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Bossuet, Miroir du Grand Siècle, suite Claude Vignon (1593-1671) Huile sur toile. |
La présente étude était destinée au catalogue de lexposition Bossuet, miroir du Grand Siècle, tenue à Meaux en 2004 et qui remporta un grand succès. Le tableau ne fut finalement pas emprunté. Je la reprend ici en relation avec la réattribution dune peinture exprimant également lÉglise souffrante, de Vignon à Brebiette. |
Claude Vignon est lartiste phare de ce courant pictural qui a été rapproché, à linitiative de Jacques Thuillier, du goût précieux en littérature. Ce style est caractérisé par la recherche de leffet spirituel, de linspiration débridée et du mépris de la règle, évident dans le registre romanesque du peintre ou dans les thèmes religieux propices à léclat et à la richesse : Vignon est notamment un spécialiste de lAdoration des mages. Un autre registre de sa production adopte un ton, partagé avec dautres peintres rattachés à ce courant, tels Lallemant, Brebiette ou Senelle, beaucoup plus sobre et doloriste, qui évoque lart espagnol. Les affinités du retable de la cathédrale dOrléans avec les ouvrages dun Zurbaran, par exemple, sont fortes. Lartiste suggère une sentimentalité mystique qui doit correspondre à létat desprit du milieu dévot au temps de Richelieu, insistant sur limitation du Christ, inscrit dans une tradition qui la distingue de la vision triomphante des Jésuites, notamment. Au demeurant, le commanditaire appartient à une des populations ecclésiastiques laissées pour compte du Concile de Trente, à lencontre duquel il va en affirmant le culte dun saint local. Jésus souffrant semble incliner sa tête vers le religieux en prière. Certes, Bossuet fut un ardent propagateur de la Contre-réforme (ou de la réforme catholique) mais on peut penser que dautres aspects de sa personnalité, qui lont conduit dans le chemin du gallicanisme, par exemple, tenait à une volonté dêtre le gardien de la tradition telle quelle peut apparaître dans une image comme celle-ci. Au demeurant, lartiste propose une solution dune grande sobriété, un peu étrange et fantastique pour une iconographie aux tendances contradictoires : lexemple du Christ est certes mis en avant, mais le rôle dintercesseur du patron de la chapelle, et en quelque sorte de son titulaire, sincarne dans un dialogue muet, une oraison. Les yeux clos du religieux peuvent suggérer que ce que nous voyons est une image mentale quil sest faite et quil propose au fidèle. |
Historique : peint vers 1636 à la demande du chanoine Simon Le Tellier pour la chapelle Saint-Mamert de la cathédrale dOrléans; pour la suite de lhistorique, cf. Pacht Bassani 2002. Bibliographie : en dernier lieu, Paola Pacht Bassani in cat. expo. Les Maîtres retrouvés, Orléans, Musée des Beaux-Arts, 2002, p. 77. |
Cette association de la piété intérieure, verbalisée par la prière, et de limage était de nature à séduire notre prélat, plus prompt à rappeler à la pénitence quà exalter les triomphes de la religion. Il suffit de relire ce quil dit de la gloire dans son panégyrique de Saint François de Paule, fondateur des Minimes : La religion chrétienne élève bien plus haut nos pensées : elle nous apprend que Dieu est le seul qui a de la majesté et de la gloire, et par conséquent que cest à lui seul de la distribuer, ainsi quil lui plait, à ses créatures, selon quelles sapprochent de lui. Or, encore que Dieu soit très haut, il est néanmoins inaccessible aux âmes qui veulent trop sélever, et on ne lapproche quen sabaissant; de sorte que la gloire nest quun ombre et un fantôme, si elle nest soutenue par le fondement de lhumilité, qui attire les louanges en les rejetant. De fait, le tableau de Vignon peut aisément être mis en regard dun des sermons du Carême du Louvre, en 1662 : Cest dans le sacrement de la pénitence que nous devons entrer en société des souffrances de Jésus-Christ. Le saint Concile de Trente dit que les satisfactions que lon nous impose doivent nous rendre conformes à Jésus-Christ crucifié. Mon sauveur, quand je vois votre tête couronnée dépines, votre corps déchiré de plaies, votre âme percé de tant de douleurs, je dis souvent en moi-même : Quoi donc! une courte prière, ou quelque légère aumône, ou quelque effort médiocre sont-ils capables de me crucifier avec vous? Ne faut-il point dautres clous pour percer mes pieds, qui tant de fois ont couru aux crimes, et mes mains, qui se sont souillées par tant dinjustices? Ce sermon était pour lui une nouvelle occasion de donner un sens précis à pareille image : Que si mes paroles nen sont pas capables, arrêtez les yeux sur Jésus, et laissez-vous attendrir par la vue de ses divines blessures. Je ne vous demande pas pour cela, Messieurs, que vous contempliez attentivement quelque peinture excellente de Jésus-Christ crucifié. Jai une autre peinture à vous proposer, peinture vivante et parlante, qui porte une expression naturelle de Jésus mourant. Ce sont les pauvres, mes Frères, dans lesquels je vous exhorte de contempler aujourdhui la Passion de Jésus. Là se révèle la profonde unité de la foi de Bossuet, puisquil revient en quelque sorte à la charité de Saint-François de Paule. Mais il est remarquable de le voir ainsi lier fondamentalement cette vertu à la pénitence et la méditation sur le corps crucifié du Christ. Tel est létat desprit visible ici comme dans la Descente de croix de Senelle pour un autre chanoine (Meaux, Musée Bossuet), que, je lai redit dans le catalogue, lévêque semble avoir appréciée; et celui aussi de la pensée chrétienne de la Lorraine où il sest formé. S.K., 2004-2013 |
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