Sylvain Kerspern - dhistoire-et-dart.com | |
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TUTORAT Dhistoire & d@rt |
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LANALYSE DŒUVRES : APPROCHE PÉDAGOGIQUE DE LA COMPARAISON. Le sacrifice dAbraham (ou dIsaac) par Filippo Brunelleschi et Lorenzo Ghiberti, bas-reliefs en bronze Florence, musée du Bargello
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Le tutorat Dhistoire & d@rt consiste en la mise à disposition, sous forme de fiches, dinformations utiles à la compréhension des chefs dœuvres les plus étudiés; notes historiques, indications de lecture, il se veut guide mais non pas voie unique, outil de réflexion et non vérité délivrée. Il peut être à lorigine dun travail corrigé via Internet (voir en page Services. Lensemble comprend : - une reproduction de lœuvre, ou ladresse internet sur laquelle elle peut être consultée; - des informations (conditions dexistence, éléments de comparaison, notes bibliographiques, etc.) et conseils servant daide à lanalyse; - lexemple dune analyse à partir des indications qui le concernent (analogues à celles données pour les autres œuvres dans le cadre du Tutorat) : celle des bas-reliefs de Ghiberti et Brunelleschi pour le concours de 1401 à destination du baptistère de Florence, permettant de comprendre les enjeux de lexercice. Il est actuellement en ligne, ici; pour le cas où il serait retiré du site, il ferait partie du premier envoi. À partir de la concurrence de Brunelleschi et Giberti pour le concours de 1401, vous trouverez ici : - la fiche "Tutorat" correspondante; - un exemple danalyse qui peut en être tirée. Pour commencer, quelques conseils généraux. |
Histoire de lart - Fondations |
Conseils au débutant en histoire de lart |
1° emmagasiner les images par la consultation douvrages généraux (quelque soit la qualité du texte) ou la fréquentation des musées et autres lieux de conservation (la confrontation des deux expériences vous mettant en garde, au passage, contre les reproductions livresques), puis |
Pour lélaboration dune analyse |
Une introduction sert à poser le problème, une conclusion à en dégager les enjeux (non linverse); lune et lautre (et le développement intermédiaire, bien sûr) doivent sappuyer sur de bonnes définitions des termes du sujet, qui peuvent très souvent servir à articuler le plan, et de toute façon invitent à une première réflexion, amènent à lesprit des exemples ou des références précis... |
Quelques pièges à éviter |
Se laisser aller à ladmiration : elle ne doit être que laiguillon qui vous amène à regarder attentivement lœuvre. |
Notre exemple : |
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Le sujet et son iconographie |
Le sacrifice dAbraham que le vainqueur naura pas à traiter dans la porte à réaliser, consacrée au Nouveau Testament, mais qui peut être mis en rapport avec les commanditaires, la corporation des arts de la laine, par lévocation du sacrifice dun mouton. Lhistoire est rapportée dans la Génèse (27). |
La technique |
sculpture en bas-relief de bronze |
Les dimensions (H x L (x P)) |
53 x 45 cm |
Le format |
losange quadrilobé sur le modèle instauré par Andrea Pisano pour la porte sud en 1330-1336 |
Signature, date ou localisation |
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Lieu de conservation |
- Florence, musée du Bargello |
Contexte de la création (auteurs, destinataires, commande...) |
Filippo Brunelleschi (Florence, 1377-1446) et Lorenzo Ghiberti (Florence, 1378-1455)
(nota : je ne donne que les dates et localisation des artistes, pas de biographie (exercice formateur, auquel je ne saurais me substituer) |
Reproductions |
la version de Ghiberti |
Bibliographie |
Ouvrages généraux : Histoire de lart, 1000-2000, sous la direction dAlain Mérot, Paris, Hazan, 1995. Aspects particuliers : Baxandall (Michael), Les Humanistes à la découverte de la composition en peinture, éd. fr., Paris, Le Seuil, 1989. |
Fortune et historique de lœuvre (éventuellement; peut être révélateur de son importance ou de son goût) |
le résultat du concours (la réception) nous est connu, cest à Ghiberti quest confiée la réalisation de la porte; que le choix fut difficile nous est confirmée par la conservation des deux projets retenus (il y avait dautres participants), que Brunelleschi se soit finalement retiré ou non |
LANALYSE DœUVRES : APPROCHE PÉDAGOGIQUE DE LA COMPARAISON. Le sacrifice dAbraham (ou dIsaac) par Filippo Brunelleschi et Lorenzo Ghiberti, bas-reliefs en bronze Florence, musée du Bargello |
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Cet exemple offre de nombreux avantages, notamment : LE CONTEXTE Il sagit dun concours, suggérant des données dont il faut se souvenir : * la demande générale : *des éléments particuliers suggérés par ce qui rapproche les ouvrages conservés de Brunelleschi et de Ghiberti (en labsence du document): - certains personnages (outre Abraham, Isaac, lange : deux serviteurs);Nota : Cette première comparaison désigne, inversément, une première divergence imputable aux artistes en ce qui est représenté sur lautel: |
