Sylvain Kerspern - dhistoire-et-dart.com | |
Varia Les Conservateurs des Antiquités et Objets dArt. *Sommaire de la rubrique varia * Table générale Contact : sylvainkerspern@gmail.com |
Pour Monique Billat et Patrick Poupel, qui mont donné,
chacun à leur manière, Les Conservateurs des Antiquités et Objets dArt. Mis en ligne initiale le 22 avril 2010 - retouche en août 2012 |
Un début |
Il y a plus de vingt ans, en 1988, je me suis retrouvé pris dans une aventure humaine, esthétique et scientifique : lexposition Trésors sacrés,Trésors cachés témoignant de la richesse du patrimoine religieux de Seine-et-Marne. Ce fut loccasion de tournées parfois homériques et dune multitude de découvertes qui devaient déboucher sur une manifestation très suivie, unanimement saluée - et sur le plan personnel, sur lélaboration du thème qui allait faire la substance de ma thèse. Mon approche du patrimoine artistique était jusqualors très muséale, plutôt figée. Tout un pan méconnu sinon inconnu souvrait à moi, beaucoup plus important quantitativement que ce que pouvaient contenir les musées; plus divers, plus vivant aussi, car souvent dans un contexte correspondant à la fonction première de loeuvre ou lobjet. Sachant que cette vie qui les tenait là ressemblait pour beaucoup à de la survie, sinon au péril de mort. Je maperçus aussi que ce que lon pouvait encore appeler les Beaux-Arts rassemblait un personnel attaché à sa conservation plutôt disparate, dont les parents pauvres étaient précisément ceux qui étaient directement en contact avec ce patrimoine : les Conservateurs des Antiquités et Objets dArt. La situation en Seine-et-Marne faisait déjà partie des exceptions que je souhaiterais voir devenir règle : Monique Billat, CAOA en poste pour soccuper de la protection du patrimoine mobilier départemental, disposait dune rémunération décente et travaillait au sein dune équipe consacrée à lensemble du legs départemental de nos prédécesseurs architectes, urbanistes, artistes ou artisans. Cette exception était due à une volonté locale puisque cest le Conseil général de Seine-et-Marne qui la instaurée. Or le poste relève initialement de lEtat. Le centenaire de sa création en France a été célébrée en 2008. En son commencement, il prenait place dans un processus de prise de conscience du péril de tout un patrimoine dont les fondements avaient disparu : objets déracinés, lieux désinvestis de leur fonction première du fait des changements de régime politique et, ce qui était tout récent, de laffirmation de la laïcité de la République par la loi de séparation des Eglises et de lEtat, en 1905. Les inventaires généraux faits dans les premiers temps de la Troisième République (en Seine-et-Marne, en 1878, puis environ dix ans plus tard) témoignaient tout de même dun héritage assumé, notamment sous limpulsion de Philippe de Chennevières, directeur des Beaux-Arts. La loi de 1905 demandait un récolement et, devant la crainte daliénations, un dispositif pour la protection du patrimoine jugé digne dintérêt désormais revendiqué par le pouvoir temporel. Des inspecteurs furent mis en place, au nombre de 5 pour toute la France, puis 9, et pour les épauler, on fit appel à des personnalités locales reconnues pour leur compétence susceptibles, contre indemnité, de consacrer du temps sur leurs loisirs à ces tâches. |
Je vous recommande le dossier en annexe de cet ouvrage (p. 452-456), sur la chronologie et la bibliographie en la matière, réuni en collaboration avec Gaëlle Pichon-Meunier. Vous y trouverez des indications sur lampleur du domaine concerné. Quil me suffise ici de dire, pour mesurer la faible reconnaissance dun rôle pourtant essentiel dans la constitution de notre patrimoine national (participant de lidentité du même nom, apparemment) et de sa conservation, quà leur création, on recensait environ 4000 objets classés sur tout le territoire. La seule Seine-et-Marne en compte aujourdhui 2500, à quoi il faut ajouter en nombre au moins équivalent ceux figurant sur lInventaire supplémentaire, crée en 1970 - le classement, dans lusage, concernant les éléments dintérêt national, linscription se rapportant à celui local. Il y a encore tout le patrimoine non protégé, qui lest de moins en moins puisque les CAOA doivent régulièrement présenter des commissions proposant classements et inscriptions. Car bien sûr, ce qui est classé reflète un ou plutôt des goûts et des intérêts qui peuvent changer avec le temps et certains départements (comme lAllier) ont affecté du personnel spécifiquement à cette part du patrimoine. La notion même de patrimoine a profondément évolué, et comme jai déjà eu loccasion de le dire, lhéritage scientifique ou industriel fait désormais partie des objets susceptibles dune mesure de protection. La tâche du CAOA ne sarrête pas là. Il faut encore, comme pour toute fonction de ce type, faire des récolements, et concevoir tout type daction pour la préservation de leur objet : restaurations, recherches, mise en valeur et en sécurité... La diversité des cas (archivistes, ecclésiastiques, enseignants, tant dautres parfois étonnants), des implications possibles, les enchevêtrements avec les autres corps de conservateurs, notamment du Service de lInventaire, dont certains membres sont dailleurs CAOA, contribuent à la faible perception dun travail certes inégal mais pourtant essentiel et quil faudrait pouvoir tout simplement valoriser. Le volume, remarquable, publié à loccasion du centenaire sy emploie sur le plan scientifique mais témoigne aussi des occasions manquées, notamment la décentralisation, pour mettre un terme à la précarité de la fonction. Jai retiré le même sentiment résigné de lentretien que ma accordé Monique Billat dont ces lignes témoignent. La cohérence voudrait que la prise en compte dans son ensemble du patrimoine historique et artistique (antiquités et objets dart) passe par la professionalisation de tous les personnels attachés à sa conservation. Ceci passe par la définition dun statut clair impliquant, il faut le dire, une rétribution décente. Aujourdhui, les titulaires qui en bénéficient, encore minoritaires, sont nommés par lEtat et rémunérés par les Départements. Malheureusement, la politique actuelle de désengagement de lEtat, les projets de réforme des collectivités territoriales et les difficiles relations entretenues par les différentes parties prenantes nincitent guère à loptimisme celles et ceux qui souhaitent comme moi quenfin, ce travail essentiel soit reconnu et soutenu. Un ouvrage dressant un bilan de laction de la Conservation des Antiquités et des Objets dArt de Seine-et-Marne depuis 15 ans est en préparation et devrait paraître dans lannée. Je ne manquerai pas de vous en faire part. S. K. Melun, avril 2010 |
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Retouche, août 2012. Depuis cet article, louvrage en question, auquel jai contribué et dont lun des événements de lédition 2012 du Festival dhistoire de lart est une suite logique, a vu le jour (voir ci-contre). Un complément iconographique à mes notices est mis en ligne ici, en attendant dy ajoindre la teneur de mes interventions et échanges, sources de nouvelles indications prometteuses. S.K. |
Courriel : sylvainkerspern@gmail.fr. |
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