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Sommaire de la rubrique Formation Table générale Contacts : sylvainkerspern@gmail.com - sylvainkerspern@hotmail.fr |
INITIATION À LA LECTURE DES UVRES DART |
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- I. Définition de l'histoire de l'art. | - III. Comparer : le concours pour le Baptistère de Florence de 1401. |
- IV. Lire : lexemple du Christ retrouvé par ses parents dans le Temple, par Stella, 1654 |
Le premier cours a posé comme nécessaire à lhistoire de lart la « communicabilité de loeuvre dart ». À vrai dire, cest une évidence. Sans cela pas de discipline scientifique attachée à la compréhension de lart, vous pouvez éteindre, fermer la fenêtre... Non, attendez! Ce qui pourrait passer pour une lapalissade amène à prendre en compte un élément qui semble bien avoir valeur universelle, tiré de lantique définition de lart comme imitation, due à Aristote (Poétique) : « le plaisir de la reconnaissance ». Cest parce que quelque chose se trouve reconnu dans loeuvre dart quen effet elle nous procure une émotion, un « plaisir ». Cette dimension va jusquà concerner lart abstrait en ce quil fait appel à la sensibilité dans son utilisation la plus libre. Cest évidemment le premier travail de lhistorien de lart que cette reconnaissance, dailleurs double : retrouvailles dabord, puis exploration. |
A. ÉLÉMENTS CONSTITUTIFS DUNE OEUVRE DART. |
Vous voici face à une oeuvre. La première étape dans lapproche dune oeuvre dart est donc la reconnaissance, soit la confrontation dune oeuvre « nouvelle » à un savoir acquis. Pour « en parler », il faut un vocabulaire - et savoir lappliquer, pour décrire, pour interpréter. Ce vocabulaire servira à désigner : -la technique (« la forme »); - liconographie (« le fond »). Les éléments techniques feront lobjet dun autre cours sur les principes danalyses de loeuvre dart. Cela concerne aussi bien les différentes techniques artistiques (peinture, sculpture, dessin...) que des considérations sur le format, la composition et les formes géométriques, le rôle du dessin et de la couleur, le style, etc. La suite, ici, aborde laspect significatif de la forme, le problème du sujet. |
B. ICONOGRAPHIE, ABSTRACTION, DÉCORATION, FIGURATION. |
Liconographie, suivant les définitions les plus courantes, traite des représentations figurées, de ce qui est re-présenté par les figures (géométriques ou autres); autrement dit, dun fond reconnaissable dabord par sa forme. Le terme « figurées » supposerait quen effet elle se limite à lart figuratif. Ce nest pas si simple. |
Lart abstrait, lexemple de Nicolas de Staël déjà vu le montre, ne nie pas la reconnaissance, il la place sur le plan élémentaire de la création (formes, lignes, couleurs, éventuellement signes).
Il nest pas seulement contemporain mais réapparaît régulièrement dans lhistoire - et même dès la préhistoire - souvent comme réponse à une contestation de limage « figurée » dans le champs du sacré.Lart décoratif en semble très voisin, pris comme un art de « lornement pur ». Cela ne lempêche pas dêtre « fonctionnel », comme agrément, comme élément de réception, ni dêtre reconnaissable par le répertoire ornemental employé, végétal, à lantique, etc. Ainsi de : |
Calme, 1949, toile, 96,5 x 162,5 cm. Collection particulière, New York. Livre de Kells, folio 34, Irlande, vers 800. Enluminure. Dublin, Trinity College. Atelier parisien (?) d'après Jacques Stella, bordure du Mariage de la Vierge, tapisserie. Strasbourg, Cathédrale. |
C. FORMES DU VRAISEMBLABLE : LA NOTION DE GENRE. |
La notion de genre en art, dont la hierarchie en France a été codifiée au XVIIè siècle au sein de lAcadémie Royale de Peinture et de Sculpture (et notamment diffusée par la plume de Félibien), prend en compte cette définition. Elle pose comme nécessaire le principe dimitation mais ninsiste pas plus sur la ressemblance et met même en garde contre elle. Je mexplique, en légrénant. |
Au bas de léchelle par sa très forte soumission au spectacle de la réalité, la Nature morte; les Anglo-Saxons parlent de « vie arrêtée » ou « silencieuse » (« still-life »), ce qui peut occulter la couleur morale qui sy attache : les fleurs, fruits, livres et autres objets ainsi montrés insistent le plus souvent sur la vanité des choses matérielles (et des occupations en rapport), leur caractère transitoire ou périssable au regard de lÉternel, associant vie et mort. |
Le Caravage, Corbeille de fruits. Toile, 46 x 64,5. Milan, Ambrosiana. |
Vient ensuite le Paysage; il accompagne une « histoire » (à peu près le seul cas qui justifie son emploi en sculpture), et ne se développe véritablement comme genre indépendant évacuant lhomme, quau XIXè siècle; |
Camille Pissaro, Effet de neige à Eragny, 1894. Toile, 73,5 x 92. Orsay, Musée (dépôt au Musée des Beaux-Arts de Dijon). |
Puis le Portrait. Soyons précis : il sagit de la représentation dune (ou de plusieurs) personne(s) identifiable(s) par les traits physiques;
« pourtraire » en vieux français, « trait pour trait »...
Donc à ne pas confondre, avec la simple représentation dun visage.