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- un motif de rinceau antiquisant chez Ghiberti; | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
- chez Brunelleschi, lAnnonciation, dont le Sacrifice dAbraham est un antétype (= sujet de lAncien Testament présageant dun épisode du Nouveau Testament, mode de pensée religieux particulièrement développé au Moyen-Âge mais qui perdure bien au-delà); lannonciation est le moment de lincarnation du Christ, fils de Dieu sacrifié sur la croix par son Père.. |
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2. Des éléments de contexte implicites, notamment : * la date, 1401-1402, le lieu, à Florence, foyer culturel italien, toscan, le cadre historique et artistique, au cœur du renouveau humaniste qui sincarne alors principalement dans le Gothique international, premier courant stylistique concernant toute lEurope; Ces points doivent nourrir la réflexion finale, au moment de prendre du recul à partir de lanalyse, autrement dit la conclusion. 2. ANALYSE FORMELLE 1. Il y a une spécificité de la couleur et de la lumière en matière de sculpture, notamment de bronze; ici, il est doré, ce qui en limite fortement la portée; les ombres sont la conséquence du degré dans le relief et du traitement de la surface, en rapport avec la lumière ambiante (en conséquence, les ombres et lumières des reproductions de ces œuvres doivent être perçues avec les précautions dusage...). |
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A. LE PROJET DE GHIBERTI. |
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1. LECTURE SOMMAIRE DU THÈME. Il faut commencer par étudier les incitations du format avec lequel lartiste doit composer (aux deux sens du terme). |
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- Les lobes circulaires ont visiblement inspiré Ghiberti. Les deux plus grands cercles installés lun dans lautre focalisent lattention sur lépisode principal; les lobes servent à installer lange, lautel (chacun dans leur moitié supérieure), lâne (qui courbe léchine pour sy conformer) et le mouton (dans un quart de cercle). Le dernier cercle suggéré ici capture le dialogue des serviteurs. |
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* Du losange, Ghiberti retire essentiellement deux éléments : |
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* Mais finalement, la rectitude du losange est transposée dans une figure rectangulaire décalée de 45° cadrant lensemble; une de ses diagonales sépare les deux lieux par linstallation rocheuse, lautre donne le sens du regard, qui les raccorde. |
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b. La composition, support de lhistoire : | |||||||||||||||||||||||||
- Sur cette trame, lartiste installe des relations dordre psychologique, par la gestuelle, les attitudes, les regards. On peut relever : - lélandansant pris par Abraham, en contrapposto (rapprochement dune jambe et dune épaule opposés - jambe droite/épaule gauche, et vice versa, suivant un déhanchement, qui créé une impression de pause dynamique) et à lantique, faisant transparaître son assurance; - le léger recul de son fils, qui pourtant semble montrer fièrement son torse, ce que son regard vers lange arrivant peut seul expliquer; - lirruption dans le sens de la profondeur (en relief) de lange qui suffit à signifier lissue heureuse par son geste; - le dialogue refermé sur eux-mêmes des serviteurs. |
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3. LE TRAITEMENT DES FORMES . Ce parcours trouve son point dorgue dans le torse nu à lantique, lisse, fièrement présenté par Isaac, et est scandé par un ensemble de poses calmes, solennelles ou élégantes.- Ghiberti associe références à lantique (torse, drapés, contrapposto...) et détails pittoresques (le lézard, la roche déchiquetée plus ou moins héritée de Giotto mais soumise à la courbe, ornements ciselés...). - Il faut souligner la grande maîtrise de la technique ayant permis la réalisation de la fonte en un seul bloc (à quelques détails près, dont Isaac). |
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==> Une technique en rapport avec lapproche narrative, décomposant lhistoire, confiant au métier, à la maîtrise manuelle, la mise en évidence des points importants. Ghiberti opte pour laffirmation du détail élégant, raffiné, très travaillé et déploie laspect narratif du thème, approche caractéristique du Gothique International. |
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B. LE PROJET DE BRUNELLESCHI. |
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1. LECTURE SOMMAIRE DU THÈME.
