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Sylvain Kerspern - dhistoire-et-dart.com |
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Regard sur une exposition et son catalogue. (Blois, 2009) Mise en ligne le 5 mai 2009. |
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N°3 du catalogue. Il présente le Martyre de Thomas More, clairement situé dans le contexte historique, reste une énigme pour lattribution. Cela vient du fait quAntoine Caron semble avoir fait école, et quaux noms cités ou suggérés dans la notice, on pourrait ajouter Nicolas Baullery, Jacob Bunel ou François Quesnel, dont javais publié sur un précédent avatar de ce site un tableau qui montre une culture semblable. Le fait que le dernier nommé soit né à Édimbourg, à la cour du roi dÉcosse, donnerait au sujet une résonnance particulière pour lui. La piste mériterait donc dêtre creusée mais il reste beaucoup à faire pour démêler lécheveau des peintures jadis réunies par Jean Erhman sur le nom de Caron. |
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N°16. Jai, à son propos, une approche voisine dHélène Lebédel-Carbonel, et le principe dun atelier du Luxembourg comme hypothèse de travail, en attendant un partage plus pointu et la désignation dun chef (ou de plusieurs, dans le temps), me semble à retenir. Le nom de Jean Mosnier, en tout cas, ne saurait en être trop vite distrait, quand bien même les attributions de linventaire Paillet des années 1850 seraient pour partie reconnues fausses. La présence de Pierre Mosnier, son fils, à lAcadémie, auprès de Paillet, ne suffit pas à justifier que son nom vienne sous sa plume au moment de décrire le palais du Luxembourg, alors même que paraissent les ouvrages de Félibien (Paris, 1681) et de Bernier (Blois, 1682) qui suggèrent précisément léviction du vieux Mosnier du chantier. Jespère pouvoir revenir sur ces questions dans le cadre de létude des catalogues des deux expositions autour de Champaigne tenues naguère, qui insistera particulièrement sur la problèmatique Mosnier. Elle mintéresse dautant plus que jai avancé ce nom pour certaines peintures du décor du château de Richelieu qui ne sont pas sans rapport avec lart du Bruxellois. Je dirais simplement, dès maintenant, que lune des difficultés que nous avons à ce propos est que nous ne disposons pas encore de suffisamment déléments clairement situés pour percevoir lévolution de lartiste. Malgré cela, on peut penser que son art, stimulé par lactualité bouillonnante à Paris au temps de Marie de Médicis, était sans doute dune autre complexité que lorsquil entreprend le décor de Cheverny, une fois réinstallé durablement en Val-de-Loire. En sorte quil serait imprudent de préjuger de sa participation au Luxembourg sur la seule base des peintures pour la Province. |
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Retouche, octobre 2015. Le travail promis sur Champaigne a depuis été mené à bien, et mis en ligne. Le partage d'avec la contribution de Mosnier sur le chantier du Luxembourg est particulièrement abordé ici |
N°19. La Vierge à lEnfant, de Jean Boucher, me semble entrer naturellement dans lhéritage reçu par Pierre Mignard. Les Madones à la fois délicates et solides répandues à Rome par le Troyen, comme celle du Louvre, conservent quelque chose de cette précision nacrée, tout en en prolongeant la gamme colorée et les recherches vénitiennes, dabord formelles pour le Berrichon, également atmosphériques pour le Champenois. |
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N°21. Il ne saurait me laisser indifférent, puisquil sagit dun bel exemple de lart de Stella. Je me suis interrogé sur le caractère éventuellement factice de sa mise en pendant avec la Pietà de Limoges par le chanoine Encoignard (qui dailleurs donnait le tableau de Blois à Poussin). Il faut passer outre les états de conservation différents. De format comparable, tous deux sont tardifs. Le rapprochement fait et illustré pour la Vierge donnant la bouillie avec une peinture de 1651 sur un sujet comparable et lunivers formel des dernières années du peintre ne laisse pas de doute. On pourrait ajouter encore la peinture du Prado (1652), le retable de Provins (1654) ou les dernières suites de la Vie de la Vierge ou de la Passion. La Pietà, pour sa part, a été gravée par Françoise Bouzonnet, ce qui renvoie généralement à un ouvrage du temps où neveux et nièces se forment auprès de loncle (vers 1648-1657). Le caractère insolite de linterprétation rend les rapprochements moins évidents mais tout aussi sûrs quant au coloris et au traitement des formes. Associer les deux sujets est attendu. Il est le fondement dune iconographie particulièrement française dont un exemple est fameux : la Pietà de Michel-Ange, à Saint-Pierre-de-Rome. Cette sculpture, en donnant à la Vierge les traits de la jeune femme quelle fut au moment davoir son fils, explicite lallusion à au sujet montrant la Vierge qui tient le petit Jésus sur ses genoux. Ce va-et-vient entre les deux extrémités de la vie du Christ était un lieu commun qui explique encore la fortune des Madones, évoquant derrière lapparente insouciance dune scène de maternité le douloureux destin de lEnfant. Dans ce dialogue imagé, Stella associe les langes contraignants que, jusquà la dernière guerre mondiale encore, on appliquait en France aux nourrissons jusquà au moins six mois, et le suaire dont la Vierge se sert pour essuyer les blessures de son fils. Le caractère exceptionnellement violent chez Stella de limage ne me semble précisément pouvoir sexpliquer que comme résultant de ce que propose celle de Blois. Celle-ci, dirions-nous aujourdhui, nous montre la diversification alimentaire : la robe verte laisse encore voir louverture pour le sein