). |
Ici attribué à Claude Mellan
Cest évidemment par la figure de Marthe, reprochant lattitude de la Madeleine qui écoute le Christ plutôt que de soccuper à la domesticité, que lidée de Mellan mest venue pour le Christ chez Marthe et Marie de la collection Milgrom. Le lien avec la fille dans lombre de la gravure sur lhistoire de Loth tient autant au traitement lumineux quà la typologie boudeuse aux yeux mi-clos. |
Claude Mellan, - Dessin pour le Nouveau Testament (détail), |
Dans le tableau Milgrom, elle est encore majorée par la perspective à la fuite rapide, qui procure au regard un effet accélérateur dans la prise en compte de la profondeur. Elle sert à la mise en évidence de la place de la Madeleine, au même titre que la lumière, qui rejette dans lombre sa soeur. La gestuelle est simple et efficace, la main de Marthe servant autant au reproche quà la désignation de lici-bas, par opposition à celle levée du Christ renvoyant à la part spirituelle choisie par Marie. Ici attribué à Claude Mellan |
Son Christ au Calvaire de Lyon, datable de la fin des années 1650, témoigne du choix, consacré durant la décennie précédente, au bénéfice de son travail pour lImprimerie Royale, dun art mesuré, aux volumes sculpturaux disposés dans un espace à lair raréfié, cristallin - du moins dans la gravure. Le voisinage de Jacques Stella au Louvre, où chacun bénéficie d'un logement alors, doit avoir favorisé cet approfondissement, de même que le coloris plus délicat et raffiné. Attribué à Claude Mellan |
4. Le pinceau de Claude Mellan. |
Il serait hâtif de tirer de ces tableaux les éléments caractéristiques du style de Mellan peintre : 3 ouvrages pour près de 60 ans de carrière, même en dilettante, même pour un artiste que lon a dit paresseux, cest évidemment très lacunaire. On peut tout de même tirer quelques conclusions, confirmées par les inventions gravées. |
En gravure comme en peinture, Mellan semble avoir accordé une grande importance à la figure humaine, qui prend un caractère modulaire simple par rapport au format : son Christ installé au premier plan, écouté par Marie ou sur le chemin de son supplice, est doté dune taille correspondant à la hauteur du tableau. La source caravagesque dont Vouet fut le médiateur peut lui en avoir donné lhabitude, ce que soutient le tableau de Turin. Il est vrai que cest un parti fécondant bien au-delà de la foule des stricts suiveurs du Caravage : on pense à Guido Reni, par exemple, dont le nom a été prononcé en référence à la gravure daprès la peinture de Lyon par Jacques Thuillier avec beaucoup de pertinence. Sylvain Kerspern, Melun, décembre 2011
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Bibliographie : - Jacques Thuillier, Poussin et ses premiers compagnons français à Rome : (...) III. Claude Mellan, peintre français. , Actes du colloque Poussin, 1958, Paris, 1960, I, p. 86-96. - Maxime Préaud, Bibliothèque Nationale. Cabinet des Estampes. Inventaire du Fonds Français, XVIIè siècle. Tome 17, Claude Mellan, Paris, 1987. - Maxime Préaud, Claude Mellan, Loeil dor, catalogue dexposition, Paris, B.N.F., 1988. - Catalogue dexposition Parcours dun collectionneur. Lhistoire, la fable et le portrait, Sceaux, Arras, Bayonne, 2007-2008. - Sylvain Laveissière, Un tableau retrouvé de Claude Mellan. Le Christ conduit au Calvaire du Musée des Beaux-Arts de Lyon, Lestampe au Grand Siècle. Mélanges offerts à Maxime Préaud, Paris, 2010, p. 269-275. |
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