a. Suggestions du format : |
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- Brunelleschi fait un usage discret de la suggestion circulaire du format; - le cercle principal, dont lange donne limpulsion, résume le sujet principal, et rapproche Isaac et le mouton, dune façon un peu forcée; |
- le périmètre du losange suit linclinaison dAbraham savançant, cale le mouton, accompagne le penchement de la tête du serviteur à droite, suit la patte arrière-gauche de lâne, et linclinaison, à nouveau, du second serviteur; |
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- Si lon examine les lignes forces, on saperçoit que Brunelleschi a transposé le principe du losange en associant deux triangles inversés superposés pour installer sa composition.* Elle sarticule autour de lautel central en un triangle posé sur sa base : |
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Soit une lecture centrée de lœuvre, à registres, suivant un point de vue haut, dépassant la péripétie pour atteindre lépisode principal. b. La composition, support de lhistoire : Limportant tissu géométrique, jeu de lignes sans profondeur, insiste sur lintrusion soudaine de lange, toute latérale chez Brunelleschi, à laquelle correspond la brutale avancée dAbraham suggérée par son drapé. * le rapport de force, en face à face, entre le patriarche et lange est accompagné du jeu dramatique des expressions, des attitudes (Isaac, saisi par la peur autant que par son père...) et du drapé, lagitation de celui dAbraham signalant autant la violence de son geste (sa brutale avancée) que son trouble devant le dilemme voulu par Dieu; |
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3. LE TRAITEMENT DES FORMES. - Il confirme la différence de traitement entre les registres, en fonction dune profondeur que matérialisent lamplitude du relief et le dépassement du cadre par les domestiques. Paradoxalement, cest la péripétie qui semble la plus soignée (résultante des recherches dramatiques pour signifier la brutalité autant que du désir de faire des serviteurs des tours de force). |
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La forte géométrie de la composition souligne par contraste la violence brutale et dramatique et lagitation psychologique du moment fort de lhistoire.- Le parcours proposé laisse peu de place à lanecdote : les références, la péripétie complètent simplement lépisode principal. Lartiste y répond au courant humaniste rhétorique le plus radical dans son souci de restitution dun univers composé et non plus composite ou narratif, qui va progressivement simposer.- Ces recherches sur lélaboration dun espace unifié à partir de figures géométriques simples (notamment le triangle) sont vraisemblablement à lorigine de la mise au point par le même artiste de la perspective linéaire centrale. - Avec laspect expérimental, un peu systématique de la composition, cest sans doute la difficulté technique de la solution de Brunelleschi, plus coûteuse, qui la empêché de triompher tout à fait. Le caractère démonstratif, impressionnant, tend tout de même à mettre presque plus en valeur le tour-de-force du domestique penché, en fort relief, que le sujet principal... EPILOGUE GÉNÉRAL. La solution proposée par Brunelleschi est intellectuellement la plus avancée et, avec lintensité dramatique suggérée, a pu frapper les esprits au point quil ait été choisi à parité avec Ghiberti. Dans lenchaînement des chefs-dœuvre, ses préoccupations semblent en avance sur son temps. Ce serait supposer un progrès en art qui passerait avant tout, en loccurence, par la dimension intellectuelle. Néanmoins, cest lefficacité de lapproche technique de Ghiberti mais aussi son accord avec linterprétation faite du thème, présentant Abraham comme un modèle de foi, non comme un père torturé, qui a finalement triomphé. Il ne faut pas oublier que la réussite dune œuvre se mesure dabord en son temps et en fonction de cet accord recherché, en quoi il semble que son adversaire ait failli et sen étant aperçu, ait peut-être jugé préférable de se retirer (mais fut-ce sous ce prétexte?)... |
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(Vous avez suivi? lequel est de Lorenzo Ghiberti? Voici la réponse.) |
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