Cas paradoxal : le fameux portrait de Rodolphe II par Arcimboldo. Incontestable, pourtant, et le portrait physique, reconnaissable par ses traits (ci-dessous, sous le pinceau de von Aachen, long nez, barbe, moustache, sourcils plongeants...), se double de celui intellectuel, avec lallusion aux préoccupations du modèle, et un singulier rapport à la nature. Encore faut-il rappeler quil sagit dun portrait à distance, réalisé par lartiste après avoir quitté son mécène...
Les usages et significations en sont diverses; ainsi, le profil appelle invinciblement lexemple de la médaille, sa capacité à évoquer la gloire, et dans le cas, toujours, du duc de Montefeltro (ci-contre), arrange qui plus est une physionomie dont lun des côtés était disgrâcieux... Lorsque Berruguete (1450-1504) le représente avec son fils, c'est suivant le même profil, de fait (Urbino, Galleria Nazionale delle Marche). Quelques remarques encore : - lévolution, au cours du quinzième siècle qui voit le cadrage des effigies sélargir jusquà mi-corps, introduisant les mains (cf. notamment Léonard, encore) correspond à une affirmation de lindividu dans lhistoire, insistant sur son action et sa psychologie (non plus la lignée ou la tête); - le genre suppose trois intervenants : * le commanditaire; |
Piero della Francesca, Pala Montefeltro, 1472. Bois, 248 x 150.Milan, Brera. Arcimboldo, Rodolphe II en Vertumne, vers 1590. Bois, 68 x 56. Skokloster Castle (Suède). Piero della Francesca, Double portrait du duc et de la duchesse d'Urbino. Bois. Offices Parmigianino, Autoportrait au miroir convexe, 1523-1524. Bois, 24,4cm de diamètre. Vienne, Kunsthistorisches Museen |
Le portrait suppose une imitation directe de la nature, mais sintéresse à lhomme; ce sont ses actions qui forment le sommet de la hiérarchie, encore celles-ci peuvent-elles être variées : |
- la scène « de genre ». Linscription dans le quotidien de ces actions, tirées de la rue (de Brueghel à Baullery...) ou de la campagne, de pièces morales, proverbes ou du théâtre populaire, porte un caractère « peu noble »; doù le mépris (issu dune méprise pour peu quon en approfondisse le sens) de Félibien pour les oeuvres des Le Nain (exemple ci-contre), qui en empruntant à la réalité, lui conféraient une grandeur dans la simplicité - quils appliquaient dailleurs également aux scènes sacrées ou historiques.- les sujets dhistoire. Nous voilà au sommet de la hiérarchie, subdivisé encore en plusieurs sous-genres; on ne sétonnera pas du classement par la société dAncien Régime qui suit : - au sommet, lhistoire sacrée (et le Nouveau plus encore que lAncien Testament - comme l'Assomption de Jacques Stella pour Urbain VIII, ci-contre);
- lhistoire littéraire : la Jérusalem délivrée du Tasse, par exemple, a connu une énorme fortune artistique, en particulier au XVIIè siècle; ainsi par Errard, ci-contre. |
Le Nain, Un maréchal dans sa forge. Toile, 69 x 57. Louvre. Jacques Stella, Assomption, 1624. Huile sur agate, 91 x 98 cm. Pastraña, Colegiata. Louis Licherie, Cyrus enfant se découvre à Astyage, 1671. Toile, 173,5 x 150 cm. Vendue chez Christie's en 2004. Charles Errard, Renaud abandonnant Armide, 1645. Toile, 242 x 337 cm. Bouxwiller, Musée |
Voici donc posé un cadre général à la reconnaissance en histoire de lart. Bien sûr, il nest pas toujours facile de faire rentrer telle oeuvre dans telle case, et certaines des grandes oeuvres de lart sabreuvent à différentes sources, brouillant les cartes. Déjà nous avons vu que certains sujets pouvaient prendre un tour allégorique pour évoquer le présent. On peut aussi mentionner le mélange opéré sur le même plan et avec les mêmes ingrédients par Rubens pour sa galerie consacrée à lhistoire de Marie de Médicis, aujourdhui au Louvre. Enfin les désirs dartistes ne sont pas nécessairement les demandes de la société, ou dune de ses composantes. Le dix-septième siècle est parcouru des réclamations auprès de la royauté de la noblesse traditionnelle (par opposition à celle récente élevée au bénéfice des offices de la magistrature ou de la finance), en faveur des galeries dhommes illustres, préférables à leur yeux à la Fable. Histoire de rappeler lorganisation par le lignage de la société. Si elle concède encore une participation de lallégorie, la Galerie des Glaces où le roi a demandé à Le Brun de mettre en scène son action de façon assez explicite, en est une conséquence. Ce qui revient à rappeler que jusquau XIXè siècle, la commande prime. Au destinataire, en premier, le plaisir de la reconnaissance. Au demeurant, cette approche na ici rien duniversel, puisquelle sappuie sur lart occidental. Néanmoins elle ouvre des voies à cette reconnaissance, quitte à les réviser ou à les transposer aux abords dautres champs... |
Sylvain Kerspern, Melun, 2005 (retouches 2015) |
Suite : III. COMPARER : le concours pour le Baptistère de Florence de 1401. |
Courriels : sylvainkerspern@gmail.com - sylvainkerspern@hotmail.fr. |
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