droit, simplement recouvert par la tunique; en complément, la Vierge donne de la bouillie quun angelot tient au chaud. Cest tout le charme et toute la profondeur de bien des ouvrages de Stella, semblant sattacher à la restitution du quotidien tout en lui donnant un résonnance profonde, spirituelle, encore accrue par la recherche dun univers formel visant léconomie et tendant au monumental. Ainsi, le rapprochement attendu entre les deux tableaux autrefois à Saint-Germain amène à associer la nourriture terrestre apportée par la mère au sacrifice du fils, évoquant ainsi lEucharistie transmise par le pain - la bouillie - et le vin - le sang du Christ. Le thème du tableau de Blois a particulièrement inspiré Stella. Cest lui qui soutient la violence inhabituelle et hors du temps de son pendant, alors que son propre traitement le place au contraire dans le temps historique, et dans lévolution même de tout homme. Nous voici devant un moment précis, une étape du détachement de la mère - le sein ne suffit plus - et bientôt, les langes contraignants se delieront, bientôt il pourra vouloir quitter les genoux de sa mère pour jouer avec un agneau, voire le chevaucher, comme lâne, plus tard, pour entrer dans Jérusalem... Stella ne présente pas le lien entre les deux moments comme purement symbolique : il linscrit dans un processus historique incarné dans le quotidien. Il nappelle pas à méditer sur les souffrances de la Passion ni sur le caractère fini de la vie, mais sur le sens même de cette dernière, tel que le Christ a pu le concevoir. Sans doute la question était-elle dune particulière acuité pour lui, dont la santé déclinante le menait au tombeau. |
![]() Vierge à la bouillie Toile, 66 x 52 cm. Blois, musée ![]() Toile, 65 x 53 cm Limoges, musée. ![]() Sainte famille, saint Jean et lagneau, Toile, 42x54 cm. Dijon, Musée des Beaux-Arts. |
N°24. Cette peinture assurée de Jean Mosnier pose des problèmes diconographie, de date voire de destination précise au sein du décor de Cheverny, sur lesquels jespère pouvoir revenir dans un autre contexte. Je nen parle ici que pour relever deux petites choses : une erreur certainement involontaire inversant les séjours florentin et romain, le premier ayant précédé lautre; et une précision que suggère lhistorique, à savoir que le tableau paraît avoir été donnné non seulement avant 1861 mais dès avant 1852 puisque sa mention dans lexposition de Blois cette année-là le rattache déjà au musée. Enfin, cest aussi loccasion de vous inciter à aller voir lexposition qui présente un autre tableau du Blésois, une Adoration des mages provenant dune église de la ville, qui ne figure pas dans le catalogue... |
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N°37. Cest une oeuvre de Mosnier fils. À titre dhypothèse, il faudrait peut-être rapprocher cette austère effigie de lAllégorie en lhonneur de Louis XIV conservée au Musée de lAssistance Publique, et de son commanditaire qui sadresse au peintre cette année-là : M. Aubert, bourgeois de Paris (voir aussi létude autour dun possible ouvrage de sa main sur ce site). La mise en page et la palette reserrée peut aussi faire songer à Bourdon, son maître, ainsi quà son père (voir le n°78 du catalogue). N°21. Ce pourrait être la révélation du catalogue. Sil faut attendre la fin de la restauration en cours - et une bonne photographie, alors -, lhypothèse avancée dun chef-doeuvre de Pierre Mignard semble particulièrement pertinente. |
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N°102. Il mintéresse dans la mesure où il participe du maniérisme international recherchant les effets lumineux et macrocosmiques particulièrement illustrés par lécole de Franckenthal mais aussi Caron et ses suiveurs, dont Baullery, ou encore Claude Deruet et François de Nomé. Le tableau cité de Jean Maublanc (1582? - après 1638) du musée de Besançon, reprend plus fidèlement que celui de Blois le modèle bruxellois de Schoubroeck, tout en proposant quelques variantes invraisemblables pour renchérir sur laspect spectaculaire, notamment en avançant la colonne pour lui conférer une dimension gigantesque. Celui de Blois diffère notamment par le groupe dÉnée transportant Anchise, qui reprend le célèbre modèle de Barocci peint en 1598 (Rome, Gallerie Borghese). Étant donné la brieveté du délai (Schoubroeck meurt en 1607), il y a donc chance pour que nous soyons en présence dune exploitation actualisée de ce prototype. La facture me semble flamande et inscrit le tableau dans le va-et-vient incessant des artistes entre les Flandres et lItalie. |
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N°144. Enfin cette peinture (peut-être effectivement remaniée pour le coeur) me paraît pouvoir être rapproché des rares oeuvres de Mathieu Frédeau, en particulier le Miracle de saint Rieul de la cathédrale de Senlis, daté et signé de 1645. Le type physique du personnage barbu et celui des anges, au front descendant sur les orbites occulaires, le drapé sculptural et la gamme chromatique claire, raffinée et haute en couleurs sont tous à fait comparables. Un examen direct du tableau permettrait sans doute plus dassurance. |
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Ceci na rien dun compte-rendu exhaustif et trahit dabord des intérêts propres. On trouvera au château de Blois, agréablement présentées, dautres peintures tout à fait dignes, par la qualité et la diversité, dun des hauts lieux de lhistoire de France. Elle bénéficiera naturellement de laffluence touristique du château mais il serait dommage que les spécialistes négligent cette belle exposition. S.K., Melun le 10 mai 2009 |
Courriels : sylvainkerspern@gmail.com - sylvainkerspern@hotmail.fr. |
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