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Lhistoire de lart sur appels doffre. Mise en ligne le 21 mars 2009 |
Intérieur du château de Grosbois (94) |
Depuis quelques années maintenant, une mutation sest opérée dans le travail de recherches sur le patrimoine en France. La décentralisation a conduit à un transfert des responsabilités en la matière. Comme souvent, il nentraîne pas nécessairement celui du financement, notamment en rapport avec le cadre administratif rattaché - et jaurais à revenir prochainement sur le statut des Conservateurs des antiquités et objets dart, qui ont fêté leur centenaire lan passé. Surtout, le recours à lavis dappel doffres semble avoir été la principale réponse trouvée aux besoins en la matière. Est-ce la bonne solution? Japporte ici des éléments de réponse résultant de mon expérience personnelle. Car lentreprise dont ce site est lémanation, porteuse de compétences, a par définition vocation à répondre aux demandes de missions de recherche sur le patrimoine. Avant quelle ne soit créée, jai conduit semblable travail pour linspection des Monuments historiques compétente (donc lÉtat) sur un dossier dampleur il est vrai plus modeste, au moins quantitativement : le château de Grosbois. Il sagissait de faire une sélection doeuvres encore non protégées au titre des Monuments Historiques pour les soumettre, dossier photographique et documentaire à lappui, à une mesure de classement. Un peu plus de 200 oeuvres photographiées en deux mois sur place, à peu près autant de temps pour la recherche les concernant, et le rapport fut remis au bout de six mois. Lenveloppe globale était de 15000 euros environ, il fallait en déduire les frais, notamment photographiques, soit environ 6000 euros. Il restait donc en rémunération 9000 euros. Une partie du travail fut accompli à temps partiel, en sorte que la rémunération mensuelle brute tourne autour de 2000 euros. Il faut encore en déduire les charges sociales mais somme toute, et dans lexercice de ma passion, jestime le fruit retiré acceptable. Appliqué aux opérations dinventaire darrondissement, voire de département, il en va tout autrement. Jai pourtant fait deux essais qui sont restés lettres mortes, avant den abandonner la prospection, et voici pourquoi. Dans un cas, il sagissait dinventorier, photographier et étudier plus de 10000 objets répartis dans 533 communes, sur 32 mois. Cinq fois plus de temps ... pour cinquante fois plus dobjets, et avec des problèmes dintendances dun tout autre ordre : transport, hébergement, ouvertures des édifices, surprises diverses sur les conditions de travail... Linvestissement ne peut pas être le même, non plus que la qualité du travail. Dans lautre, une tâche un peu moindre en ampleur mais somme toute comparable ... sur un an. Les dossiers que javais montés pour répondre à ces appels, avec collaborateurs à temps plein ou vacations suivant les cas, proposaient une rémunération un peu supérieure qui navait rien dexcessif (2800 euros charges comprises). Il se peut pourtant quelle ait dissuadé et que les propositions retenues aient été choisies parce que moins gourmandes. Mais un tel travail, avec un long éloignement du domicile, fatiguant à tous points de vue (la route, les édifices peu ou pas chauffés, par tous les temps...), pour à peine plus que le smic... Dautant que jaurais dû envisager de changer le statut de mon entreprise en fonction dun dépassement des cadres fiscaux du chiffre daffaires. Un tel constat tient au mode de désignation du prestataire dont la pertinence méchappe. On peut se demander sur quelle base, en fonction des données à réunir pour le dossier, le choix est fait. Si cest au moins disant financier, il y a chance pour que cela soit aussi au détriment de la qualité. Dans la mesure où lenveloppe nest pas extensible, le choix dune équipe pluridisciplinaire suppose un éparpillement de la masse salariale. Donc la réunion dune équipe de chercheurs sous-payés. Par ailleurs, une telle tâche demande un engagement exclusif sur une longue période. Cela signifie, pour un intervenant comme moi, labandon dune clientèle patiemment conquise jusque là. Cette mission ne peut être accomplie - dans ce que lon peut supposer des conditions médiocres - que par des officines rôdées à lexercice, non nécessairement par des historiens dart spécialistes ayant un parcours de chercheur déjà avancé. Il faut y voir une conséquence malheureuse de la décentralisation. LÉtat et ses instances patrimoniales ont constitué tout un appareil idéologique favorable à une considération certaine du travail des historiens de lart. Le transfert aux départements amène la prise en charge des mêmes questions par un personnel qui, pour passionné quil soit, ne bénéficie pas de cette expérience et de cette aura bienveillante. Doù le recours à une procédure de recrutement purement économique. On imagine le procédé étendu à toute la discipline, par exemple pour la conduite scientifique dexpositions : le spécialiste reconnu dun artiste honoré par semblable manifestation ne serait pas sûr de lobtenir... Les débouchés de lhistoire de lart sont étroits alors quune cinquantaine de thèses sont soutenues par an en France. Ce qui pouvait être une opportunité intéressante pour beaucoup de diplômés en quête demploi se révèle, au bout du compte, peu propice à la réalisation dun travail de qualité mettant en valeur les compétences acquises au cours du parcours de formation et de spécialisation. Ce qui implique aussi une prise en compte du patrimoine moins assurée. Apparemment, lexception culturelle ne concerne pas lhistoire de lart... S. K. Melun, mars 2009 |
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